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Avec son célèbre slogan Make America Great Again, Donald Trump promet de redonner aux États-Unis leur puissance économique. Pour y parvenir, il mène une stratégie commerciale agressive, faite de menaces tarifaires et de rapports de force avec ses partenaires. Mais cette méthode est-elle réellement efficace ?

La théorie évolutive des jeux, qui étudie l’évolution des comportements et des stratégies des populations et des espèces en biologie, peut nous aider à y voir plus clair…

Le jeu faucon-colombe : une lecture des conflits

La théorie évolutive des jeux est souvent illustrée par le jeu Faucon-Colombe (Hawk-Dove Game), un modèle développé par le biologiste britannique John Maynard Smith, où deux espèces en conflit pour obtenir une ressource vont choisir entre l’agressivité (le vautour) et la conciliation (la colombe).

Appliqué à la politique commerciale, ce modèle illustre bien la méthode Trump. Lorsque le président menace d’imposer des tarifs douaniers ou de se retirer d’accords commerciaux, considérant que les autres pays abusent de leur relation commerciale avec les États-Unis, il adopte la posture du vautour en espérant que l’autre partie jouera la colombe.

Ce modèle met en lumière le dilemme stratégique auquel sont confrontés les pays partenaires des États-Unis : céder pour éviter l’escalade, riposter ou chercher le compromis. 

Canada vs États-Unis : quatre scénarios possibles

Prenons le cas du conflit entre les États-Unis et le Canada pour illustrer les différents scénarios possibles. Le Canada peut choisir de jouer la colombe ou de répondre en vautour. Ce choix stratégique déterminera l’issue du conflit.

On peut représenter cette interaction à l’aide de la matrice stratégique suivante, qui modélise les choix du Canada face aux menaces américaines :


Quand un pays se montre ferme (le vautour) pendant que l’autre fait des concessions (la colombe), le pays qui adopte une posture offensive en tire des avantages commerciaux et stratégiques.

Canada-colombe et États-Unis-vautour : victoire américaine

Évidemment, les États-Unis, qui sont à l’origine des tensions entre les deux pays, n’ont certainement pas l’intention de céder aux demandes du Canada. En revanche, ce dernier pourrait plier sous la pression américaine en supprimant par exemple la gestion de l’offre ou en acceptant de faire des concessions à l’Accord Canada-États-Unis-Mexique.

Même si le premier ministre canadien tient un discours rassurant à ce sujet, ce scénario reste plausible à la lumière des décisions déjà prises par Ottawa, à la suite des menaces du président américain concernant le fentanyl et l’immigration illégale.

Trump pourra donc crier victoire, car il a forcé le Canada à accepter certaines concessions. Il renforce ainsi son image de négociateur inflexible et déterminé. Ce qui l’encourage à répéter l’exercice au besoin.

Même si cette victoire paraît bénéfique à court terme, elle présente des risques sur le long terme. Le Canada va sûrement tenter de diminuer sa dépendance envers les États-Unis en diversifiant ses partenaires commerciaux et en intensifiant les échanges interprovinciaux.

Une telle réorientation commerciale pourrait s’avérer préjudiciable à l’économie américaine. Il s’agit toutefois d’une conséquence qui dépasse l’horizon temporel du politicien Trump, dont le mandat actuel est censé être le dernier.

Canada-vautour et États-Unis-vautour : guerre commerciale

Si les deux pays persistent dans une attitude de vautour, une guerre commerciale éclate au détriment de leurs économies respectives. Le Canada refuse de se plier aux pressions américaines et répond par des mesures de rétorsion, notamment par l’imposition de droits de douane sur divers produits en provenance des États-Unis. Des mesures qu’il a déjà appliquées sur une variété de biens de consommation américains.

Ce type de confrontation commerciale entraîne des effets négatifs des deux côtés. Elle provoque un ralentissement de l’activité économique, une hausse des prix pour les consommateurs, des pertes d’emplois dans certains secteurs, ainsi qu’une augmentation générale des coûts pour les entreprises.

Dans un tel contexte, les deux pays perdent. La logique commerciale est mise de côté au profit d’enjeux politiques ou de fierté nationale. L’histoire économique le montre clairement : les guerres commerciales ne créent pas de richesse, elles ne font que des perdants.

Canada-colombe et États-Unis-colombe : le compromis

Le compromis apparaît peut-être comme l’issue la plus raisonnable, mais certainement pas comme la plus intéressante d’un point de vue économique. Dans un tel scénario, le Canada et les États-Unis acceptent de faire des concessions, chacun reculant sur certains points, sans qu’aucun ne puisse réellement se dire vainqueur.

Ce type d’accord, souvent conclu dans l’urgence ou sous la menace d’une escalade, n’est qu’une solution par défaut. On vise avant tout à éviter des pertes immédiates. En réalité, c’est un scénario perdant-perdant : les deux parties renoncent à des gains durables. On évite la crise, mais on ne construit rien de solide.

Le libre-échange, une solution gagnant-gagnant

En résumé, peu importe le scénario — ou même s’il y en a plusieurs en même temps — aucun n’est vraiment positif. Trump peut bien soutirer quelques avantages du Canada à court terme, mais c’est au détriment d’une relation commerciale profitable entre les deux pays depuis des décennies.

En fait, cet exercice démontre que seul le libre-échange, fondé sur la coopération volontaire, permet une création de richesse entre deux pays. Contrairement au compromis, qui résulte d’une négociation forcée, l’échange libre repose sur le principe que chaque pays ne s’y engage que s’il en tire un avantage.

Déjà en 1776, Adam Smith, dans La Richesse des nations, montrait que les individus, comme les nations, échangent non par charité, mais parce qu’ils y trouvent un avantage réciproque. Grâce à la spécialisation et à la division du travail, les échanges renforcent l’efficacité collective.

David Ricardo, en 1817, approfondit cette idée avec sa théorie des avantages comparatifs. Il a montré qu’un pays n’a pas besoin d’être le plus performant pour profiter du commerce international : il lui suffit de se concentrer sur les domaines où son désavantage est le moins marqué. Même les pays moins efficaces peuvent ainsi profiter du commerce international. Il suffit de miser sur ses atouts.

La position imprévisible de Trump 

Au fond, la stratégie de Donald Trump ressemble plus à un coup de poker risqué qu’à une vraie vision économique. Il confond sa propre vision du commerce avec l’intérêt commun des Américains. Pour lui, le commerce international est ce qu’il décide qu’il est !

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Aussi, ses guerres commerciales peuvent certes déstabiliser certains partenaires à court terme, mais elles nuisent durablement à la réputation des États-Unis.

En imposant ses décisions par l’intermédiaire de tweets et de hausses tarifaires injustifiées, le président américain projette l’image d’un partenaire imprévisible et peu digne de confiance.

Les confrontations économiques menées par Donald Trump n’ont pas pour effet de redonner leur grandeur aux États-Unis, mais plutôt d’isoler le pays davantage, de l’affaiblir et de miner sa crédibilité sur la scène internationale.

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Pierre J. Simard
Pierre J. Simard, Ph.D., est professeur retraité de l'École nationale d'administration publique spécialisé dans l'analyse des politiques et l'évaluation des programmes publics. Il est l'auteur de plusieurs articles scientifiques et de textes d'opinion.

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