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La COVID-19 circule toujours bel et bien cet hiver et elle participe au cocktail de maladies respiratoires qui remplissent les salles d’urgence partout au pays. En dépit de ceci, les gouvernements ont tourné leur attention vers la gestion des conséquences postpandémiques.

Maintenant que le traumatisme et les bouleversements liés aux restrictions sanitaires de la pandémie sont derrière nous, les décideurs consacrent désormais l’essentiel de leur attention à la crise de l’abordabilité et à des réseaux de la santé qui craquent de partout.

Mais où sont leurs bilans sur les enseignements tirés de la pandémie ?

Des universitaires et des représentants de la société civile ont publié des études et des rapports sur la gestion gouvernementale de la pandémie, dont une série d’articles publiés par le BMJ (anciennement connu comme le British Medical Journal) sur l’obligation de rendre compte de la réponse du Canada à la COVID-19.

Le Centre d’excellence sur la fédération canadienne de l’IRPP a publié son propre rapport, en partenariat avec l’Institut sur la gouvernance, intitulé Institutions résilientes : Apprendre de la pandémie de COVID-19 au Canada.

Des rapports comme le nôtre peuvent mettre la table à la réflexion, mais ils ne remplacent pas ceux réalisés par les gouvernements eux-mêmes et qui manquent encore grandement à l’appel. Nous ne disposons ni des ressources ni des accès nécessaires pour réaliser le type d’étude que notre pays mérite sur les leçons à tirer de la crise sanitaire.

Nos gouvernements doivent comprendre comment ils peuvent se coordonner pour mieux répondre aux crises futures.

Peu de rapports internes ont été rendus publics

Pourquoi cette absence de rapports ? Peut-être parce que les gouvernements n’ont tout simplement pas encore pris le temps de les produire.

Le gouvernement fédéral a récemment chargé un groupe d’experts de rédiger un rapport qui devrait paraître en mars sur l’approche fédérale en matière de conseils scientifiques et de coordination de la recherche en cas de pandémie

En novembre, l’Alberta a publié un rapport sur l’examen de la législation ayant une incidence sur sa réponse à la COVID-19. Toutefois, de nombreux autres gouvernements n’ont pas encore annoncé leur intention de procéder à un quelconque réexamen.

Dans le cadre de nos travaux sur la résilience de nos institutions, nous avons analysé les rapports sur la COVID-19 publiés ou commandés par les gouvernements et accessibles au public.

Nous nous sommes particulièrement intéressés aux rapports publiés par les ministères, compte tenu de leur perspective interne sur ce qui s’est passé pendant la pandémie. Nous avons contacté les greffiers provinciaux et territoriaux pour vérifier si de tels rapports avaient été publiés. Nous avons été surpris de constater que six provinces n’ont publié aucun bilan.

Même s’il s’agit d’une des crises de politique publique les plus dévastatrices de ce siècle, la moitié des gouvernements du pays n’ont publié aucune réflexion interne (voir figure 1). La barre est très basse, et pourtant, près de la moitié des provinces et des territoires du pays ne l’ont pas franchie.

Sur les 61 rapports que nous avons identifiés, 38 des rapports publics portant sur la COVID-19 ont été rédigés par des vérificateurs généraux. Ceux-ci jouent un rôle important en matière de responsabilité gouvernementale, mais ils sont limités dans leur mandat, qui consiste à réaliser des audits de performance et financiers. Ils ne peuvent pas, par exemple, se demander si une décision devait être prise. Ils peuvent évaluer si un programme a atteint les objectifs de performance ou respecté le budget, mais pas si un gouvernement devait ou non mettre un programme en œuvre en premier lieu.

Cinq autres rapports ont été rédigés par des groupes d’experts externes mandatés par les gouvernements. Les groupes d’experts peuvent être utiles en fournissant une évaluation indépendante des performances gouvernementales. Bien entendu, les mérites de ce type de rapports dépendent du mandat, de la composition de ces groupes d’experts et de l’expérience qu’ils ont des complexités du service public.

Les rapports internes des gouvernements présentent aussi des avantages. Les gouvernements sont les mieux placés pour comprendre les processus et les structures qui ont permis de gérer l’un des casse-tête politiques les plus difficiles de ce siècle. Personne ne comprend mieux la réponse gouvernementale à la pandémie que les gouvernements eux-mêmes.

Malheureusement, aucun des 61 rapports recensés n’est une étude comparative pancanadienne des leçons tirées de la pandémie. Aucune n’a été tentée ni même annoncée. Une étude pancanadienne est une tâche intrinsèquement difficile en raison de la contribution nécessaire de chaque ordre de gouvernement. Voilà pourquoi une telle initiative devrait être initiée par le gouvernement fédéral.

