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Cet article est le deuxième d’une série de deux consacrés à l’augmentation du soutien au Parti Québécois. Le premier article explique comment cette croissance du soutien au PQ n’est pas liée à un regain en popularité de l’option souverainiste.

Le surprenant regain de popularité du Parti Québécois n’est pas attribuable à un soutien croissant à la souveraineté. Mais de nombreux Québécois s’identifient néanmoins comme étant principalement souverainistes. Qu’est-ce qui sous-tend cette préférence ? Au-delà d’une préférence évidente pour la souveraineté, quelles sont les opinions qui les distinguent des autres Québécois ?

Cette différence ne vient d’une divergence d’opinions sur les grands défis politiques du moment. Sur les soins de santé, le logement abordable et l’environnement, il n’y a pas de grand fossé. Ce n’est pas non plus une vision différente du rôle de l’État. Ce qui caractérise les souverainistes sont principalement les griefs à l’égard de notre système fédéral, associés à un fort sentiment d’identité, comme le montre notre enquête 2024 de la Confédération de demain.

Mêmes défis, mêmes préoccupations

En ce qui concerne les soins de santé, environ un Québécois sur deux n’a pas confiance en sa capacité d’obtenir un traitement ou une consultation dans un délai raisonnable. Cette proportion est la même pour ceux qui s’identifient principalement comme souverainistes et ceux qui s’identifient principalement comme fédéralistes.

Quant à l’enjeu du logement, à peu près la même proportion de Québécois (un peu moins d’un sur deux) désapprouve la façon dont la province gère l’accessibilité. Mais, encore une fois, il n’y a pas de différence d’opinion entre ceux qui s’identifient comme souverainistes et ceux qui ne le sont pas.

Le même schéma persiste sur le plan environnemental. Les souverainistes et les fédéralistes se répartissent plus ou moins également entre ceux qui sont d’accord et ceux qui ne sont pas d’accord pour dire que la protection de l’environnement est plus importante que la protection des emplois, par exemple.

Au-delà de ces questions sur un enjeu en particulier, peut-être que les souverainistes québécois sont plus pro-gouvernementaux, plus favorables à l’État (du moins l’État provincial) en tant qu’outil pour faire avancer les objectifs collectifs ? Cela ne semble pas être le cas non plus.

  

En fait, les Québécois qui s’identifient principalement comme souverainistes sont un peu plus susceptibles que la moyenne de préférer des gouvernements plus petits ou le statu quo plutôt que des gouvernements plus importants qui offrent plus de services. De plus, les souverainistes sont plus enclins que les fédéralistes à penser que les gouvernements ont un impact négatif sur la vie de la plupart des gens. À l’inverse, les fédéralistes ont tendance à considérer l’impact des gouvernements comme positif.

Le plus intéressant est peut-être le fait que la distribution sur le spectre de l’idéologie gauche-droite est presque identique chez les souverainistes que chez les fédéralistes. Dans les deux groupes, environ la moitié se situe au centre, un quart à gauche et un quart à droite.

Qu’est-ce qui fait la différence ?

Ce qui distingue les souverainistes sont leurs points de vue sur deux autres enjeux.

Le premier d’entre eux est évident : le fédéralisme. Les souverainistes sont beaucoup moins convaincus des mérites du système fédéral canadien. Les souverainistes sont deux fois plus susceptibles que la moyenne québécoise d’être en désaccord avec le fait que le fédéralisme offre plus d’avantages que d’inconvénients pour leur province.

Une forte majorité de souverainistes estime que le Québec n’a pas la part d’influence qui lui revient dans les décisions nationales et qu’il ne reçoit pas sa juste part des dépenses fédérales. Trois souverainistes sur quatre (75 %) sont favorables à un transfert des pouvoirs d’Ottawa à Québec, alors que la moyenne provinciale est de 42 %.

Le second enjeu qui distingue les souverainistes des autres Québécois a trait à l’identité, avec des éléments de fierté et de mécontentement.  La plupart des Québécois sont attachés à leur province, mais les souverainistes sont beaucoup plus susceptibles de s’y sentir fortement attachés (72 %) que la moyenne provinciale (44 %). Quarante-trois pour cent des souverainistes s’identifient comme Québécois uniquement – plutôt que comme Québécois et Canadien – , plus du double de la moyenne provinciale, qui est de 17 %.

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De nombreux souverainistes considèrent par ailleurs que ce fort sentiment d’identité québécoise est rejeté par le reste du Canada. Dans l’ensemble, 30 % des Québécois ne sont pas d’accord pour dire que leur identité culturelle est respectée dans le Canada d’aujourd’hui. Pour les souverainistes, c’est 52 %.

À l’inverse, 40 % des Québécois sont tout à fait d’accord pour dire que leur culture est mal comprise par le reste du Canada. Pour les souverainistes, c’est 67 %. Enfin, près de neuf souverainistes sur dix (88 %) affirment que la langue française au Québec est menacée.

L’importance de l’identité dans le soutien à la souveraineté ne surprendra pas ceux qui connaissent le mieux le mouvement souverainiste ou la politique québécoise. Mais les dirigeants politiques canadiens feraient bien de garder cela à l’esprit à l’approche des élections fédérales prévues pour octobre 2025.

À l’heure actuelle, la plupart des points chauds dans les relations fédérales-provinciales concernent la taxe fédérale sur le carbone (qui ne s’applique pas au Québec en raison de son système de plafonnement et d’échange), ou l’utilisation du pouvoir de dépenser pour faire avancer les priorités fédérales.

Mais les promesses et les politiques dans ces domaines ne sont probablement pas ce qui déterminera si le soutien à la souveraineté augmentera dans la province, en particulier dans l’éventualité où le PQ reviendrait au gouvernement.  Ce sont les réactions du gouvernement fédéral (et du reste du Canada) aux questions liées à la langue et à l’identité qui seront déterminantes. Cela ne veut pas dire rester coi, au contraire, cela implique que de faire comme si ces questions n’existaient pourrait s’avérer comme la pire des options.

Détails méthodologiques

Les enquêtes de la Confédération de demain sont des études annuelles menées par une association regroupant certains des principaux organismes de recherche socio-économique et de politique publique du pays : l’Environics Institute for Survey Research, le Centre d’excellence sur la Fédération canadienne, la Canada West Foundation, le Centre danalyse politique – Constitution Fédéralisme, le Brian Mulroney Institute of Government et le Conseil de gestion financière des Premières nations.

Les enquêtes permettent aux Canadiens de s’exprimer sur les grandes questions qui façonnent l’avenir de la fédération et de leurs communautés politiques.

L’étude 2024 a interrogé 6 036 adultes entre le 13 janvier et le 13 avril (82 % des réponses ont été recueillies entre le 17 janvier et le 1er février), 94 % des réponses ayant été recueillies en ligne. Les autres réponses ont été recueillies par téléphone auprès de personnes vivant dans le Nord ou dans les réserves des Premières nations.

Les résultats présentés ci-dessus sont basés sur des sondages réalisés auprès de 1 621 Québécois, dont 1 297 francophones.

Les réponses à l’enquête sont pondérées en fonction de l’âge, du sexe, de la région, du niveau d’éducation, de l’identité autochtone et de la langue parlée à la maison, afin d’être représentatives de la répartition réelle de la population adulte canadienne.

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Andrew Parkin est directeur général de l’Institut Environics. Twitter @parkinac
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Charles Breton est le directeur du Centre d’excellence sur la fédération canadienne à l’IRPP, et l'ancien directeur de la recherche à Vox Pop Labs. Il détient un doctorat en science politique de l’Université de la Colombie-Britannique.

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