OTTAWA – Les ministères fédéraux ont recommencé à planifier le retour de milliers de fonctionnaires au bureau alors que les gouvernements provinciaux mettent fin à l’obligation de travailler de la maison. 

Le Conseil du trésor a émis de nouvelles directives demandant aux ministères de reprendre les plans de retour sur les lieux de travail qui ont été interrompus subitement lorsque la vague Omicron a frappé juste avant Noël. 

Le retour va s’entamer immédiatement, mais la présidente du Conseil du trésor Mona Fortier a précisé que l’occupation des bureaux se ferait de façon graduelle pendant que les ministères feront les ajustements nécessaires, notamment en ce qui a trait à la distanciation. 

Puisque les provinces en sont à divers stades d’abandon des mesures sanitaires, les ministères seront invités à tenir compte des conditions épidémiologiques locales alors qu’ils rouvrent leurs bureaux, comme le nombre d’éclosions et l’évolution des infections à la COVID-19. L’Ontario, par exemple, lève la plupart des restrictions cette semaine. Près de la moitié de la fonction publique fédérale se trouve à Ottawa et dans ses environs. 

« Je m’attends à ce que les organismes continuent à faire preuve d’agilité et à montrer de la souplesse lorsque ce sera nécessaire dans leur planification, afin de s’ajuster aux conditions sanitaires changeantes », a fait savoir Mme Fortier dans une déclaration.  

Le Conseil du trésor n’a pas établi de date de retour, laissant chaque ministère décider du moment et de la façon de ramener les employés au bureau. 

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Des sources au sein de plusieurs ministères ont dit sous le couvert de l’anonymat que le retour au bureau s’étalera progressivement au cours du printemps et de l’été afin de donner aux employés la chance de réorganiser leur vie familiale – par exemple pour ceux qui ont besoin de services de garde –, avant de s’intensifier en septembre. 

Le Conseil du trésor est l’employeur de la fonction publique fédérale. Sa présidente se trouve dans une position inhabituelle : elle est également une élue de la région d’Ottawa. La Ville d’Ottawa et des entreprises locales ont demandé au Conseil du trésor de ramener les fonctionnaires à leurs bureaux du centre-ville, ou à tout le moins d’établir un plan pour leur retour.  

Les ministères planifient ce retour tout en effectuant un virage vers une main-d’œuvre hybride, avec une partie des employés travaillant du bureau et l’autre de la maison. La question qui reste en suspens est de savoir si les ministères ont les capacités technologiques pour gérer ces équipes de travail mixtes. 

« Vouloir retourner au bureau est une chose. Mais avoir des ententes avec chaque employé, la technologie nécessaire dans chaque bureau, la bande passante dans les édifices, des règles claires pour la pandémie, la santé et la sécurité… tout cela prendra du temps », dit Meredith Thatcher, cofondatrice et stratège en milieux de travail à Agile Work Evolutions. 

Une autre préoccupation est de savoir si la levée des restrictions entraînera une autre vague importante. Le sous-variant d’Omicron BA.2, très contagieux, commence à se répandre au pays, ce qui pourrait compliquer les plans de réouverture en cours dans la plupart des provinces. 

Les plus récentes directives gouvernementales exigent que tous les fonctionnaires fédéraux soient adéquatement vaccinés, mais la dose de rappel demeure une simple recommandation. Les employés doivent aussi porter un masque à l’intérieur, même lorsque la distanciation est possible, et à l’extérieur dans les endroits très fréquentés ou lorsque la distanciation est impossible. 

Ceux qui ne sont pas adéquatement vaccinés ou qui sont exemptés de la vaccination devront passer un test rapide afin d’éviter d’amener le virus au travail. Les lieux de travail plus à risque, comme les prisons ou au sein de la Garde côtière canadienne, procéderont quant à eux à des tests de dépistages. 

Les employés qui ont des symptômes de COVID-19 ou qui auront obtenu un résultat de test positif devront attendre 10 jours avant de retourner au bureau. Ceux en contact étroit avec une personne infectée ne pourront pas retourner au bureau avant 14 jours. 

La direction prévient les employés de ne pas stigmatiser ceux qui décideront de prendre plus de précautions que ce qui est demandé. 

Le droit à la déconnexion au cœur des négociations  

Le retour au travail survient alors que les syndicats préparent une nouvelle ronde de négociations. Une des premières parties à la table sera l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC), le plus important parmi les 17 syndicats d’employés fédéraux. Ses priorités sont l’atteinte d’un meilleur équilibre entre le travail et la vie personnelle et l’ajout de clauses de « droit à la déconnexion » permettant aux travailleurs de ne pas répondre aux courriels et de refuser les appels et les textos hors des heures ouvrables. 

Un sondage du syndicat a constaté que 75 % de ses 165 000 membres travaillent de la maison et que 90 % d’entre eux veulent continuer à le faire. Mais les fonctionnaires veulent de nouvelles protections. 

On ne sait pas comment un tel droit à la déconnexion serait établi. Le syndicat plaide que travailler de la maison pendant la pandémie a atténué la frontière entre le travail et la vie personnelle. Il exige une démarcation plus claire. 

L’AFPC souhaite aussi que les employés puissent avoir le droit de choisir le travail à distance. Le syndicat a proposé une procédure afin de s’assurer que les demandes pour le travail à distance ne puissent être refusées sans raison valable et que les employés aient accès à l’équipement requis. 

L’AFPC soutient qu’il est injuste que les travailleurs aient à assumer des coûts que l’employeur devrait supporter, comme les fournitures et le mobilier de bureau, ainsi que des frais plus élevés pour l’énergie et Internet. Le syndicat veut que le gouvernement fournisse des ordinateurs, des logiciels, des meubles, une évaluation d’ergonomie ainsi qu’une allocation mensuelle de 100 $ à ses travailleurs qui travaillent de la maison au moins 75 heures par mois. 

Le syndicat note enfin que la pandémie a changé les méthodes de travail de façon permanente. Il croit aussi que le gouvernement et ses employés devraient donner l’exemple en matière d’équilibre entre le travail et la vie personnelle. 

L’autrice a bénéficié d’une bourse de journalisme Accenture sur l’avenir de la fonction publique. Découvrez ici les autres chroniques de Kathryn May. 

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Kathryn May
Kathryn May est la boursière Accenture en journalisme sur l'avenir de la fonction publique. Dans les pages d'Options politiques, elle examine les défis complexes auxquels font face les fonctionnaires canadiens. Elle a couvert la fonction publique fédérale pendant 25 ans pour le Ottawa Citizen, Postmedia et iPolitics. Gagnante d'un prix du Concours canadien de journalisme, elle a aussi mené des recherches sur la fonction publique pour le compte du gouvernement fédéral et d'instituts de recherches.

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