(Cet article a été traduit de l’anglais.)
Alors qu’on continue de faire face à la pandémie de COVID-19, il est pertinent de réfléchir au leadership du Canada en ce qui concerne la santé mondiale. En particulier, les engagements financiers inédits des pays en réponse à la COVID-19 fournissent une occasion de comparaison avec une autre maladie infectieuse : la tuberculose. Avant la COVID-19, la tuberculose tuait chaque année plus de personnes que toute autre maladie infectieuse ; en 2019, elle était la cause de 1,4 million de décès dans le monde. Pourtant, elle reçoit beaucoup moins d’attention, d’engagement politique et d’investissement financier. En cette Journée mondiale de la tuberculose, nous lançons un appel à l’action au gouvernement canadien pour l’élimination de la tuberculose au pays et à l’étranger.
Le Canada fait preuve de leadership en matière de santé mondiale, étant partenaire fondateur du Mécanisme de financement mondial et du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Il est également un partenaire fondateur de TB REACH, qui finance des programmes visant à améliorer la détection des cas de tuberculose parmi les communautés les plus touchées au monde. Le Canada est donc bien placé pour jouer un rôle important dans la lutte contre la tuberculose. Cependant, pour respecter ses engagements concernant la santé mondiale et l’élimination de la tuberculose, le gouvernement canadien doit intensifier ses efforts.
Les promesses audacieuses du Canada en matière de santé mondiale sont remises en question par son incapacité à les tenir, en raison, notamment, du manque de financement adéquat et de l’insuffisance de sa réponse aux inégalités de santé au pays. La tuberculose est un exemple clair de l’échec sur ces deux fronts. Bien que la prévalence globale de la tuberculose soit faible au Canada, la maladie demeure un problème important dans les communautés autochtones et chez les personnes nées à l’étranger. En fait, l’incidence de la tuberculose dans les communautés inuites est plus de 290 fois supérieure à celle dans la population non autochtone née au Canada.
Le fait qu’une maladie à la fois évitable et guérissable perdure au Canada aujourd’hui souligne des iniquités inacceptables. Comment le Canada peut-il aspirer à être un chef de file de la santé mondiale s’il continue de ne pas répondre à ces inégalités flagrantes au sein de ses propres frontières ? Le gouvernement s’est engagé à éliminer la tuberculose dans tout l’Inuit Nunangat d’ici 2030. Si nous voulons avoir le moindre espoir d’y parvenir, il est essentiel que le Canada soutienne la réalisation des objectifs qu’il s’est fixés par des investissements politiques et financiers concrets.
Le Canada peut ― et doit ― intensifier sa lutte contre la tuberculose au pays et à l’étranger de multiples manières. Premièrement, en tant que contributeur majeur de financement pour TB REACH, il est essentiel qu’il continue de soutenir cette initiative. Prenant en compte la perturbation importante des services de prise en charge de la tuberculose en cette période de COVID-19, il y a un urgent besoin de renouveler le soutenir aux programmes de lutte contre la tuberculose à l’intention des communautés les plus touchées.
Une autre occasion pour le Canada est l’appui au Challenge Facility for Civil Society. Cette initiative fournit des fonds aux organisations de la société civile et communautaires en promouvant une approche de lutte contre la tuberculose fondée sur les droits et l’équité entre les sexes. Elle correspond précisément à la politique d’aide internationale féministe du Canada. Un investissement financier considérable dans cette initiative serait donc un moyen important pour le Canada de réaliser ses objectifs et de donner de la crédibilité à ses priorités.
Le Canada doit également prendre la responsabilité, avec d’autre pays, de progresser vers les objectifs mondiaux d’élimination de la tuberculose, y compris ceux fixés lors de la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations unies (UNHLM) de 2018 sur l’élimination de la tuberculose. Le fait que des dirigeants mondiaux se rassemblaient pour la toute première réunion de haut niveau consacrée expressément à la tuberculose a été un jalon porteur d’espoir. Malheureusement, il reste un immense écart entre les objectifs fixés par les États membres lors de cette réunion et le progrès vers la réalisation de ces objectifs. Le Stop TB Partnership a donc lancé des appels à l’action pour combler cette lacune. Le Canada doit y contribuer en effectuant les investissements financiers nécessaires pour atteindre les objectifs de lutte contre la tuberculose et en encourageant une responsabilisation globale pour le progrès vers l’élimination de la tuberculose.
De plus, il est essentiel que le Canada augmente ses investissements en recherche et développement (R-D) pour la tuberculose. Lors de l’UNHLM sur la tuberculose, les participants ont fixé un objectif annuel mondial de 2 milliards de dollars américains pour le financement de la recherche sur la tuberculose. Cet objectif pourrait être atteint si les pays investissaient leur « juste part » dans cette recherche, c’est-à-dire s’ils consacraient au moins 0,1 % de leurs dépenses totales de R-D à la recherche sur la tuberculose.
Le Canada n’a pas atteint cet objectif en 2019, ne consacrant que 76 % (19,3 millions de dollars américains) de sa juste part (qui serait de 25,3 millions de dollars américains) à la R-D sur la tuberculose (voir la figure). Cela place notre pays derrière les Philippines, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni, qui ont atteint leurs objectifs respectifs, tout comme derrière les États-Unis, qui ont fourni 89 % de leur juste part. Il est donc important que le Canada augmente ses investissements en R-D sur la tuberculose.
Finalement, si le Canada répond à cet appel urgent, il devrait également veiller à ce que son investissement soit bien coordonné et attribué de manière stratégique. L’affectation non coordonnée de ses ressources a déjà fragmenté et affaibli l’effet de ses contributions passées à la santé mondiale. Outre la juste part consacrée à la R-D, certains domaines spécifiques bénéficieraient d’un investissement canadien accru, en particulier la recherche sur les médicaments, les vaccins et les diagnostics, comme le montre la figure.
Il est préoccupant que justement ces domaines restent sous-financés, car les outils de lutte contre la tuberculose sont désuets. Rappelons que le vaccin Bacille Calmette-Guérin (BCG) a été développé il y a 100 ans et que, malgré son efficacité limitée, il reste le seul vaccin antituberculeux utilisé aujourd’hui. En revanche, plusieurs vaccins efficaces contre la COVID-19 ont été produits et déployés en un an seulement. Ce contraste frappant montre qu’un engagement politique fort, soutenu par des investissements financiers, est essentiel pour progresser dans le développement de nouveaux outils pour prévenir, détecter et guérir la tuberculose.
En tant que pays ayant un bilan encourageant d’engagement et de leadership dans le domaine de santé mondiale et de la tuberculose, mais aussi une longue histoire de négligence en ce qui concerne la lutte contre cette maladie dans ses propres communautés autochtones, le Canada a à la fois les moyens et l’impératif éthique d’agir dans la lutte contre la tuberculose. Les perturbations dues à la COVID-19 menacent d’inverser considérablement le progrès sur l’élimination de la tuberculose, il faut donc une réponse canadienne engagée et coordonnée dans ce domaine. Plus important encore, il faut que cette réponse soit fondée sur des actions et des investissements financiers, et renforce la responsabilité mondiale pour progresser vers l’élimination de la tuberculose.
Les auteurs tiennent à remercier Robyn Waite et Adam Houston de Stop TB Canada pour leurs commentaires précieux sur cet article.