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2023 sera l’année la plus chaude jamais enregistrée :  des inondations intenses, des dômes de chaleur et des incendies de forêt ont été répertoriés dans le monde entier.

On en sait toutefois beaucoup moins sur les possibilités importantes et peu coûteuses qui s’offrent au Canada et à ses résidents pour éviter des pertes ou des réparations majeures à la suite de ces sinistres qui se reproduiront assurément dans le futur. 

Les gains les moins coûteux et les plus rapides pour les propriétaires et les gouvernements souhaitant se préparer aux changements climatiques sont réalisables en améliorant la protection du territoire contre les inondations. L’aménagement du terrain autour de la maison pour éloigner le ruissellement de l’eau des fondations et l’interdiction, par les décideurs, de construire des maisons sur des plaines inondables, sont deux mesures faciles à mettre en place pour y parvenir. 

Les inondations de sous-sols résidentiels constituent la principale dépense financière liée aux changements climatiques au Canada. Le coût des dégâts des eaux, déjà élevé, ne cesse d’augmenter. Le coût moyen d’une inondation de sous-sol au Canada est de 43 000$ 

Jusqu’à 10 % des habitations (1,5 million de résidences) ne sont pas assurables contre les inondations en raison du risque d’inondation existant dans les sous-sols. Les inondations catastrophiques survenues entre 2010 et 2020 ont fait baisser le prix de vente des maisons de 8 % en moyenne dans ces régions. 

Les pertes assurables attribuables aux sinistres climatiques ont atteint une moyenne de 2,1 milliards de dollars par an au Canada entre 2009 et 2012, contre 250 à 450 millions de dollars par an entre 1994 et 2008. Les demandes d’indemnisation au titre des inondations catastrophiques au Canada sont également en croissance. Aujourd’hui, pour chaque dollar de perte couvert par une assurance, l’assuré doit aussi débourser une somme située entre 3 et 4 dollars de dommages pour lesquels il n’y a pas de couverture d’assurance. C’est ce qu’on appelle le déficit d’assurance. 

En général, quatre facteurs contribuent au risque d’inondation : des précipitations plus fortes, des infrastructures municipales et résidentielles vieillissantes et la perte d’infrastructures naturelles qui fonctionnent comme des éponges pour absorber l’eau, telles que les forêts, les champs et les zones humides. 

Les gouvernements et les propriétaires ont un rôle crucial à jouer pour inverser l’incidence et le coût de l’augmentation des risques d’inondation.  

Investir maintenant, épargner plus tard 

Pour le secteur public, l’amélioration de la protection contre les inondations par l’investissement dans les infrastructures physiques et naturelles est productive et rentable, à un moment où les budgets publics sont soumis à une pression croissante en raison de l’augmentation des coûts des programmes et des intérêts de la dette, du ralentissement de la croissance des recettes et des nombreuses demandes concurrentes de dépenses opérationnelles et d’investissements en capital. 

Toutes ces contraintes rendent encore plus nécessaire l’efficacité des nouvelles dépenses du secteur public. Chaque dollar investi dans l’adaptation aux changements climatiques permet d’économiser entre 2 et 10 dollars en termes de pertes évitées par décennie, comme l’ont montré diverses études.  

En ce qui concerne les infrastructures naturelles, les efforts des gouvernements aux niveaux provincial et municipal devraient commencer par le principe « d’abord, ne pas nuire ».  

Construire des logements dans des zones humides, des forêts, des champs et d’autres zones à risque d’inondation ou en proie à des crues fait montre d’une vision à court terme et entraînera un coût élevé à long terme, parce qu’il faudra réparer les dégâts causés par les inondations et reloger les propriétaires dans les zones les plus à risque.  

Pour les municipalités, l’augmentation du nombre de logements se traduit par une hausse des recettes fiscales, même si les maisons sont construites dans les plaines inondables. Cette perspective offre un attrait à court terme, qui laissera éventuellement place à la gestion des angoisses des acheteurs peu méfiants et par des factures de réparation considérables pour la reconstruction des infrastructures, les coûts de remise en état et les frais de relogement des propriétaires.  

