La confiance de la population dans les institutions publiques est une condition essentielle pour le bon fonctionnement de toute société démocratique. Un des facteurs qui sape cette confiance est la corruption. Selon l’indice de perception de la corruption de Transparency International de 2019, le Canada fait partie des pays les moins corrompus, occupant le 12e rang sur 180 pays. Cela semble être une bonne nouvelle, mais il faut noter qu’il se situait au 9e rang en 2018 et y avait récolté 4 points de plus. En cette Journée internationale de lutte contre la corruption, il est important de revenir sur les causes de ce recul, mais surtout de s’assurer que les politiques anticorruption sont à jour et mises en œuvre. Dans ce domaine, les acteurs stratégiques pour l’application et le contrôle des saines pratiques de gestion sont les vérificateurs généraux.

La corruption est un abus de pouvoir qui pervertit les relations sociales et porte atteinte à l’intégrité des gouvernements. C’est aussi un phénomène « caméléon » qui peut se produire furtivement et très rapidement, si un brin d’espace lui est accordé. Pendant près d’une décennie, le Canada s’est maintenu dans la catégorie des pays « propres », obtenant, de 2010 à 2018, entre 81 et 89 points sur 100 (un indice de 100 représentant l’absence de corruption). Toutefois, en 2019, il n’a récolté que 77 points. Bien que ce soit encore la plus haute note en Amérique, il serait dangereux que le Canada s’assoie sur ses lauriers. La perte de quatre points par rapport à 2018 ne doit pas être prise à la légère et ne devrait surtout pas constituer le début d’une chute continue. Les causes de la dépréciation du Canada sont entre autres le relâchement dans l’application des lois et des politiques anticorruption, notamment dans l’affaire SNC-Lavalin.

Dans l’affaire SNC-Lavalin, des pots-de-vin de plusieurs millions de dollars auraient été versés à des fonctionnaires étrangers pour obtenir des contrats commerciaux. La condamnation d’un ex-cadre de la firme d’ingénierie à une peine d’emprisonnement laisse croire à la véracité des allégations. Plusieurs lois auraient donc été violées dans cette affaire, notamment la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers, le Code criminel, la convention anticorruption de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et la Loi concernant la lutte contre la corruption du Québec.

La loi fédérale sur la corruption d’agents publics étrangers avait été adoptée en accéléré en 1999. Elle n’avait pas fait l’objet d’une étude parlementaire approfondie. Les amendements rajoutés plus tard concernant les accords de réparation ne simplifient pas son application. Tous s’accordent sur sa nécessaire révision. Dans ce contexte de violation de lois existantes et d’adoption de nouvelles pour contrer la corruption, la Gendarmerie royale du Canada et l’Unité permanente anticorruption du Québec (entre autres) gagneraient à avoir des partenaires efficaces en matière de vérification.

L’adoption de politiques anticorruption ne suffit pas. Il faut veiller à ce qu’elles demeurent pertinentes et appliquées. Les vérificateurs jouent un rôle essentiel pour mettre à jour des mesures anticorruption. Ils surveillent les finances publiques en effectuant des audits de conformité, des audits de performance et des audits financiers. Ces audits permettent d’assurer le respect des lois et règlements, l’économie, l’efficacité et l’efficience des décisions de gestion, et l’application effective des procédés comptables. Les vérificateurs généraux bénéficient de la confiance de la population, ce qui favorise leur travail en tant qu’institutions publiques. En plus, les gouvernements sont actuellement concentrés sur la gestion de la pandémie de COVID-19. Les décisions rapides qui sont prises dans ce contexte et les actions réalisées peuvent créer des situations propices à la corruption, comme diverses études le soutiennent. Il serait dommage que le Canada sorte de cette période entaché par des scandales de collusion ou de corruption dans la gestion des fonds destinés à la crise.

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En surveillant la conformité aux lois et règlements, les vérificateurs généraux occupent une position clé pour se prononcer sur leur obsolescence. Il ne s’agit pas de remettre en question la qualité de la politique ou de la loi, mais plutôt de se prononcer sur l’amélioration possible de leur mise en œuvre.

Pour assurer la bonne gestion des fonds publics et prévenir la corruption, il est nécessaire que les vérificateurs généraux puissent suivre de près l’utilisation des fonds. Cependant, comme elle le souligne dans son rapport d’octobre 2020, la vérificatrice générale du Québec ne peut procéder actuellement à la vérification des finances publiques dans certaines entités, car celles-ci ne font pas partie de son champ de compétence. C’est le cas par exemple des fondations qui reçoivent des dons d’organismes gouvernementaux. Pour corriger ces lacunes, la vérificatrice propose une modification de la Loi sur le vérificateur général, ce qui serait une bonne mesure pour minimiser les risques de corruption dans ces types de transfert. En surveillant la conformité aux lois et règlements, les vérificateurs généraux occupent une position clé pour se prononcer sur leur obsolescence. Il ne s’agit pas de remettre en question la qualité de la politique ou de la loi, mais plutôt de se prononcer sur l’amélioration possible de leur mise en œuvre compte tenu de l’évolution des enjeux ou du contexte. La collaboration des parlements est donc requise.

La corruption est furtive. Elle s’installe facilement si des occasions se présentent. Aucun gouvernement n’est à l’abri. Si le Canada demeure en tête dans la catégorie des pays « propres » en Amérique, il doit toutefois rester vigilant. Les lois et les mesures anticorruption doivent être révisées afin de demeurer pertinentes. Les vérificateurs généraux, quel que soit l’ordre de gouvernement, doivent veiller à leur application, mais aussi favoriser leur modernisation en attirant l’attention des parlements. L’intégrité nationale en dépend.

Photo : Shutterstock / nelzajamal

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Eriole Zita Nonki Tadida
Eriole Zita Nonki Tadida est doctorante en science politique et membre du Centre d’analyse des politiques publiques (CAPP) à l’Université Laval. Ses intérêts de recherche sont axés sur le management public, les contrôles et audits dans l’administration publique.

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