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Combien Ottawa empochera-t-il avec la réforme du gain en capital? Et quelle sera la contribution des défunts à ces recettes?

Le premier texte de cette série a dressé le portrait des contribuables touchant des gains en capital de 250 000 $, visés par la réforme présentée dans le budget fédéral 2024. Le deuxième s’est concentré sur la fréquence et la répétition des gains en capital d’importance chez les déclarants canadiens. La troisième partie de notre analyse se conclut avec un regard sur les recettes attendues de la réforme proposée et la part provenant de contribuables décédés pendant l’année d’imposition.

On peut estimer ces recettes en simulant les recettes additionnelles que le gouvernement fédéral aurait touchées si la nouvelle structure d’imposition avait été en place de 2017 à 2021, sans changement de comportement des contribuables. Dans le cas présent, le gain en capital aurait donc fait l’objet d’un taux d’inclusion progressif en fonction de sa taille, soit de 50 % jusqu’à 250 000 $, et de 66,67 % au-delà, avec les exemptions existantes pour la vente de la résidence principale, d’actions de PME ou d’entreprises agricoles et de pêche, les transferts de biens au moment du décès, ainsi que les nouveaux aménagements pour les entrepreneurs.

L’idée n’est pas de modéliser la croissance des gains en capital en 2024 et au-delà ni d’offrir un estimé précis des sommes pouvant être levées par la réforme proposée dans le futur. Il ne s’agit pas non plus d’une modélisation des changements comportementaux qui se produiraient vraisemblablement en présence d’une structure d’imposition du gain en capital différente de celle qui avait cours entre 2017 et 2021. Il existe une littérature limitée sur l’ampleur de tels effets comportementaux dans le contexte canadien et les avis divergent parmi les experts.

L’objectif est plutôt d’effectuer une simple simulation mécanique des recettes supplémentaires qui auraient été perçues si la réforme avait eu lieu il y a quelques années. L’exercice, bien qu’imparfait, donne néanmoins un ordre de grandeur des entrées fiscales potentielles, et permet d’évaluer si les estimations du gouvernement fédéral sont réalistes.

Les gains en capital imposables ont connu une hausse importante entre 2017 et 2021 au Canada, d’un peu plus de 4 milliards à près de 11 milliards. C’est la raison pour laquelle l’estimation des recettes additionnelles passe de 1,3 milliard $ en 2017 à 3,4 milliards $ en 2021. À titre de comparaison, le ministère fédéral des Finances estime que le seul changement du taux d’inclusion haussera les recettes de l’impôt sur le revenu des particuliers d’environ 1,8 milliard $ en 2027-2028 et 2,3 milliards $ en 2028-2029. (Les années précédentes du cadre budgétaire sont marquées par une grande variabilité dans les recettes, vraisemblablement en raison du devancement de certaines ventes ou certains transferts d’actifs.) Nos simulations montrent donc des recettes d’une ampleur comparable à celles présentées dans le budget lorsque la mesure sera à maturité.

La contribution fiscale des défunts

Les contribuables décédés pendant l’année d’imposition représentent entre 0,78 % et 0,84 % des déclarants entre 2017 et 2021, mais ils touchent entre 14 % et 26 % des gains nouvellement imposables. Leur part des contributions fiscales additionnelles est pratiquement identique à leur part des gains additionnels, puisque la très grande majorité de ces revenus sont imposés au taux le plus élevé du barème d’imposition fédéral. Le revenu additionnel moyen par nouveau contributeur est, de façon analogue, beaucoup plus grand pour les décédés que pour les vivants.

Une part significative des recettes tirées de cette réforme du traitement fiscal du gain en capital proviendra des personnes décédées. Dans cette perspective, si certains critiquent qu’il puisse être problématique d’imposer davantage des contribuables sur des gains en capital ponctuels (en raison de la nature différée de l’imposition du gain en capital), cette problématique apparait manifestement moins aiguë pour une personne décédée. Il faut comprendre que dans le contexte canadien, la disposition présumée au décès et le gain en capital qu’elle génère constituent une forme d’imposition au décès.

Dans une perspective de cycle de vie, la plupart des personnes décédées ont depuis bien longtemps commencé, voire terminé, de liquider leurs actifs accumulés en vue de la retraite, qu’il s’agisse d’une entreprise ou d’une propriété non résidentielle. L’inclusion plus importante d’une portion de grands gains en capital au moment du décès touche particulièrement les personnes avec des patrimoines importants. L’imposition du gain en capital au décès ne nuit donc vraisemblablement pas à l’accumulation d’épargne en général.

Une version plus détaillée de cette analyse en trois parties est disponible sur le site de la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke.

Dans la même série :

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Antoine Genest-Grégoire
Antoine Genest-Grégoire est professeur adjoint au département de fiscalité de l’Université de Sherbrooke, chercheur de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques et fellow de l’organisation Social Capital Partners. Ses recherches portent sur les effets distributifs de la politique fiscale ainsi que sur la perception qu’en ont les citoyens.
 
Luc Godbout
Luc Godbout est professeur titulaire au Département de fiscalité à l’Université de Sherbrooke et titulaire de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques. Il a présidé la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise.

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