Inscrivez-vous à Un Canada plus fort à l’ère Trump pour recevoir nos toutes dernières analyses politiques sur les prochaines orientations du Canada.

(English version available here)

La dissolution de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) devrait être complétée d’ici le 1er juillet. L’administration Trump a déjà supprimé 83 % de ses programmes et les quelques initiatives restantes sont en voie d’intégration au département d’État. Ce démantèlement mettra fin à un soutien essentiel pour des millions de personnes parmi les plus vulnérables de la planète.

Cette réduction importante menace des services essentiels à l’échelle mondiale, particulièrement en Afrique, où l’USAID soutenait depuis longtemps des programmes de santé, de sécurité alimentaire et de préparation aux situations d’urgence. Et il ne s’agit pas uniquement d’une catastrophe pour l’humanité. C’est aussi une crise économique et géopolitique aux répercussions directes pour le Canada.

L’effondrement des services de santé ne détruira pas seulement des vies : il déstabilisera aussi l’économie en exacerbant les conflits. Or, au moment où l’on cherche à encourager les entreprises canadiennes à s’implanter dans les marchés africains émergents, ces derniers deviendront plus risqués pour des investissements à long terme.

Le Canada a le choix. Il peut rester passif devant les conséquences irréparables du démantèlement de l’USAID, en sachant qu’il en subira les contrecoups, ou il peut agir.

Pourquoi le Canada doit renforcer ses liens économiques avec l’Afrique

L’invasion de l’Ukraine pourrait être catastrophique pour l’Afrique

Les incohérences du programme humanitaire canadien pour l’Amérique latine

Bien sûr, nous ne pouvons pas compenser entièrement les coupes budgétaires de l’USAID. Cependant, nous pouvons utiliser notre influence pour former une coalition de gouvernements, de philanthropes et d’acteurs du secteur privé partageant les mêmes valeurs pour bâtir un monde plus sûr et plus prospère. Nous l’avons déjà fait il y a 15 ans avec l’Initiative de Muskoka.

Cette année, en tant qu’hôte du sommet annuel du G7, le Canada aura l’occasion à nouveau de mobiliser ses partenaires mondiaux et les inciter à agir de façon urgente et coordonnée. Dans le contexte des menaces tarifaires du président Donald Trump, il est plus que jamais pertinent de passer aux actes plutôt que de subir ses décisions unilatérales.

L’USAID était l’un des plus importants contributeurs aux programmes de santé mondiaux, notamment en santé maternelle et infantile.

Selon l’Institut Guttmacher, une organisation vouée à la promotion de la santé sexuelle et reproductive à l’échelle mondiale, les coupes dans le financement de l’USAID priveront 11,7 millions de femmes et de filles vivant dans les « pays les plus vulnérables » de services de santé essentiels.

En l’absence de ces services, l’Institut prévoit une recrudescence de grossesses non désirées (4,2 millions de plus selon leurs données) et plus de 8 300 femmes pourraient mourir de complications liées à la grossesse ou à l’accouchement. Les nouveau-nés ne recevront pas les soins postnataux essentiels, et les effets se feront sentir à travers des communautés entières.

Soyons réalistes : les conséquences se feront aussi sentir au Canada. Un monde déstabilisé entraîne un affaiblissement des marchés, une perturbation des chaînes d’approvisionnement et une pression migratoire accrue. Ces facteurs auront des impacts négatifs au pays.

Investir dans la santé est une décision à la fois avisée et efficace. Des populations en bonne santé favorisent la productivité, stimulent les économies locales et assurent la main-d’œuvre nécessaire à une croissance durable. Une communauté lourdement touchée par des maladies évitables et des décès prématurés offre peu de conditions favorables au développement économique.

L’idée n’est pas que le Canada remplace l’USAID. Ce serait comme tenter de remplir les chutes Niagara avec un tuyau d’arrosage. Mais nous pouvons jouer un rôle rassembleur, montrer la voie et mobiliser d’autres donateurs pour agir.

Nous savons que cette approche fonctionne, car nous l’avons fait. En 2010, sous le gouvernement de Stephen Harper, ce qui était alors le G8 a lancé l’Initiative de Muskoka. Le Canada a alors pris l’engagement de faire de la santé maternelle et infantile une priorité mondiale, suscitant à la fois un engagement politique et des investissements concrets à l’échelle internationale.

Cette initiative ne se limitait pas à l’aide directe. Elle visait aussi à maintenir l’attention internationale sur ces enjeux, à s’assurer que les gouvernements respectaient leurs engagements respectifs et qu’ils obtenaient des résultats tangibles.

Le moment est venu d’adapter ce modèle à la situation actuelle. Les gouvernements africains, les ONG et les entrepreneurs ont déjà mis en place des modèles novateurs pour offrir des soins de santé, souvent avec des ressources très limitées. Mais il leur manque le soutien nécessaire pour étendre ces solutions à plus grande échelle.

L’aide au développement n’est pas un acte de charité. C’est un investissement dans la stabilité mondiale, la sécurité et la prospérité économique. C’est une façon de prolonger la piste de décollage dont les pays ont besoin pour s’élever — non seulement pour le bien de ceux qui reçoivent cette aide, mais aussi pour nous tous, qui dépendons d’un monde interconnecté.

Souhaitez-vous réagir à cet article ? Joignez-vous aux discussions d’Options politiques et soumettez-nous votre texte , ou votre lettre à la rédaction! 

Vous pouvez reproduire cet article d’Options politiques en ligne ou dans un périodique imprimé, sous licence Creative Commons Attribution.

Creative Commons License