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Maintenant que de nombreux élèves sont de retour en classe, il est temps de revenir à la routine de préparer les lunchs et les déjeuners. Mais de nouvelles données suggèrent que cela peut s’avérer difficile pour de nombreuses familles.

L’insécurité alimentaire a atteint des niveaux record et le coût du logement pousse de nombreux ménages à réduire leurs dépenses d’épicerie. Face à ces incertitudes financières, la demande d’aide immédiate et de solutions durables devient de plus en plus pressante.

Le Canada a besoin d’un programme national de repas scolaires. Un tel programme permettrait de soutenir les familles qui souffrent de l’augmentation du coût de la vie, mais constituerait également un investissement dans l’avenir de la nation. Servir des repas à l’école n’éliminera pas l’insécurité alimentaire, mais elle soulagera le budget des ménages tout en améliorant la santé et l’éducation des enfants, de même que leurs perspectives d’avenir économique à long terme.

Selon une enquête d’Emploi et Développement social Canada sur l’élaboration d’une politique nationale en matière d’alimentation scolaire, 96 % des personnes interrogées estiment que les programmes d’alimentation scolaire sont bénéfiques. Le rapport reconnaît également qu’un « meilleur accès à des aliments sains et nutritifs pourrait profiter à tous les enfants canadiens ».

Le gouvernement libéral s’est engagé à mettre en place un programme national depuis son budget fédéral de 2019. Cet engagement faisait aussi partie de la plateforme électorale du parti en 2021. Pourtant, aucune de ces promesses ne s’est encore concrétisée.

Un investissement de 200 millions de dollars pour les repas scolaires dans le budget 2024 serait la première étape vers la réalisation de la promesse électorale d’un milliard de dollars sur cinq ans. Cela ne représenterait qu’une fraction des dépenses globales du gouvernement en 2023, et cela soulagerait également les familles tout en améliorant la santé publique.

Aide financière et croissance économique

Au Manitoba, le gouvernement néodémocrate nouvellement élu s’est engagé à financer un programme de repas scolaires pour toutes les écoles de la province, à la hauteur de 30 millions de dollars. Ce programme, dont les détails sont attendus dans le courant de l’année, pourrait peut-être servir de modèle au reste du pays.

La mise en œuvre d’un programme national couvrant le déjeuner et le dîner permettrait à la plupart des familles d’économiser entre 130 et 190 dollars par mois, par enfant. Pour les ménages ayant deux enfants, cela représente une économie d’environ 3780 dollars par année scolaire.

Contrairement aux interventions financières temporaires telles que le remboursement pour l’épicerie, un programme national garantirait une aide durable tout au long de l’année scolaire, ce qui permettrait aux familles de se concentrer sur d’autres besoins essentiels tels que le logement et les factures. Il s’agit d’une solution beaucoup plus stratégique et à long terme.

Bon pour l’emploi et l’économie

Un programme national pourrait également stimuler la création de 207 700 emplois. Les investissements dans les programmes de repas scolaires dans d’autres pays ont conduit à la création d’emplois supplémentaires dans les domaines de l’agriculture, de la nutrition et de l’administration des programmes. Tout ça peut contribuer à la croissance économique et réduire le chômage.

En outre, en adoptant un programme similaire au « Farm to school » (de la ferme à l’école) des États-Unis, le Canada pourrait soutenir les agriculteurs et les fournisseurs locaux. Le ministère américain de l’Agriculture estime que chaque dollar dépensé dans le cadre de ces programmes génère 2,16 dollars d’activité économique locale.

De même, chaque dollar dépensé dans les établissements publics en Colombie-Britannique pour acheter des aliments cultivés dans la province rapporte deux fois plus à l’économie.

Aider les femmes

Les repas fournis par l’école peuvent être une bouée de sauvetage pour les parents. Il faut également tenir compte de la dimension de genre. Les femmes consacrent statistiquement plus de temps à la préparation des repas pour l’école. Un programme universel pourrait réduire le stress financier, faire gagner du temps et apporter une certaine tranquillité d’esprit aux femmes.

Ces changements pourraient également avoir des conséquences importantes sur leur vie professionnelle. En Suède, par exemple, l’accès à un repas universel gratuit tout au long de l’école primaire a augmenté la participation des mères au marché du travail de 5 %.

Par conséquent, cet investissement favorise l’égalité des sexes en créant des occasions pour les femmes de s’épanouir professionnellement. Les avantages économiques d’une participation accrue des mères au marché du travail ne profitent pas seulement aux ménages de manière individuelle, mais aussi à l’ensemble de l’économie.

Un investissement rentable

Un programme national d’alimentation scolaire est un investissement potentiellement rentable. Les données recueillies dans les pays riches où ces programmes existent suggèrent un retour substantiel, jusqu’à sept fois supérieur en termes d’amélioration de la santé de la population et d’avantages économiques.

En Suède, une initiative de neuf ans visant à instaurer la gratuité universelle des repas à l’école dans les années 1960 a eu des effets bénéfiques substantiels à long terme, influençant positivement les résultats économiques, éducatifs et de santé des enfants. La réforme s’est traduite par une augmentation de 3 %  des revenus des élèves participants tout au long de leur vie.

L’impact positif des repas scolaires a été notablement plus important pour les élèves issus de milieux défavorisés. On a pu observer une augmentation de 5,8 % des revenus au cours de toute leur vie. Le rapport coût-avantages du programme universel de repas scolaires gratuits en Suède est deux fois plus élevé que celui du programme Head Start aux États-Unis, ce qui souligne l’efficacité économique du programme.

L’élaboration d’un programme national de repas à l’école contribuerait à résoudre les problèmes d’accessibilité financière au Canada. Ce programme apporterait un soulagement financier aux familles et améliorerait les résultats en matière d’éducation et de santé. La croissance économique à long terme en bénéficierait également, tout comme la création d’emplois et la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes. L’alimentation scolaire est un investissement qui rendrait le Canada plus prospère et plus économiquement résilient pour l’avenir.

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Amberley T. Ruetz
Amberley Ruetz est chercheure postdoctorale à l'Université de la Saskatchewan. On peut la suivre sur X ici : @amberleyruetz
Evan Fraser
Evan Fraser est directeur du Arrell Food Institute à l'Université de Guelph.

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