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Ce texte est le second d’une série de deux articles. Le premier examine comment le cadre réglementaire canadien a limité la concurrence, favorisé une plus grande concentration des entreprises et nui à l’arrivée de nouveaux joueurs.
Au Canada, tenter de s’affranchir des contraintes réglementaires et bureaucratiques qui étouffent la concurrence et découragent la prise de risques entrepreneuriaux est une course à obstacles. Les Canadiens animés par l’esprit entrepreneurial en sont pleinement conscients.
Les coûts pour l’économie dans son ensemble sont énormes. Il en résulte une question essentielle : quelles politiques publiques peu coûteuses et à fort impact pourraient alléger ces charges? Surveiller pour surveiller, et réglementer pour réglementer, sont contreproductifs.
Un équilibre doit être trouvé entre les nouveaux joueurs, désireux d’assumer des risques commerciaux raisonnables, et les acteurs établis, qui ont toujours utilisé la réglementation pour se tailler des marchés non concurrentiels à leur avantage.
Deloitte, l’Institut Fraser, des cabinets de conseil, des groupes de réflexion et, ce qui est tout à leur honneur, de nombreux décideurs politiques et fonctionnaires fédéraux ont identifié plusieurs stratégies qu’Ottawa devrait envisager pour dynamiser le paysage entrepreneurial du Canada. La solution ne passe pas nécessairement par moins de réglementation, mais par une réglementation plus intelligente, qui encourage l’innovation et favorise la concurrence.
« Carrés de sable », automatisation et technologies émergentes
Les « carrés de sable » réglementaires sont un bon point de départ. Elles permettent aux entreprises de s’affranchir du poids de la conformité réglementaire pendant une période déterminée. Cette innovation offre un espace contrôlé pour tester de nouveaux modèles d’affaires et de nouvelles technologies dans des secteurs strictement réglementés. Cela permet aux PME et aux entreprises en croissance rapide de tester de nouveaux produits et services en étant supervisées, mais sans avoir à faire face immédiatement à des exigences bureaucratiques.
Le carré de sable de Transports Canada pour la technologie des drones est un bon exemple. Il fournit des licences spéciales aux acteurs de l’industrie pour tester des applications de drones qui sont présentement interdites ou non réglementées.
L’exploitation des technologies de pointe pour l’élaboration et l’analyse de la réglementation offre une autre voie pour une gouvernance simplifiée. L’intelligence artificielle, l’apprentissage automatique et les technologies des chaines de blocs offrent un fort potentiel pour automatiser des opérations réglementaires complexes telles que l’approbation, le contrôle de la conformité et la production de rapports. Elles peuvent aussi améliorer l’efficacité en identifiant les redondances et les goulots d’étranglement, permettant ainsi à Ottawa de réagir plus rapidement aux changements dans l’économie.
Le gouvernement fédéral est, à juste titre, en train d’adopter ces technologies. La stratégie pancanadienne en matière d’intelligence artificielle est l’un des moyens utilisés par nos dirigeants pour stimuler la compétitivité.
Une autre solution liée à ce qui précède consiste à donner la priorité aux politiques qui libèrent le potentiel des nouvelles technologies en matière de croissance économique. La création d’une réglementation qui peut s’adapter aux technologies émergentes est essentielle pour élargir les marchés et attirer les investissements. Des équipes fédérales spécialisées dans le suivi et l’ajustement de la réglementation pourraient veiller à ce que le Canada continue d’encourager l’esprit d’entreprise et l’expansion économique.
La réglementation peut être une force positive lorsqu’elle crée un environnement favorable aux PME et attire les investissements directs étrangers. Mais c’est un problème important lorsque trop de règles étouffent la concurrence dans les économies à faible croissance. C’est particulièrement vrai dans des marchés matures comme le Canada, qui est confronté à des rendements décroissants sur les investissements traditionnels et qui lutte pour trouver de nouvelles voies de croissance. Le secteur des télécommunications, souvent montré du doigt, en est un exemple.
Un indice de 2022 classant 100 pays en fonction de l’accessibilité et de l’abordabilité de l’internet a placé le Canada au 15e rang pour ce qui est du coût pour les utilisateurs, principalement en raison d’une chute importante de la compétitivité nationale du secteur, qui est passé de la première à la 32e place. L’an dernier, trois acteurs majeurs – Rogers, BCE Inc. et Telus Corp. – se partageaient 88,5 % des revenus de services mobiles au pays. Un scénario similaire existe dans l’industrie du transport aérien, où la concurrence limitée entre quelques grands transporteurs entraîne des tarifs plus élevés et diminue le choix.
Ces deux domaines sont des exemples de la manière dont une concurrence insuffisante rend la vie au Canada plus coûteuse. Si Ottawa ne modernise pas son environnement réglementaire, les Canadiens continueront d’être perdants.
Les arguments économiques en faveur d’une réforme des contrôles réglementaires du Canada sont clairs. L’urgence que le pays devienne un leader dans l’adoption des technologies est tout aussi évidente. Deux initiatives fédérales semblent indiquer qu’Ottawa en est conscient.
Des initiatives fédérales
Un projet de loi réintroduit périodiquement, présenté pour la première fois en 2019, cible les lois obsolètes et les chevauchements législatifs afin que les agences fédérales s’adaptent aux avancées technologiques. La version initiale du projet de loi révisait 12 lois, dont la Loi sur les transports au Canada et la Loi sur les aliments et drogues. Par exemple, une exception aux exigences réglementaires a été faite pour permettre de tester des technologies de santé innovantes telles que les tissus humains imprimés en 3D.
Une autre modification de la Loi sur l’inspection de l’électricité et du gaz a encouragé l’utilisation de technologies propres telles que les DEL et les véhicules fonctionnant à l’hydrogène.
Is Canada’s agricultural regulatory system competitive?
Ontario’s Keeping Energy Costs Down Act will do the exact opposite
S’appuyant sur ces réformes, le projet de loi S-6, introduit en mars 2022, vise à réduire les frais administratifs pour les entreprises et à simplifier les interactions numériques avec le gouvernement. L’objectif est d’améliorer le commerce transfrontalier et de créer un environnement réglementaire plus cohérent entre les différents paliers de gouvernements.
Parallèlement à ces efforts législatifs, le Centre d’innovation en matière de réglementation a été créé en 2018 pour aider les organismes réglementaires fédéraux à adopter des pratiques innovantes en élargissant leur compréhension des technologies émergentes et en favorisant les approches expérimentales.
Au-delà de la politique fiscale
Les outils de politique fiscale, bien qu’importants, ne sont pas la seule solution pour stimuler la concurrence. Il est impératif de mener des discussions sérieuses qui dépassent les débats tels que celui qui a eu lieu récemment sur l’augmentation de l’impôt sur le gain en capital. Les politiques réglementaires sont souvent négligées dans les discours, mais elles méritent autant d’attention et de réflexion.
Le rythme et l’ampleur des réformes réglementaires détermineront si le Canada est à la traîne ou s’il rattrape son retard dans sa quête pour devenir un pays entrepreneurial à l’échelle mondiale. Les fondations de notre économie sont indéniablement solides et elles offrent de nombreux avantages. Mais elles doivent être orientées vers une véritable compétitivité, qui va au-delà de la force symbolique de la réputation. Cela montrera aux entrepreneurs que le Canada est prêt à faire des affaires et qu’Ottawa se fera le champion de leur réussite.
Les opinions exprimées dans cet article sont des opinions personnelles et ne reflètent pas les points de vue ou les opinions d’une organisation, d’une institution ou d’une entité associée à l’auteur.