En plus de ces pertes matérielles, on retrouve également les pertes d’écosystèmes et d’habitats naturels cruciaux qui absorbent l’eau, en particulier lors de fortes pluies et d’autres tempêtes.  

Il est donc essentiel que les gouvernements évaluent et mesurent les actifs naturels et leurs écosystèmes en gardant en tête que « ce qui est mesuré est géré ». 

Se protéger est l’affaire de tous 

Pour les propriétaires, l’amélioration de la protection contre les inondations est simple et essentielle. Pour de nombreux ménages, les pressions liées au coût de la vie se sont accentuées avec l’augmentation des taux des prêts hypothécaires et la hausse du coût des denrées alimentaires et de l’énergie, en particulier à la fin de 2023 par rapport à il y a seulement deux ans, et surtout par rapport à l’ère prépandémique.  

Avec moins de marge de manœuvre financière, de nombreux ménages peuvent difficilement faire face à des dépenses importantes et inattendues telles que les dommages causés par les inondations. La protection des propriétaires contre les inondations est essentielle pour réduire ce risque financier.  

Les avantages de la protection résidentielle contre les inondations ne se limitent pas aux propriétaires. Par exemple, dans la région de Toronto, 500 000 locataires vivent dans des appartements en sous-sol. Nombre d’entre eux ne seraient pas en mesure de payer un hôtel ou un autre type d’hébergement d’urgence si une inondation les mettait à la rue. 

L’amélioration de la protection contre les inondations est également conforme à la Stratégie nationale d’adaptation du Canada. L’un de ses objectifs est que « d’ici 2025, 50 % des Canadiens aient pris des mesures concrètes pour mieux se préparer et réagir aux risques liés aux changements climatiques » qui pourraient affecter leur résidence. 

Le propriétaire moyen peut protéger sa résidence contre les inondations en quelques jours, sans expertise particulière, et généralement pour moins de quelques centaines de dollars.  

Lorsque les propriétaires reçoivent le pamphlet gratuit Trois étapes pour une protection rentable contre les inondations, 70 % d’entre eux déclarent avoir pris, dans les six mois suivant sa réception, deux mesures de protection de leur maison qu’ils n’auraient pas prises autrement. 

Vers la préparation et la résilience 

Les faits sont clairs. Les propriétaires agiront pour protéger leur maison des inondations lorsqu’ils sauront quoi faire. S’ils n’agissent pas, c’est parce qu’ils ne savent pas par où commencer.  

Heureusement, le gouvernement canadien peut s’appuyer sur les initiatives notables d’éducation à la protection contre les inondations qui existent déjà.  

Diverses organisations nationales ont déployé des efforts considérables pour informer et éduquer les propriétaires sur les moyens de réduire leur exposition aux risques d’inondation.  

Au niveau municipal, plus de 20 villes canadiennes communiquent aux propriétaires des conseils sur la protection contre les inondations. 

Dans le secteur financier, BMO et Meridian aident les propriétaires à réduire les risques d’inondation.  

Pourtant, comme 2023 l’a tristement démontré, l’approche du Canada en matière de protection contre les inondations et de trop nombreux autres événements liés à des conditions météorologiques extrêmes a été largement réactive et trop souvent axée sur la « gestion par catastrophe ».  

Le Canada doit passer à une culture de préparation et de résilience. La diffusion des conseils détaillés qui existent pour limiter les risques liés aux inondations devrait être une priorité et un élément majeur de la mise en œuvre de l’adaptation au climat. 

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Blair Feltmate
Blair Feltmate dirige le Centre Intact d’adaptation au climat de l'Université de Waterloo. Il fait partie du comité consultatif de la stratégie nationale d'adaptation du Canada et est membre du groupe Un Canada résistant au Climat (Bureau d'assurance du Canada). 
James K. Stewart
James K. Stewart est chercheur principal à l'Institut C.D. Howe et membre du comité consultatif de du Centre Intact d’adaptation au climat. Il est membre du conseil d'administration de l'Institut de recherche en politiques publiques, l'éditeur d’Options politiques. 

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