Une coordination qui doit être améliorée

Une meilleure coordination entre les différentes instances est nécessaire pour éviter de causer des dommages, en particulier aux communautés mal desservies.

En juin dernier, nous avons organisé la conférence « Institutions résilientes » où de hauts fonctionnaires, des universitaires et des représentants de la société civile se sont réunis pour discuter des enseignements tirés de la pandémie. Au cours de cette conférence, un grand nombre des 35 panélistes ont parlé de la confusion entourant les différentes compétences et du fait que certaines responsabilités traitées comme des « patates chaudes » ont conduit à de mauvais résultats.

L’un des exemples les plus flagrants est la fermeture des frontières provinciales, qui a empêché les élèves de la Première Nation Mi’gmaq de Listuguj de se rendre à l’école étant donné que la communauté se trouve au Québec, mais l’école secondaire au Nouveau-Brunswick.

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Un autre exemple est celui des municipalités qui se sont retrouvées avec peu de ressources ou de coordination. Kennedy Stewart, ancien maire de Vancouver, a déploré le fait qu’il n’ait pu obtenir qu’une seule brève conversation au téléphone avec John Horgan, alors premier ministre de la Colombie-Britannique, pendant toute la durée de la pandémie.

Sans examen permettant de comprendre les structures, les processus et les relations nécessaires pour mieux se préparer à des catastrophes transnationales, le Canada se trouve dans une position vulnérable. Les virus et les catastrophes naturelles ne connaissent pas de frontières : les gouvernements vont donc devoir trouver un moyen de travailler ensemble.

Valider la robustesse de la fédération

En outre, les gouvernements doivent examiner la solidité de la fédération canadienne, ainsi que la souplesse et la rapidité de ses réponses. Nos institutions ont en grande partie bien fonctionné pour mettre en œuvre la stratégie gouvernementale face à la COVID-19, mais le fédéralisme exécutif, dans lequel les premiers ministres fédéral et provinciaux dirigent une grande partie de la réponse institutionnelle, a été le fondement de l’approche gouvernementale.

Les différents gouvernements doivent trouver un moyen de travailler ensemble sans dépendre des réunions hebdomadaires des premiers ministres, une stratégie qui n’est pas viable à moyen ou à long terme. Dans un premier temps, il importe d’identifier les processus et les structures qui ont le mieux fonctionné.

Pour ce faire, on pourrait procéder à un examen opérationnel approfondi des comités et des groupes de travail qui ont participé à la réponse fédérale, provinciale et territoriale à la pandémie. Cela pourrait se faire dans le cadre d’une étude pancanadienne sur les enseignements tirés de la pandémie.

Éviter de renouer avec de vieilles habitudes

Première grande crise de la décennie, la pandémie a mis à l’épreuve la collaboration entre les différentes instances politiques. Les gouvernements doivent se familiariser avec des moyens de communication qui fonctionnent. Ils doivent tirer parti de l’échange d’informations qui a eu lieu et créer des opportunités pour que ces relations se poursuivent après la pandémie.

Lors de notre conférence, un intervenant a fait remarquer qu’après la fin de la pandémie, ses collègues d’autres provinces ont cessé de lui tendre la main, de même que ceux de son bureau. Ce n’est là qu’un exemple du « retour en arrière » que les gouvernements devraient éviter. La fédération se porte mieux lorsque les gouvernements se parlent.

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On a demandé aux Canadiens d’accepter des restrictions de grande envergure, comme la fermeture des frontières et les couvre-feux, souvent sans explication et avec un préavis très court. Ils doivent avoir l’assurance que les gouvernements reconnaissent ces coûts et qu’ils s’efforcent de faire en sorte que ces mesures soient proportionnées et limitées à l’avenir. Le comportement des gouvernements après la pandémie donnera le ton pour les crises futures.

Les gouvernements doivent apprendre à tirer les leçons de leurs erreurs. La pandémie est une occasion unique de le faire. Le rapport Institutions résilientes est un début, mais il appartient aux gouvernements de s’appuyer sur le travail qu’il contient pour entamer la démarche grandement nécessaire qui ne saurait émaner que d’eux.

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Ji Yoon Han
Ji Yoon s’est jointe à l’IRPP en 2022 à titre d’associée de recherche du Centre d’excellence sur la fédération canadienne. Elle avait auparavant occupé des postes en recherche à l’Institut C.D. Howe, au Samuel Centre for Social Connectedness et au Groupe de recherche sur le G20. Titulaire d’un baccalauréat spécialisé en sciences politiques et bioéthique de l’Université de Toronto, elle détient aussi une maîtrise en politiques publiques de l’École Hertie à Berlin.

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