Avec des ventes de plus de 26 milliards de dollars en 2015, l’industrie de la transformation alimentaire est le secteur manufacturier le plus important au Québec. Elle est aussi le premier employeur du secteur, représentant 15 % des emplois, soit près de 64 000 emplois directs répartis dans 1 600 entreprises, qui sont présentes dans plus de 1 800 établissements à travers la province. Pour chaque unité de pourcentage d’augmentation des activités du secteur au Québec, il se crée, ici même, plus de 550 emplois directs et près de 900 emplois indirects.

Les transformateurs alimentaires ajoutent de la valeur aux aliments et permettent à tous les Québécois de consommer des aliments diversifiés, tout au long de l’année. Cette industrie est un maillon essentiel entre l’agriculture et la distribution d’aliments et de boissons : elle transforme 70 % de la production agricole québécoise et représente le principal débouché pour le secteur agricole. C’est grâce à la transformation alimentaire qu’une grande part de la production agricole se retrouve dans l’assiette des Québécois. La figure ci-dessous montre la diversité de cette industrie.

Une balance commerciale positive

En 2015, le Québec a généré 12 % de l’ensemble des exportations bioalimentaires canadiennes, ce qui représente des ventes de 7,5 milliards de dollars. Les États-Unis demeurent le principal consommateur des produits bioalimentaires québécois, 71 % de nos exportations leur sont destinées. Près de la moitié des transformateurs alimentaires québécois sont présents sur les marchés internationaux, et cela dans plus de 140 pays.

Les produits exportés par le Québec sont diversifiés. Les viandes, les abats et les préparations de porc arrivent au premier rang avec une valeur de 1,4 milliard de dollars ; ils sont dirigés principalement vers les marchés des États-Unis, du Japon et de la Chine. Les produits du cacao (chocolat), au deuxième rang, enregistrent des ventes de 1 milliard de dollars, essentiellement à destination des États-Unis.

Quant aux importations, elles ont totalisé 6,9 milliards de dollars en 2015. La balance commerciale agroalimentaire québécoise est positive année après année. En 2015, le surplus a dépassé 600 millions de dollars. Les principaux produits importés sont les boissons alcoolisées (1,5 milliards de dollars), les fruits et légumes (864 millions) et le cacao (731millions).

La prospection de nouveaux marchés

La population québécoise ne progresse que très lentement. Avec un peu plus de 8,2 millions d’habitants en 2016 et une projection de 8,7 millions d’ici les 15 prochaines années, l’industrie de la transformation alimentaire devra maintenir sinon accroître ses efforts de prospection de nouveaux marchés à l’extérieur des frontières du Québec, là où les perspectives de développement sont meilleures.

L’industrie de la transformation alimentaire veut demeurer dynamique, performante et rentable. C’est pourquoi un développement accru des affaires hors des frontières du Québec est indispensable. La mondialisation et l’ouverture des marchés offrent de vastes débouchés, mais elles entraînent aussi une concurrence plus grande, sinon féroce, de la part d’entreprises étrangères qui souhaitent percer le marché québécois. Cette nouvelle réalité s’applique indiscutablement à tout le secteur manufacturier, mais très certainement aussi, sinon plus, au secteur de la transformation alimentaire, considérant que ce sont surtout des produits transformés et conditionnés qui apparaissent sur notre marché.

Les accords internationaux suscitent quelques inquiétudes. L’accord avec l’Union européenne fait craindre aux transformateurs de produits laitiers l’arrivée de fromages européens. Plusieurs entreprises se sont déjà regroupées afin de faire front commun et de partager les risques avec des entreprises européennes. Et quels seront les répercussions de la renégociation de l’ALENA à laquelle se préparent les gouvernements du Canada et du Québec ?

Le savoir-faire québécois

Au-delà de l’emploi, des activités d’exportation et de la stabilité relative du PIB, le secteur de la transformation alimentaire offre une vitrine sur le savoir-faire québécois. Il n’est pas associé spontanément à la nouvelle économie, mais bon nombre d’usines utilisent des technologies avancées et mettent au point des procédés industriels brevetés (ou du moins se servent de ces procédés). Depuis les dernières années, l’innovation caractérise cette industrie et permet de mettre en évidence l’inventivité et la créativité des entrepreneurs québécois.

