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L’année 2023 a été marquée par l’été le plus chaud de l’histoire de l’humanité et par une saison de feux de forêt record au Canada, qui a eu des répercussions à l’échelle mondiale.
Si les stratégies d’adaptation aux changements climatiques ont beaucoup progressé au cours des 30 dernières années, elles n’ont manifestement pas permis de réduire les émissions autant qu’on aurait pu s’y attendre, malgré un consensus quasi universel sur le fait que l’humain est à l’origine du réchauffement climatique et qu’un effort concerté et collaboratif est nécessaire pour éviter les pires impacts.
Pourtant, les participants à une réunion internationale l’an dernier visant à examiner les progrès réalisés dans la mise en œuvre de l’Accord de Paris ont noté qu’il existe des lacunes substantielles à la fois dans la volonté d’élaborer des politiques climatiques et dans leur mise en œuvre. Que se passe-t-il et pourquoi les perspectives de réduction des émissions demeurent-elles si pessimistes ?
L’une des principales raisons pourrait résider dans la manière dont les politiques climatiques et les solutions sont communiquées au public. Les défenseurs du climat ont longtemps considéré qu’en connaissant l’ampleur de la menace ou les avantages des politiques de lutte contre celle-ci, les gens se rallieraient naturellement à la cause.
L’accent a donc été mis sur la logique et les statistiques, sans tenir compte du fait que de nombreuses personnes ressentent l’impact de ces politiques au niveau de leurs émotions, de leurs valeurs et de leur culture.
Cette incapacité persistante à expliquer la raison d’être de ces politiques à un niveau personnel a donné lieu à plusieurs cas de résistance et d’occasions manquées.
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Il faut que ça change. Les politiques ambitieuses ne doivent plus être bloquées au moment de leur mise en œuvre et elles doivent être centrées sur les valeurs et les croyances des personnes concernées par les changements proposés.
Cet enjeu est d’autant plus pertinent que les questions climatiques suscitent une inquiétude généralisée. Une étude réalisée en 2022 a montré que 70 % des Canadiens étaient soit alarmés (25 %), soit préoccupés (45 %) par les changements climatiques.
Bien qu’il s’agisse manifestement d’une question importante pour le public, cette préoccupation ne s’est pas traduite par un engagement équivalent dans la mise en œuvre des politiques, selon le Baromètre de l’action climatique. L’Institut climatique du Canada indique que le pays dispose d’un plan crédible pour réduire ses émissions de 40 à 45 % d’ici 2030, mais que les progrès sont insuffisants.
L’importance de déconstruire certains mythes
Les changements climatiques peuvent représenter un concept abstrait et lointain. Lorsque nous pensons au climat, nous n’envisageons que rarement les concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre ou la quantité d’énergie qui entre et sort de l’atmosphère.
Nous pensons plutôt à ce qui est affecté par ces changements, dont les évacuations massives dues aux feux de forêt, la fonte de l’Arctique qui met en péril la sécurité alimentaire ou l’accès à l’ombre en cas de chaleur extrême. Ces phénomènes sont faciles à comprendre parce qu’ils ont un impact concret sur la façon dont les gens vivent.
Pensons à l’exemple des infrastructures de transport public, qui constituent un aspect crucial de la réduction des émissions, mais qui sont confrontées au droit de posséder un véhicule et de se déplacer librement.
Le fait de ne pas reconnaître et de ne pas prendre en compte ces aspects de la question peut entraver non seulement la mise en œuvre des politiques climatiques, mais risque également de provoquer des réactions négatives auprès de la population.
Le conseil municipal d’Oxford, en Angleterre, l’a découvert lorsqu’il a cherché à réduire la circulation automobile tout en introduisant des éléments de la « ville de 15 minutes », dans laquelle tous les services essentiels sont accessibles à pied ou à vélo depuis le domicile de chacun.
Ce plan a été présenté de manière mécanique, sans souci de présentation des effets des mesures sur la vie quotidienne des personnes concernées. Ce manque de précisions a laissé le champ libre à de la résistance et à des critiques interprétant mal les idées et qualifiant l’initiative de « dystopique » et de « profondément non libérale ».
Il a donc fallu déployer des efforts considérables pour déconstruire les mythes qui avaient émergé sur la signification des mesures d’urbanisme sur la vie des résidents. En fin de compte, le conseil municipal a voté en faveur du maintien des mesures, mais non sans une énorme controverse.
De même, le par la ville de Vancouver visait à décourager l’utilisation de la voiture au profit des transports publics ou actifs en imposant notamment des péages routiers et en redirigeant les fonds ainsi obtenus vers les coûts de fonctionnement du plan.
Bien que l’idée ait fait l’objet de recherches approfondies, trop peu d’attention a été accordée à la manière dont elle a été présentée au public. Le manque d’information qui en a résulté a causé une réaction épidermique, alimentée par des déclarations publiques trompeuses et des plateformes politiques qui ont réduit à néant tout progrès.
S’engager pour le climat
Ces exemples montrent certains des risques encourus par une communication inefficace et le manque d’engagement du public ou l’opposition pure et simple aux réformes politiques qui en résultent.
Ce qu’il faut au contraire, ce sont des récits positifs sur la manière dont des politiques spécifiques affecteront pour le mieux ce à quoi tiennent les citoyens.
Cette approche doit s’articuler autour de la manière dont les valeurs et les priorités individuelles sont soutenues et confirmées par les politiques climatiques. Dans cette optique, l’utilisation de l’eau ou les maisons écoénergétiques ne relèvent pas seulement du pragmatisme environnemental, mais aussi de l’expression de l’identité et des valeurs personnelles.
Une bonne communication axée sur les préoccupations personnelles permet non seulement d’éviter l’échec de changements politiques importants, mais promet également de faire des citoyens des acteurs sociaux et politiques du changement.
Un engagement public significatif peut renforcer le soutien, l’appropriation et l’engagement en faveur des interventions politiques tout en facilitant une meilleure compréhension de la manière dont le climat se manifeste dans la vie des gens.
Un exemple de cette approche est la méthodologie de l’« atelier narratif », employée dans le cadre des « conversations sur le climat » utilisées par le gouvernement écossais pour obtenir le soutien de certaines de ses politiques climatiques, qui sont parmi les plus ambitieuses au monde.
Ces rencontres sont des discussions de groupe dirigées par des pairs et destinées à susciter un dialogue positif et contextuel sur le climat et les politiques climatiques, tout en explorant les attitudes, les valeurs et les enjeux qui les entourent.
À une époque caractérisée par la possibilité imminente de points de basculement climatiques tels que la disparition de la calotte glaciaire et la destruction de l’Amazonie, nous devons accorder une plus grande attention au pouvoir des approches sociales et relationnelles. Si nous ne communiquons pas les éléments sociaux des politiques climatiques, celles-ci pourraient devenir des « points d’achoppement », et non des points d’inflexion.
Ne pas accorder l’attention nécessaire à la manière dont les politiques sont communiquées au public peut conduire à une plus grande opposition.
Il s’agit d’un problème créé par l’ambivalence de notre relation avec la planète et les autres. Il est temps de tirer les leçons de cette erreur.