(This article has been translated from English.)
En 2013, une analyse produite par l’économiste Carl Benedikt Frey et le chercheur Michael A. Osborne évaluait que 47 % des emplois aux États-Unis étaient menacés de disparaître en raison de l’informatisation. La publication de l’étude a entrainé la rédaction d’une panoplie de rapports sur les manières de répondre à l’arrivée de robots propulsés par l’intelligence artificielle et qui viendraient voler nos emplois. Depuis, l’anticipation des effets de l’automatisation et de la numérisation sur le marché du travail génère d’abondantes discussions.
La plupart des prédictions ont toutefois échoué à décrire ce qu’il adviendrait du marché du travail en cas de pandémie mondiale. La COVID-19 nous a montré que le changement peut se produire rapidement, et que prévoir est bien plus utile que prédire. Il est crucial que les membres de l’industrie, du gouvernement et les décideurs politiques qui se préparent à plusieurs scénarios misent sur l’adaptabilité, la résilience et l’innovation.
Comme toujours, la taille compte. Les petites et moyennes entreprises (PME) ont été frappées plus durement par la pandémie que les grandes entreprises. Et celles dirigées par des femmes, des Noirs ou des Autochtones ont été les plus touchées.
Il est essentiel de s’attarder aux besoins des PME étant donné qu’elles représentent la vaste majorité des emplois du secteur privé. La structure de l’économie canadienne est fondamentalement différente de celle des États-Unis. Au Canada, près de 90 % des emplois sont dans des PME, qui comptent moins de 500 employés. Par opposition, aux États-Unis, plus de la moitié des emplois du secteur privé sont concentrés au sein des grandes entreprises.
Dossier : L’avenir du travail et de la formation
La qualité du travail va au-delà du salaire
En fait, les micro-entreprises (moins de cinq employés) représentent plus de la moitié de toutes les entreprises au pays. Les micro-entreprises dominent ainsi la plupart des secteurs comme la construction, les services professionnels et personnels, la vente au détail, les soins de santé, la finance et l’assurance. De plus, le travail autonome gagne en popularité alors que davantage de gens sont poussés vers ou attirés par de nouveaux projets. En somme, au Canada, les PME sont importantes.
Des recherches récentes du Diversity Institute, de la chambre de commerce de l’Ontario et du Centre des Compétences futures montrent que la pandémie a considérablement accéléré le taux de numérisation, forçant plusieurs entreprises à offrir des services en ligne. Mais les compétences nécessaires pour tirer profit des technologies numériques essentielles à l’innovation, la croissance et la survie font défaut à nombre de ces entreprises. Et les compétences numériques et celles permettant de créer et d’adopter des solutions technologiques manquent également.
Même si nous assistons bel et bien à une pénurie de main-d’œuvre et de compétences, un bassin de travailleurs reste inutilisé. Quand vient le temps de répondre aux demandes du marché du travail, de nombreuses PME sont au fait des opportunités offertes par la diversité des talents. Le problème est qu’elles n’ont souvent pas l’infrastructure, les ressources humaines et les compétences pour mettre en œuvre des stratégies d’équité, de diversité et d’inclusion.
La chambre de commerce de l’Ontario a connu du succès face à ce défi et a souligné la motivation des PME à mettre une variété de talents à contribution. Elle a entre autres donné des outils aux employeurs pour les aider à mettre en place un environnement de travail inclusif, notamment grâce au Discover Ability Network, qui offre du soutien aux employeurs dans leur recherche de talent et aide les travailleurs vivant avec un handicap à naviguer dans le monde du travail. D’autres recherches montrent qu’une fois qu’une PME a embauché des travailleurs issus de la diversité (comme des nouveaux arrivants) elle a tendance à continuer dans cette veine. Les décideurs politiques devraient en prendre note.
1. Les politiques économique et d’innovation doivent être conçues de sorte qu’elles soutiennent la croissance des PME de divers secteurs, mais aussi leurs politiques d’embauche. Bien que ce ne sont pas toutes les PME qui connaissent une croissance et une histoire exceptionnelles, elles sont toutes essentielles. Ces entreprises offrent une source stable de revenu à de nombreux individus et familles à travers le pays, tant dans les petites communautés que dans les grands centres.
2. Les réalités propres aux PME demandent un soutien ciblé. Pour ce faire, il est nécessaire d’adopter une approche sectorielle et de s’ajuster aux entreprises menées par des femmes, des entrepreneurs noirs ou racisés, des personnes handicapées, des nouveaux arrivants, etc. Les entrepreneurs qui se lancent en affaires le font autant parce que l’opportunité se présente que parce que l’exclusion les y pousse. Alors que les technologies permettent aux grandes entreprises de faire disparaitre des postes, les petites entreprises demeurent à l’avant-plan de la création et du maintien des emplois.
3. L’accès au financement est essentiel. Des efforts doivent être faits pour moderniser les programmes et les processus, et en enlever les biais et les obstacles. Cela permettra également de créer des compétences « capitales ». Apporter du soutien à l’agrandissement des marchés est toutefois bien mieux. Il est essentiel de s’assurer qu’une bonne partie des 200 milliards de dollars dépensés annuellement par le gouvernement se rende aux PME. Le gouvernement peut exercer une influence considérable sur les fournisseurs de premier niveau afin qu’ils fassent des PME canadiennes une part essentielle de leurs chaînes d’approvisionnement.
4. On doit s’assurer que les PME et les entrepreneurs ont la capacité de mettre les compétences au sommet de leurs priorités. Que ce soit en termes d’aide la numérisation et au développement des compétences numériques, de création de plateforme de formation et de recrutement, d’établissement de systèmes d’apprentissages intégrés aux lieux de travail ou de promotion de meilleures pratiques de diversité et d’inclusion, beaucoup de travail reste à faire.
Les PME canadiennes sont trop importantes pour qu’on les laisse seules face aux possibilités d’échec. Elles continuent de voir leurs coûts d’opérations quotidiens et les pressions relatives à l’approvisionnement et la main-d’œuvre comme leurs plus grands défis. Pour que la reprise postpandémique soit un succès, on doit miser sur les PME et comprendre le rôle qu’ils jouent en tant que moteur de notre croissance économique et sociale.
Cet article fait partie du dossier spécial L’avenir du travail et de la formation.