Alors que 2022 fût forte en promesses environnementales, l’heure est à l’action. Malheureusement, nous décarbonons nos économies trop lentement. À ce rythme, nous allons manquer l’objectif de l’Accord de Paris, soit de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C.

Certains mettront la faute sur le manque de courage des élites politiques – et ils n’auraient pas tort –, mais démocratie exige, les politiciens répondent aux préoccupations des citoyens. Si la population souhaitait réellement rester sous la barre de 1,5 °C, nous le ferions. La pandémie de coronavirus en est la parfaite démonstration : les gouvernements peuvent être radicaux lorsque la population les appuie.

La question devient donc : comment amener la population à désirer davantage d’actions climatiques ?

Essentiellement, le soutien aux politiques climatiques repose sur trois piliers : l’efficacité, l’équité et l’intérêt personnel.

Selon cette logique, la taxe carbone canadienne devrait donc jouir d’une bonne opinion dans la population, puisqu’elle est efficace et redistributive. Effectivement, elle est fiscalement neutre, ce qui signifie qu’elle redistribue les revenus issus de la taxation aux mĂ©nages via le revenu climatique – un montant qui atteint jusqu’à 1 200 $ par annĂ©e pour une famille albertaine de deux enfants.

Tel que le souligne le bureau parlementaire du budget, 80 % des individus reçoivent davantage de revenu climatique qu’ils payent de taxe carbone, rendant cette politique équitable.

D’ailleurs, la Commission de l’écofiscalité du Canada souligne que la taxe carbone est le moyen le plus efficace de réduire la pollution. Les trois piliers d’acceptation d’une politique climatiques sont respectés, conséquemment, la politique devrait être appréciée.

Toutefois, les données empiriques contredisent cette logique : la taxe carbone n’est pas appréciée et tel que les politicologues Matto Mildenberger, Érick Lachapelle, Kathryn Harrison & Isabelle Stadelmann-Steffe le soulignent dans leur article publié dans Nature, les régimes de taxation carbone du Canada et de la Suisse sont incompris par la population. La majorité des individus surévaluent le coût de la taxe carbone et sous-évaluent le retour reçu. L’incompréhension de la taxe carbone semble donc nuire à son acceptabilité sociale.

Or, est-ce qu’expliquer le fonctionnement des politiques climatiques peut augmenter leur adoption ?

Une Ă©quipe de chercheurs s’est penchĂ©e sur la question. Ils ont explorĂ© l’impact de la communication sur l’adoption aux politiques climatiques. Pour ce faire, l’Ă©quipe a sondĂ© 40 000 individus dans vingt pays, reprĂ©sentant plus de 70 % des Ă©missions mondiales de CO2.

Les chercheurs ont séparé les individus aléatoirement en quatre groupes. Un groupe contrôle qui représente la population non traitée, ainsi que trois groupes de traitement. Le premier groupe de traitement reçoit une vidéo informationnelle sur les impacts tant positifs que négatifs de la crise climatique au Canada. Le deuxième groupe traitement se fait expliquer le fonctionnement des politiques climatiques, et puis, le dernier groupe reçoit les deux vidéos.

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L’étude conclut que l’impact marginal des dommages causés par les changements climatiques est près de zéro, la population étant déjà bien informée à cet égard. À l’inverse, nous pouvons voir que l’indice d’adoption de la taxe carbone augmente de 12 points pour le deuxième groupe traitement, soit pour les individus qui se font vulgariser le fonctionnement des politiques climatiques.

Force est de constater l’efficacité de vulgariser les politiques climatiques. La vidéo sur l’impact des changements climatiques, quant à elle, n’amène peu ou pas d’impact sur l’augmentation de l’appui aux politiques climatiques, à l’exception de l’isolation obligatoire et subventionnée.

Soyons clairs, cette Ă©tude analyse l’impact marginal de la communication sur l’action climatique. Les changements climatiques Ă©tant dorĂ©navant largement couverts et politisĂ©s, il est possible que la vidĂ©o Ă  cet Ă©gard n’informe que peu les individus. Ă€ contrario, le fonctionnement des politiques climatiques est obscur pour le citoyen moyen. AmĂ©liorer l’accessibilitĂ© et la visibilitĂ© de l’information au niveau des politiques climatiques peut donc diminuer la rĂ©sistance de la population envers celles-ci.

Implications politiques

Les politiques climatiques sont essentielles pour rĂ©soudre la crise climatique, mais elles nĂ©cessitent un soutien populaire. L’article prĂ©sentĂ© plus haut dĂ©montre que communiquer davantage l’impact des changements climatiques n’augmente peu ou pas l’appui, tandis que d’expliquer les politiques climatiques l’augmente significativement.

Les médias couvrent abondamment la crise climatique, mais parlent moins des solutions et plus spécifiquement, de leur fonctionnement. De plus, le cursus scolaire est déficient en la matière. Il est possible d’obtenir un diplôme universitaire sans jamais avoir été exposé aux principales politiques climatiques.

En ce sens, il serait intĂ©ressant que les mĂ©dias invitent des experts afin de souligner l’importance de bonnes politiques publiques, mais Ă©galement de leurs fonctionnements. Dans le mĂŞme ordre d’idĂ©es, les journaux devraient dĂ©dier des ressources au dĂ©cryptage des politiques publiques. Au vu de l’Ă©vidente contribution au bien public qu’elles offriraient, il pourrait ĂŞtre intĂ©ressant de subventionner ces ressources.

En outre, des capsules vidĂ©o devraient ĂŞtre prĂ©sentĂ©es dans les Ă©coles et les milieux de travail afin d’informer la population des coĂ»ts et des bĂ©nĂ©fices des diverses politiques climatiques.

Afin d’éviter de politiser le message, il serait primordial qu’un tel programme soit dirigé par un organe indépendant de la branche exécutive du gouvernement. Quelque chose comme l’Institut climatique du Canada. La Banque de Développement du Canada pourrait, quant à elle, accompagner nos entrepreneurs sur la façon dont les politiques climatiques peuvent contribuer à leurs modèles d’affaires.

Conclusion

Le bateau pour limiter le rĂ©chauffement climatique Ă  1,5 °C est sur le point de quitter port. Nous devons accĂ©lĂ©rer la dĂ©carbonation de notre Ă©conomie, mais, pour ce faire, nous avons besoin d’un support populaire. Bien que de nouvelles ressources communicationnelles seraient bĂ©nĂ©fiques, rĂ©orienter le message dans les mĂ©dias, en milieu de travail et Ă  l’Ă©cole est primordial.

Les cobénéfices de l’action climatique doivent être mis de l’avant, pas seulement le coût de l’inaction.

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Hugo Cordeau
Hugo Cordeau is a PhD student in economics at the University of Toronto and a Fonds de recherche du Québec - Société et culture fellow. His research interests include urban economics and public finance, with a focus on climate action. He can be reached on LinkedIn and Twitter at @cordeau_. 

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