La récente affirmation de l’administration Trump selon laquelle l’utilisation du Tylenol (acétaminophène) pendant la grossesse pourrait provoquer des troubles du spectre de l’autisme (TSA) a suscité une vive controverse, non seulement en raison de son manque de crédibilité scientifique, mais aussi à cause des défis de communication qu’elle pose pour les entreprises pharmaceutiques, les professionnels de la santé et les responsables de la santé publique.

Présentée par le président Donald Trump comme « l’une des plus grandes [annonces médicales] de l’histoire de notre pays », cette affirmation n’était pas fondée sur une méta-analyse quantitative ou un consensus scientifique, comme on pourrait s’y attendre dans de tels cas, mais sur une lecture sélective d’études observationnelles suggérant la possibilité d’une corrélation.

Sans surprise, cette déclaration a semé la confusion et l’anxiété parmi les futurs parents et déclenché une crise potentielle de réputation pour Tylenol et sa société mère, Kenvue.

Mais les conséquences vont au-delà des relations publiques d’entreprise. Cet épisode révèle un dilemme plus profond : la menace croissante de la désinformation et l’érosion de la confiance du public dans les institutions. Il constitue un risque pour la santé publique, qui peut être atténué par une réponse rapide et collaborative, une information précise et la mise en responsabilité des auteurs.

Tylenol a déjà traversé des crises par le passé. En 1982, sept personnes dans la région de Chicago sont mortes après avoir ingéré des comprimés empoisonnés au cyanure. Johnson & Johnson, alors propriétaire de la marque, a réagi de manière décisive en retirant 30 millions de flacons des rayons, en suspendant la publicité et en changeant l’emballage. Cet incident avait une cause et une solution claires, et la réponse de l’entreprise est encore considérée comme une référence en gestion de crise.

Du cyanure à la désinformation

La crise actuelle est plus complexe. Elle ne résulte pas d’une altération du produit, mais d’une désinformation politiquement instrumentalisée. L’environnement médiatique est fragmenté. Les informations ne proviennent plus seulement des experts via les journalistes, mais aussi des influenceurs et des algorithmes. La confiance dans les institutions s’érode depuis des décennies et la culture du ressentiment est en hausse.

Kenvue a réagi rapidement, réaffirmant que « la science indépendante et rigoureuse montre clairement que la prise d’acétaminophène ne cause pas l’autisme » et avertissant contre le fait de décourager son usage pendant la grossesse, car des alternatives comme l’ibuprofène comportent des risques connus. Si le cours de l’action reste stable, les répercussions sociales pourraient être plus difficiles à contenir.

Les experts médicaux ont condamné la déclaration de l’administration. Le Collège américain des obstétriciens et gynécologues l’a qualifiée de « très préoccupante » et « irresponsable », soulignant que la douleur et la fièvre non traitées pendant la grossesse peuvent représenter de sérieux risques pour la mère et le fœtus. L’Autism Society of America a critiqué l’affirmation comme « non fondée », avertissant qu’elle détourne l’attention des efforts visant à soutenir les personnes avec un TSA et leurs familles.

La désinformation érode la confiance au Canada également

Cet épisode reflète une crise plus large : l’influence croissante de la désinformation sur la santé. Une récente enquête de l’Association médicale canadienne a révélé que les Canadiens sont exposés à une quantité significative de désinformation sur la santé.

Les personnes qui passent plus de temps sur les réseaux sociaux sont plus vulnérables à ses effets négatifs, tels que le retard dans les soins médicaux, les relations tendues et l’anxiété accrue. L’érosion de la confiance envers les gouvernements, les médias traditionnels et les institutions publiques a créé un terrain fertile pour la prolifération de la désinformation.

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Les plateformes sociales amplifient le problème. Leurs algorithmes privilégient l’engagement plutôt que l’exactitude, permettant aux fausses informations de se répandre plus rapidement que les corrections. Comme le dit l’adage : « un mensonge peut faire le tour de la terre le temps que la vérité mette ses chaussures. »

Une étude publiée dans Health Promotion International a identifié la désinformation sur les réseaux sociaux comme une menace majeure pour la santé publique, appelant à des stratégies incluant la surveillance, la démystification, l’éducation et la régulation systématique.

L’affirmation liant Tylenol et autisme est un exemple typique de la manière dont la désinformation mine la confiance envers la médecine fondée sur les preuves et met en danger la santé publique. Elle instrumentalise l’incertitude, exploite la vulnérabilité émotionnelle et contourne les gardiens scientifiques traditionnels, compromettant les décisions de santé individuelles et affaiblissant notre capacité collective à répondre aux menaces réelles.

Six étapes pour contrer la désinformation sur la santé

Alors, que peut-on faire ?

  1. Réponse rapide : les entreprises comme Kenvue doivent continuer à diffuser des messages clairs et fondés sur des preuves. L’engagement continu, notamment sur les réseaux sociaux, est essentiel pour contrer la désinformation.
  2. Collaboration : ce n’est pas seulement un problème de Kenvue. Cela concerne tout l’écosystème médical et de santé publique. Des messages unifiés émanant de marques de confiance peuvent aider à restaurer la compréhension et la confiance du public.
  3. Partenariats : Kenvue devrait collaborer avec des groupes de défense des personnes autistes et de leurs familles, ainsi qu’avec des acteurs du secteur de la santé maternelle, pour donner un visage humain au problème et fournir des voix crédibles pour contrer les récits basés sur la peur.
  4. Éducation aux médias : les gouvernements doivent investir davantage dans des initiatives permettant aux individus d’évaluer correctement l’information sur la santé, incluant du contenu éducatif, des programmes scolaires et des actions communautaires.
  5. Supervision réglementaire : les gouvernements devraient utiliser les outils disponibles pour rendre les réseaux sociaux responsables de la diffusion de désinformation sur la santé. Des mesures comme les avertissements, la modération de contenu et la transparence algorithmique sont essentielles.
  6. Soutien aux travailleurs de première ligne : les médecins, infirmiers et infirmières ont besoin de ressources pour traiter la désinformation en contexte clinique, tandis que les responsables de la santé publique doivent rester informés de l’évolution des médias et de son impact sur la désinformation en santé.

Les affirmations de l’administration Trump concernant Tylenol ont créé un cauchemar de relations publiques. Mais, plus important encore, elles reflètent un malaise plus profond. À une époque où les mensonges se répandent plus vite que les faits, le défi n’est pas seulement de corriger la désinformation, mais de reconstruire la confiance du public. Cela exige une action coordonnée, des investissements soutenus et un engagement renouvelé envers une communication basée sur la science.

Ne pas relever ce défi met en péril non seulement la crédibilité des institutions, mais aussi la santé des générations futures.

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Joshua Greenberg

Josh Greenberg, PhD, is a professor of communication and media studies in the School of Journalism and Communication at Carleton University. His research expertise is in the area of crisis and health risk communication. He has collaborated with and provided expert guidance and advice to the World Health Organization, Transportation Research Board (US), Council of Canadian Academies, and Public Health Agency of Canada, among others.

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