L’industrie a réussi à tirer avec brio son épingle du jeu dans un environnement de plus en plus ouvert à la concurrence. En citons un exemple : une épicerie moyenne offre aujourd’hui quelque 30 000 produits différents, contre 18 000 environ au tournant de l’an 2000 ; pourtant, les produits québécois ont réussi à maintenir environ 50 % de leur présence sur les tablettes, résistant ainsi à des produits provenant de tous les coins de la planète.

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La perception de la part du gouvernement

En raison du poids relatif de l’industrie de la transformation alimentaire, le maintien et le développement de ses entreprises ne relèvent pas d’une simple question de stratégie de développement bioalimentaire du Québec. La transformation alimentaire doit être pleinement prise en compte dans la stratégie globale du développement économique du Québec. Elle doit aussi être considérée sur un pied d’égalité avec d’autres secteurs jugés « performants », tels l’aérospatiale, les sciences de la santé, les technologies de l’information, les mines ou les transports. Demandant depuis plusieurs années que le gouvernement élabore une Politique gouvernementale du bioalimentaire, l’industrie a des attentes élevées depuis l’annonce d’un Sommet sur l’alimentation (prévu en novembre 2017) faite par le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) : elle appelle de ses vœux une stratégie bioalimentaire intégrée au Plan économique du Québec au même titre que le sont les secteurs miniers, forestiers, maritimes et de l’aérospatiale.

Les autorités gouvernementales doivent comprendre qu’il faut que notre industrie se rapproche des ministères et organismes gouvernementaux à vocation industrielle et de commerce extérieur. En la maintenant au sein d’un ministère dont la principale mission est de soutenir et de développer la production agricole, c’est l’ensemble de son déploiement qui s’en trouve brimé. L’industrie de la transformation alimentaire correspond en tous points au modèle de l’industrie manufacturière plutôt qu’au modèle de la production agricole.

En tant qu’industrie manufacturière de premier plan au Québec, le secteur de la transformation alimentaire revendique l’accès aux mêmes programmes, aux mêmes ressources professionnelles et financières, et aux mêmes équipes chargées d’accompagner les entrepreneurs québécois dans leurs démarches de maturation de projets d’investissement. Car tous les experts et observateurs l’affirment, l’industrie doit investir massivement dans la recherche et le développement, l’innovation, la modernisation des technologies et l’acquisition de nouveaux équipements.

Au Québec seulement, il se sert, chaque jour, quelque 24 millions de repas, qui sont consommés à la maison, au restaurant ou en institution. Ces repas sont largement composés d’ingrédients traités, préparés et conditionnés dans une myriade d’entreprises de transformation alimentaire réparties sur l’ensemble du territoire québécois. La demande alimentaire québécoise annuelle est d’environ 37,8 milliards de dollars (2013), soit 9 000 dollars par ménage.

Les chiffres le prouvent, l’industrie de la transformation alimentaire est un solide pilier de l’économie québécoise. C’est une industrie discrète qui est trop souvent tenue pour acquise parce qu’elle fait étroitement partie d’une chaîne de valeur de plus en plus intégrée, répondant — au Québec comme partout au monde — à un besoin fondamental de l’être humain : se nourrir.

La transformation alimentaire a le droit d’avoir une représentation gouvernementale qui partage cette vision et qui propose des moyens d’action pour stimuler l’investissement et l’innovation dans les entreprises, assurer un financement concurrentiel en recherche-développement et faire face aux problèmes croissants de la pénurie de main-d’œuvre.

Une réelle reconnaissance du secteur manufacturier de la transformation alimentaire permettra d’assurer notre compétitivité à la fois ici, au Québec, que sur les scènes nationale et internationale. Il est impératif que notre gouvernement se prononce sur les moyens qu’il compte mettre en avant pour stimuler le secteur alimentaire, lui permettre de déployer son plein potentiel et ainsi contribuer à un Québec prospère.

Cet article fait partie du dossier L’agriculture canadienne à la pointe du secteur.

Photo : Shutterstock.com


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Sylvie Cloutier
Sylvie Cloutier est présidente-directrice générale du Conseil de la transformation alimentaire du Québec.

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