
La cour a tranché : Trump ne pourra pas imposer ses tarifs à sa guise. Mais ça ne change rien à la stratégie canadienne de diversifier ses marchés. Et le Québec, avec la diversité de ses communautés culturelles et linguistiques, a une carte de plus pour ouvrir de nouvelles voies de commerce international au-delà des sentiers battus.
C’est ce qu’on fait valoir les candidats Marc Bélanger et Karl Blackburn lors du troisième débat dans la course à la chefferie du Parti libéral du Québec, à Gatineau, le 10 mai dernier. Ils ont présenté deux nouvelles approches en matière de commerce international québécois, qui sont dignes d’attention.
Marc Bélanger a mis de l’avant le potentiel des communautés culturelles, c’est-à-dire les diasporas établies au Québec et les Québécois issus de l’immigration, ainsi que les avantages stratégiques qu’elles peuvent offrir. De son côté, Karl Blackburn a souligné le rôle que le Québec doit jouer comme leader au sein de la francophonie internationale, un vecteur à la fois culturel, diplomatique et économique.
Notre interculturalisme : un atout stratégique
Le prochain gouvernement, qu’il soit libéral, caquiste, ou péquiste, serait avisé de combiner ces deux visions afin de permettre au Québec de rayonner davantage sur la scène internationale.
Nous avons tendance à concevoir nos relations internationales à travers le prisme de nos liens historiques avec la France et le Royaume-Uni. Cependant, nous oublions trop souvent que nous vivons dans une fédération façonnée par l’immigration, et que le Canada et le Québec sont connectés à presque chaque coin du monde.
Je viens moi-même d’une communauté culturelle et j’ai visité 50 pays dans le monde. J’ai pu constater que l’interculturalisme constitue un atout stratégique, qui peut facilement nous amener à établir des liens profonds et à créer des opportunités financières importantes. Alors pourquoi le Québec se limite-t-il à un réseau de délégations, de bureaux, et d’antennes dans moins d’une douzaine de pays?
Il s’agit là d’un manque de vision. Peu de pays dans le monde peuvent compter sur un tel réseau naturel de connexions humaines, comme le Canada. C’est pour cette raison, en 2022, que j’ai plaidé en faveur d’une représentation plus importante des Canadiens issus de communautés culturelles aux Affaires mondiales Canada.
Le français : une carte de visite pour un marché en croissance
Une langue, comme le français, est bien plus qu’une façon de communiquer. En fait, elle constitue un pont sur le plan culturel, philosophique et humain, qui permet de comprendre plusieurs perspectives, d’agir avec empathie, et de s’intégrer plus facilement dans d’autres sociétés.
Au Québec, beaucoup de personnes issues de communautés culturelles parlent trois, quatre ou même cinq langues. Pourquoi ne pas recruter, former et mobiliser ces talents pour promouvoir nos intérêts économiques et diplomatiques à l’étranger ?
Nos gouvernements peuvent investir tout l’argent du monde dans l’apprentissage des langues étrangères et les campagnes de sensibilisation interculturelles, mais rien n’égale l’efficacité des personnes déjà liées profondément à d’autres cultures et qui n’ont pas à franchir de barrières linguistiques ou sociales.
D’ailleurs, le Québec fait partie de l’Organisation internationale de la Francophonie, ce qui inclut 93 pays membres. Aujourd’hui, il y a environ 321 millions de francophones dans le monde. Selon une étude publiée par la Banque Natixis, ce chiffre pourrait dépasser 700 millions d’ici 2050. Ceux-ci constituent non seulement un marché considérable pour les produits et services québécois, mais une source précieuse de talents et d’opportunités à attirer.
Optimiser nos relations déjà existantes
Pourquoi n’avons-nous pas mis de la pression sur le gouvernement fédéral pour qu’il négocie un traité de libre-échange avec des partenaires commerciaux comme le Maroc, un pays avec lequel nous entretenons déjà de bonnes relations et dont la diaspora marocaine pourrait jouer un rôle de catalyseur ? Pourquoi ne pas envisager la Côte d’Ivoire, avec laquelle nous entretenons une convention fiscale évitant la double imposition depuis plus de quatre décennies ?
Pourquoi le Canada doit renforcer ses liens économiques avec l’Afrique
D’ailleurs, les Émirats arabes unis et le Qatar, deux puissances économiques membres associées des pays de la Francophonie, sont également absents de notre réseau économique actif. L’ouverture d’un bureau à Tel-Aviv a été une décision judicieuse afin d’ouvrir nos horizons au Moyen-Orient.
Pourquoi le Québec n’a-t-il toujours pas de représentation à Dubaï ou à Doha? Pourquoi la Caisse de dépôt et placement du Québec de même qu’Investissement Québec n’y ont-elles pas de mission permanente?
Il y a malheureusement peu de réponses à ces questions et aucune n’est suffisante. On doit faire mieux.
Pour citer le grand stratège américain Henry Kissinger : « Le leadership consiste à amener les personnes que vous dirigez de là où elles sont à là où elles ne sont jamais allées. Une fois la destination atteinte, ceux-ci diront qu’ils y sont arrivés seuls. » Certes, ce type de leadership repose sur une vision stratégique portée par des dirigeants capables de voir plus loin et de rêver plus grand. Le Québec le mérite.