Pour ce numéro spécial du 40e anniversaire de l’IRPP, nous avons demandé à 30 éminents Canadiens de désigner le meilleur premier ministre provincial des 40 dernières années.
À partir d’un questionnaire axé sur neuf critères de leadership, notre jury devait classer, sur une échelle de 1 à 10, les 18 chefs ayant exercé le pouvoir depuis la fondation de l’IRPP en 1972, puis choisir les cinq du peloton de tête.
Et c’est Peter Lougheed qui a très majoritairement rallié les suffrages, tant dans les domaines de l’appréciation des compétences que dans le classement des cinq premiers.
Prise dans le sud de l’Alberta en 1985 alors qu’il quittait ses fonctions, la photo de notre page couverture résume l’homme et la province qu’il a dirigée : un chef confiant et charismatique, un riche secteur pétrolier, le cadre naturel des Rocheuses. C’est à la photothèque du quotidien montréalais The Gazette que j’ai trouvé par hasard la version noir et blanc de cette photo de Steve Makris, de l’Edmonton Journal.
Visiblement ravi, Peter Lougheed s’est dit honoré du choix de notre jury lors de l’entretien qu’il nous a accordé au Ranchmen’s Club de Calgary.
Et nous sommes tout aussi heureux qu’il ait accepté d’être l’invité d’honneur au dîner où nous lui rendrons hommage le 6 juin, également à Calgary, en présence de la première ministre albertaine fraîchement élue, Alison Redford, qui y prononcera le discours principal. (Pour toutes précisions sur ce dîner, dont les recettes nettes iront aux recherches de l’IRPP, voir l’annonce pleine page de ce numéro ou visiter irpp.org.)
Ces deux heures passées avec M. Lougheed m’ont donné le sentiment d’être un témoin privilégié de notre histoire. À 83 ans, l’homme a ralenti ses activités, mais sa mémoire et sa vivacité d’esprit sont toujours aussi impressionnantes. Il était accompagné de Lee Richardson, député de Calgary Centre, qui a été un membre clé de son bureau pendant la quasi-totalité de ses quatre mandats et 14 années au pouvoir, et qui brosse son portrait dans ces pages.
Hugh Segal pour sa part se remémore, avec amitié et respect, les années de Bill Davis, l’ancien chef ontarien qui s’est clairement imposé au deuxième rang et dont il fut le proche conseiller. Remarquable coîncidence, Lougheed et Davis étaient aux commandes durant la même période de 1971 à 1985 et ont tous deux laissé un immense héritage.
Quant à Brian Topp, il s’est penché sur l’historique des néodémocrates en Saskatchewan, où il fut chef de cabinet du premier ministre Roy Romanow et a très bien connu son prédécesseur Allan Blakeney, qu’il qualifie de « leader, haut fonctionnaire, homme politique et homme d’EÌtat hors du commun » et que notre jury a classé au troisième rang. Tout juste derrière, Frank McKenna est crédité par Roger Ouellette, de l’Université de Moncton, d’avoir modernisé le Nouveau-Brunswick. Et John Parisella, qui fut le dernier chef de cabinet de Robert Bourassa, classé cinquième, rappelle que celui-ci a présidé au renforcement économique du Québec et a joué pendant deux décennies un rôle majeur sur la scène constitutionnelle canadienne.
Comment ce groupe des cinq a-t-il été sélectionné? Notre directeur de recherche Jeremy Leonard, qui a compilé les résultats, en décortique les aspects révélateurs. Puis Tom Axworthy explique comment chacun s’est retrouvé sur cette liste restreinte et conclut à propos de Peter Lougheed qu’ « il fut le chef provincial des 40 dernières années dont la vision correspondait le plus justement au sens de l’histoire ».
En prime, notre sondeur Nik Nanos a demandé aux Canadiens de classer par ordre d’importance les critères de leadership que nous avions définis.
Pour ce qui est des autres articles de ce numéro, nos collaborateurs ont examiné le rôle des premiers ministres au chapitre des relations fédérales-provinciales et de la fédération canadienne.
Pour Robin Sears, les chefs provinciaux actuels évoluent dans l’ombre des géants de notre classement, qui étaient au pouvoir à une époque où les relations fédérales-provinciales étaient mises en valeur par des conférences de premiers ministres traitant d’économie et de Constitution, et qui donnaient aux provinces un rayonnement national qu’elles ont aujourd’hui perdu.
De son côté, Geoff Norquay étudie ces relations à la lumière de l’annonce du ministre des Finances Jim Flaherty sur le financement des soins de santé après l’expiration de l’Accord fédéral en 2014. Il en conclut que Stephen Harper est un fédéraliste classique adhérant scrupuleusement à la répartition constitutionnelle des pouvoirs. Sur la même question, Doug McArthur estime que les provinces ont eu le dessus dans les luttes fédérales-provinciales du dernier demisiècle. Chris Dunn propose que le Québec et les provinces atlantiques forment un « nouvel Est », et Velma McColl examine l’enjeu le plus complexe des relations fédérales-provinciales : l’énergie et l’environnement.
Par ailleurs, Brad Lavigne revient sur l’héritage de Jack Layton, dont il a été conseiller principal pendant la décennie précédant sa disparition. Puis, en matière de transfert fédéral en santé, Jean-Pierre Aubry, Pierre Fortin et Luc Godbout proposent une clef de répartition qui tiendrait compte du poids démographique des personnes âgées de chaque province. Et F. Leslie Seidle livre un compte rendu de l’ouvrage ayant remporté le prix Donner 2011, Democratizing the Constitution.