La pandémie mondiale de COVID-19 a mis en évidence les lacunes de longue date du système de soins canadien, en particulier pour les personnes âgées qui ne peuvent pas vivre de manière autonome. Au moment où nous constatons collectivement combien les conditions de vie des résidents en soins de longue durée au Canada sont inquiétantes et que nous mesurons l’ampleur des décès causés par la pandémie, nous devons également nous demander comment nous aurions pu éviter une telle tragédie ― ou à tout le moins la minimiser.
Il y a près de 20 ans que Roy Romanow a dirigé la Commission sur l’avenir des soins de santé au Canada qui a mis en lumière l’urgent besoin du Canada de bâtir des programmes de soins à domicile. En 2009, l’Association canadienne des soins de santé a publié un mémoire décrivant des mesures pour y parvenir. Et la population canadienne a exprimé à plusieurs reprises son souhait de recevoir des soins à proximité, tout en s’opposant aux coûts toujours croissants des soins en établissement.
Selon des estimations, seulement de 3 à 9 milliards des 264 milliards de dollars qui sont consacrés chaque année aux soins de santé au Canada sont affectés aux soins à domicile et aux soins communautaires.
Nous avons aussi tendance à déprécier l’importance des soins à domicile. Les aides de maintien à domicile sont souvent considérées comme étant moins prioritaires que les autres travailleurs et travailleuses de la santé. Pendant la COVID-19, les personnes qui reçoivent des soins à domicile de même que celles qui fournissent ces services sont, dans de nombreuses régions, touchées par les effets de l’accès rationné à l’équipement de protection individuelle. Dans certaines provinces, on a réduit les soins fournis durant la pandémie ― les bains par exemple ―, certains étant jugés comme « non essentiels ».
Imaginons ce que pourrait être la vie des personnes âgées au Canada aujourd’hui si on avait mis en œuvre les recommandations d’il y a 10 ou 20 ans.
Nous posséderions, notamment, des normes nationales de soins à domicile, des mécanismes de financement, et des services de soutien aux personnes âgées et aux personnes ayant des incapacités qui vivent à domicile ou dans un autre milieu. Nous aurions un soutien décent pour les proches aidants, qui fournissent la grande partie du soutien à domicile au Canada.
Si on avait mis en œuvre les recommandations d’il y a 10 ou 20 ans, nous posséderions, notamment, des normes nationales de soins à domicile, des mécanismes de financement, et des services de soutien aux personnes âgées et aux personnes ayant des incapacités qui vivent à domicile.
Peut-être le Canada aurait-il même adopté des programmes de soins à domicile innovants comme ceux qui ont été mis en œuvre dans d’autres pays. Nous aurions mis sur pied des équipes d’infirmières autogérées dans chaque quartier, partout au pays, qui fournissent des soins à toutes les personnes qui en ont besoin. Aux Pays-Bas, l’adoption du modèle Buurtzorg a diminué les coûts des soins et augmenté la satisfaction des bénéficiaires ainsi que celle des prestataires de soins, améliorant ainsi la situation des personnes qui en dépendent.
Au lieu de cela, le Canada a opté pour un statu quo remarquablement médiocre, et cela depuis des décennies.
Bien avant la crise de COVID-19, le secteur des soins à domicile montrait des signes très clairs de tension et de dysfonctionnement. Dans le cadre de nos recherches, les infirmières à domicile nous ont dit que la confusion régnait dans les soins à domicile. Elles sont confrontées à des pressions croissantes pour faire sortir des hôpitaux des personnes ayant des besoins de soins médicaux et sociaux de plus en plus complexes, sans qu’il y ait des investissements substantiels dans les soins à domicile financés par l’État.
Les infirmières nous ont également confié qu’on leur demande constamment d’accélérer et de limiter leurs services, et même de rationner les soins qu’elles offrent.
Aurait-il été possible d’éviter tous les décès dus à la COVID-19 dans les établissements de soins de longue durée du Canada ? Probablement pas. Par contre, si le Canada avait en place un meilleur système de soins à domicile, la plupart des personnes âgées n’auraient peut-être pas besoin d’obtenir des soins dans un établissement.
Les personnes âgées et les personnes ayant des incapacités méritent mieux qu’un système de services disparates de soins à domicile subventionnés et payants, et qui pousse à bout les proches aidants.
Cette période sans précédent nous offre la possibilité de repenser radicalement la façon dont nous nous occupons de certains des membres les plus vulnérables de notre population. Ne pas saisir cette occasion ne servira qu’à perpétuer les inégalités qui existent dans notre système de soins.
Cet article fait partie du dossier La pandémie de coronavirus : la réponse du Canada.