La communauté de la sécurité nationale et du renseignement au Canada n’a pas un bilan solide en matière de respect des normes de transparence les plus élevées, malgré des améliorations récentes. Une telle situation a des conséquences importantes : un manque de transparence fait en sorte qu’il est difficile pour les Canadiens de demander au gouvernement de rendre des comptes, ce qui augmente les risques d’abus ou de corruption du gouvernement et érode la confiance du public.
C’est dans ce contexte que le Groupe consultatif sur la transparence de la sécurité nationale (GCT-SN) a été créé en 2019 dans le cadre d’une série de vastes réformes de l’architecture de la sécurité nationale et du renseignement du pays. Composé de onze membres d’horizons divers – universitaires, membres de la société civile et fonctionnaires retraités –, le GCT-SN est un groupe consultatif externe qui conseille le sous-ministre de la Sécurité publique (et d’autres ministères et organismes chargés de la sécurité nationale) sur la façon d’améliorer la transparence. Il vise également à accroître la sensibilisation et la mobilisation du public et à rendre plus accessibles les renseignements relatifs à la sécurité nationale.
Dans notre premier rapport publié en 2020, nous avons présenté un survol de l’état de la transparence au sein de la communauté de la sécurité nationale du Canada et avons souligné les éléments à améliorer. Dans notre deuxième rapport publié récemment, nous exposons les principes généraux relatifs à la définition, à l’évaluation et à l’institutionnalisation de la transparence dans la communauté de la sécurité nationale et du renseignement. En effet, pour ancrer durablement la transparence, elle doit faire partie de la routine. Des structures et des processus doivent être mis en place pour définir et mesurer la transparence, dans le but de l’intégrer au travail quotidien de la communauté de la sécurité nationale.
Grâce à des réunions virtuelles tenues au cours des douze derniers mois, le GCT-SN a procédé à de nombreuses consultations pour rédiger ce rapport. Nous avons entendu que le manque de transparence en matière de sécurité nationale est ressenti dans de nombreux secteurs. Les journalistes ont indiqué qu’ils peinent à fournir de l’information fiable sur la sécurité nationale, notamment en raison du dysfonctionnement du système d’accès à l’information. De nombreux citoyens se méfient des institutions de sécurité nationale et estiment ne pas pouvoir jouir pleinement de leurs droits démocratiques. Le travail de la communauté de la sécurité nationale en pâtit également, car elle peine à s’engager efficacement auprès des citoyens. Une moins bonne circulation des idées divergentes entraîne invariablement un affaiblissement de la santé démocratique.
Dans un premier temps, nous recommandons que les ministères et les organismes du gouvernement fédéral ayant des responsabilités en matière de sécurité nationale élaborent et publient une déclaration claire dans laquelle ils expriment leur engagement envers une plus grande transparence. Cette déclaration doit représenter un engagement envers la transparence et une présentation de l’interprétation du ministère ou de l’organisme de la signification de la transparence, de la raison de son importance et de la manière par laquelle elle sera mesurée et mise en œuvre.
Ce faisant, nous recommandons d’abandonner les définitions étroites et passives de la transparence, qui l’assimilent simplement à la diffusion d’information. Nous encourageons plutôt la communauté à adopter des interprétations plus larges et plus dynamiques qui mettent également l’accent sur le renforcement de l’engagement des citoyens et la réactivité du gouvernement.
L’évaluation de la transparence est tout aussi essentielle. En effet, la recherche et l’expérience montrent que ce qui est mesuré compte dans la détermination des décisions et le suivi des répercussions. En outre, les récentes réformes gouvernementales liées à l’ouverture du gouvernement et à la gestion axée sur les résultats soulignent l’importance de fournir des indicateurs clairs des objectifs de rendement.
Dans ce contexte, le GCT-SN recommande dans un deuxième temps que les ministères, organismes et agences ayant des responsabilités en matière de sécurité nationale développent et publient également des paramètres pour mesurer et évaluer la mise en œuvre de leur engagement envers plus de transparence.
Il s’agit d’une deuxième étape nécessaire. En l’absence d’un processus clair pour mesurer la transparence, il est difficile d’évaluer si les engagements auront été respectés. En effet, le fait de mesurer constitue en soi un pas vers plus de transparence. Pour ce faire, il conviendrait de développer des indicateurs précis permettant de mesurer les progrès accomplis, notamment des données sur les plaintes et les enquêtes (et les résultats précis des différends ou des litiges résolus) ; des données ventilées sur la diversité, y compris sur la race, dans les différents ministères et organismes ; de meilleures informations sur les évaluations des menaces en matière de cybersécurité et les atteintes potentielles à la vie privée ; davantage de renseignements sur l’utilisation des technologies émergentes (notamment les systèmes d’intelligence artificielle) à des fins de sécurité nationale ; et une déclassification accrue des renseignements et des documents historiques.
En troisième lieu, nous recommandons dans notre rapport que la communauté de la sécurité nationale et du renseignement s’efforce d’institutionnaliser ses initiatives visant à améliorer la transparence. C’est la seule façon de les rendre plus durables.
L’institutionnalisation de la transparence nécessite un changement de culture. Les mentalités qui ont traditionnellement privilégié la thésaurisation de l’information comme position par défaut doivent évoluer. L’institutionnalisation de la transparence doit également être encouragée par la direction. Entre autres recommandations, nous proposons que la fonction publique envisage d’inclure un engagement de transparence dans l’entente de rendement de chaque sous-ministre ou chef d’organisme de la communauté de la sécurité nationale.
La transparence ne consiste pas seulement à diffuser des informations, mais aussi à s’engager auprès du public. Il est donc nécessaire de faciliter une plus grande interaction, un dialogue et des consultations régulières avec la société civile, les médias, le monde universitaire et les entreprises. Par contre, bien souvent, le personnel ne dispose pas des outils nécessaires pour mettre en œuvre des initiatives visant à accroître la transparence. À ce titre, nous recommandons que la communauté adopte un plus grand engagement envers la formation sur la transparence.
Il est essentiel de mettre l’accent sur les consultations et l’engagement pour institutionnaliser la transparence de manière utile, et il faut aussi pour cela des réformes culturelles et structurelles de la gouvernance de la sécurité nationale. Le GCT-SN encourage donc la communauté de la sécurité nationale à s’efforcer d’établir une compréhension commune de l’objectif de l’engagement communautaire et de son importance pour améliorer la transparence et instaurer la confiance, et à investir davantage de ressources pour mieux former et équiper le personnel ayant moins d’expérience en matière d’engagement communautaire.
Les initiatives d’engagement communautaire sont des points d’ancrage essentiels pour institutionnaliser et mettre en œuvre une plus grande transparence. Au centre de cette responsabilité se trouve la volonté de la communauté de la sécurité nationale de renforcer sa propre capacité à s’engager auprès des communautés autochtones, racisées et marginalisées et des autres minorités. À ce titre, nous recommandons que la communauté améliore sa capacité à pratiquer un engagement important.
La mise en place de telles institutions est une étape essentielle, mais il faut aussi assurer la visibilité des efforts déployés. Communiquer efficacement fait partie intégrante de cette responsabilité. Nous recommandons donc aux institutions de sécurité nationale d’élaborer des stratégies pratiques pour mieux communiquer leurs efforts d’amélioration de la transparence auprès du grand public ainsi qu’auprès des communautés où le manque de transparence contribue à la méfiance. Il s’agit justement du sujet de notre troisième rapport, sur lequel nous travaillons actuellement.