Quand la Commission sur le déséquilibre fiscal mise en place par le Gouvernement du Québec a présenté son rapport en mars 2002, l’accueil a été positif au Québec et neutre ou négatif dans le reste du Canada.

D’un coÌ‚té comme de l’autre, l’accent a été mis sur le diagnostic plus que sur le remé€de. Dans cette optique, la contribution du rapport consistait principalement aÌ€ établir le problé€me et aÌ€ exposer ses causes et ses con- séquences. Cet apport n’était évidem- ment pas négligeable, puisque au départ l’idée d’un déséquilibre fiscal était largement contestée. On peut d’ailleurs mesurer le succé€s de la Commission en constatant que son diagnostic rallie maintenant aÌ€ peu pré€s tout le monde au Canada, aÌ€ l’excep- tion du gouvernement fédéral et du Parti libéral du Canada. En mai 2005, le Conseil de la fédération a d’ailleurs mis sur pied un comité consultatif sur le déséquilibre fiscal, afin de faire avancer la réflexion.

La principale audace de la Commission se trouvait pourtant du coÌ‚té des solutions, des réponses aÌ€ apporter pour corriger la situation. Le rapport, en effet, rompait avec l’ap- proche longtemps retenue par le gou- vernement du Québec, qui privilégiait le transfert d’une partie de l’impoÌ‚t sur le revenu des particuliers du fédéral vers les provinces (les fameux « points d’im- poÌ‚t »). En accord avec la logique tradi- tionnelle, la Commission recommandait d’abolir les transferts sociaux fédéraux et de remplacer ceux-ci par un nouvel espace fiscal, mais elle favorisait plutoÌ‚t la récupération par les provinces de la taxe sur les produits et services (TPS).

Habituellement perçue comme moins progressive et moins susceptible de suivre la croissance de l’économie, cette taxe présentait le grand avantage de redistribuer les revenus de façon plus homogé€ne entre les provinces. L’équilibre fiscal pouvait ainsi é‚tre rétabli sans faire jouer un roÌ‚le trop grand aÌ€ la péréquation. Le transfert complet de toute une assiette fiscale avait également l’avantage d’é‚tre plus simple et transpa- rent pour le citoyen, tout en prévenant une réoccupation graduelle du terrain par le gouvernement fédéral, ce qui risquerait d’arriver avec l’impoÌ‚t sur le revenu.

Au moins trois facteurs expliquent la relative absence de débats autour de cette solution. D’abord, évidemment, il fallait au préalable s’en- tendre sur le problé€me, ce qui n’est pas encore fait, mé‚me si les idées évoluent rapidement. Ensuite, la proposition de la Commission était radicale pour un pays ouÌ€ beaucoup voient le gouverne- ment fédéral comme le principal garant de la protection sociale et ouÌ€ une majorité pense que le « pouvoir fédéral de dépenser » est un principe impor- tant, véritablement inscrit dans la con- stitution. Enfin, il est beaucoup plus difficile pour des gouvernements provinciaux aux intéré‚ts divergents de s’entendre sur une réforme que sur l’énoncé d’un problé€me qui les affecte tous. Il n’y a qu’aÌ€ voir comment il a été difficile pour Jean Charest d’amener ses collé€gues aÌ€ s’accorder sur une simple demande de transferts accrus pour l’éducation post-secondaire.

The inner workings of government
Who’s doing what to get federal policy made. In The Functionary.
The inner workings of government
Who’s doing what to get federal policy made. In The Functionary.

Il va pourtant falloir en venir aÌ€ parler des solutions. AÌ€ chaque année, les manifestations du déséquilibre fiscal deviennent de plus en plus évidentes et les conséquences de plus en plus problématiques. Or, les réponses ne sont pas illimitées.

Dans un ouvrage qui vient de paraiÌ‚tre (Canadian Fiscal Arrangements : What Works, What Might Work Better), Harvey Lazar note qu’en définitive il n’y a que trois solutions possibles : on peut changer la distribution des revenus, augmenter les transferts fédéraux, ou laisser le gouvernement fédéral prendre carrément en charge des domaines de compétence provinciale. La premié€re solution, que préconisait la Commission sur le déséquilibre fiscal, aurait l’avantage selon Lazar de permet- tre plus d’efficacité et d’imputabilité, mais elle serait moins favorable que les deux autres aÌ€ l’équité et au développe- ment d’objectifs pancanadiens. Recon- naissant le risque d’intrusions fédérales dans des champs de compétence provinciale, Harvey Lazar favorise quant aÌ€ lui l’augmentation des trans- ferts, qu’il estime plus réaliste politique- ment que les deux autres options.

Pour le gouvernement du Québec, toujours jaloux de ses compétences et de son autonomie, un nouveau partage de l’espace fiscal semble bien préférable. Et dans cette perspective, la solution de la taxe de vente apparaiÌ‚t toujours comme étant la meilleure, compte tenu notam- ment de l’autre déséquilibre, horizontal celui-laÌ€, que crée la richesse croissante de l’Alberta. En mé‚me temps, il faudra aussi corriger les travers du nouveau cadre pour la péréquation annoncé par le gouvernement fédéral aÌ€ l’automne 2004. LaÌ€ encore, les propositions de la Commission sur le déséquilibre fiscal, qui proÌ‚nait la norme des dix provinces et le respect du principe du régime fiscal représentatif, demeurent pertinentes.

Depuis 2002, les idées ont beau- coup évolué en ce qui concerne l’exis- tence du déséquilibre fiscal. Le défi consiste maintenant aÌ€ relancer le débat sur les solutions.

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