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Partout au pays, les municipalités font face à un nombre croissant de gens vivant dans des campements. Il est tentant de blâmer les maires et les conseils municipaux pour l’augmentation du nombre de tentes. Cependant, des données déficientes, des ressources insuffisantes et des lignes directrices inadéquates sont la véritable cause des réponses incohérentes au problème.

Une réponse nationale impliquant tous les paliers de gouvernement s’impose. Ce défi pancanadien peut être relevé en recueillant les données, en investissant dans les refuges et d’autres solutions de logement, en établissant des procédures claires et en partageant les meilleures pratiques. Il est temps que les autorités fédérales et provinciales fassent preuve de leadership politique.

Les villes responsables par défaut

Par défaut, c’est aux villes qu’incombe de s’occuper des campements, puisque ce sont elles qui gèrent les enjeux quotidiens au sein de leurs communautés, notamment la sécurité publique, les parcs, les règlements locaux et les refuges. Conséquemment, la lutte à l’itinérance est souvent considérée comme étant directement du ressort des municipalités.

Lorsqu’il n’y a pas d’autres places dans les refuges, que d’autres options ne sont pas disponibles et que les campements apparaissent, des problèmes de coordination surviennent entre les services municipaux tels que ceux des parcs, la police et les premiers répondants, et la santé publique. En plus de ces enjeux, les gouvernements doivent trouver un équilibre entre les droits des personnes vivant dans les campements et ceux qui habitent le voisinage.

C’est souvent à ce moment que l’opinion publique se retourne contre les gouvernements locaux, soit pour leur inaction, soit pour une réaction jugée maladroite.

Les villes ne peuvent pas régler ce problème à elles seules.

Chaque niveau de gouvernement a un rôle essentiel à jouer dans une réponse globale et proactive. Nous avons décrit ces rôles dans un rapport récent intitulé Une nation de tentes : répondre à la montée des campements et à la crise de l’itinérance au Canada.

La collecte de statistiques fiables sur l’ampleur de l’itinérance est une préoccupation majeure qui nécessite que des actions soient posées. Le vérificateur général fédéral a d’ailleurs souligné l’an dernier la nécessité de recueillir des données normalisées à travers tout le Canada.

Pour atteindre cet objectif, les municipalités devraient établir des listes nominatives permettant de connaître le nombre et les besoins des personnes itinérantes, y compris celles qui vivent dans des campements. Les provinces et les territoires devraient suivre l’exemple de l’Ontario et utiliser leurs pouvoirs constitutionnels pour s’assurer que les municipalités agissent en ce sens. De bonnes données révèleront la nécessité d’intervenir et d’investir.

Offrir différentes options de logement

Le manque de places dans les refuges pousse les gens à s’installer dans des campements. Des communautés grandes et petites à travers le pays, y compris Moncton (N.-B.), Granby (Québec), Regina, Vancouver et bien d’autres, n’ont pas assez de places pour les personnes itinérantes qui ont besoin d’un endroit sûr où rester. À Montréal, où la situation est qualifiée de « bonne grosse crise », les autorités démantèlent régulièrement des camps. À Toronto, les lacunes sont apparues clairement récemment lorsque des demandeurs d’asile ont été contraints de dormir dans la rue en raison du manque de places dans les refuges et d’une querelle entre des paliers de gouvernement pour une question de financement.

D’autres personnes sans domicile préfèrent les campements en raison des règles strictes, des limites de temps ou du manque d’intimité dans les refuges.

Pour relever ce défi, il est urgent que les gouvernements provinciaux et fédéral haussent le financement des refuges traditionnels et qu’ils proposent des solutions alternatives ou créatives, y compris le recours à des micromaisons ou à des logements modulaires, pour les personnes particulièrement difficiles à loger.

Les communautés de toutes tailles ont besoin d’options de logement qui offrent intimité, prévisibilité et autonomie comme alternative à la vie dans un campement.

Des projets tels que l’installation de micromaisons Astum Api Niikinaahk, à Winnipeg, où l’emploi de maisons modulaires au Park Street Emergency Shelter, à Charlottetown, sont des exemples de projets novateurs à petite échelle et qui font une différence.

La Fédération canadienne des municipalités a demandé aux gouvernements fédéral et provinciaux d’accroître le financement des logements supervisés et de services intégrés. Des investissements de la part des paliers supérieurs de gouvernement sont nécessaires pour des projets semblables dans toutes les villes confrontées qui doivent composer avec une hausse du nombre de sans-abris.

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De bonnes pratiques à suivre

Certaines villes disposent de plans détaillant leur réponse aux campements. Par exemple, Hamilton a publié une liste de principes directeurs; à Edmonton, une équipe d’intervention réunit le personnel municipal, la police et les organisations communautaires locales pour coordonner leurs réponses respectives; à Sudbury, en Ontario, un guide et une infographie indiquent clairement la façon dont la ville réagira.

D’autres municipalités devraient s’inspirer de ces bonnes pratiques. Le fait de rendre publics leurs plans d’intervention pour les campements renforce la confiance dans le gouvernement et garantit des réponses proactives fondées sur des normes claires. Les provinces et les territoires devraient exiger que toutes les municipalités publient de tels plans.

Les villes doivent apprendre les unes des autres lorsqu’elles élaborent et mettent en œuvre des plans d’intervention. Un financement fédéral, peut-être administré par la Fédération canadienne des municipalités, devrait faciliter l’échange d’informations entre les communautés à travers le pays.

Dans l’ensemble, ces recommandations montrent ce que les paliers supérieurs de gouvernement devraient faire pour répondre à la crise de l’itinérance et à la multiplication du nombre de campements. Les villes, grandes et petites, ont besoin du soutien et du leadership des gouvernements provinciaux et fédéral pour que la situation s’améliore.

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Ian Van Haren
Ian Van Haren est directeur général d’Action Réfugiés Montréal et candidat au doctorat à l’Université McGill. Il a été fellow d’Action Canada 2022-23 pour le Forum des politiques publiques.
Naheda Sahtout
Naheda Sahtout, PhD, est analyste politique à Ressources naturelles Canada. Elle a été fellow d’Action Canada 2022-23 pour le Forum des politiques publiques.

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