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En 2022, l’économie québécoise sortait d’un ralentissement causé par la pandémie et performait à son plein potentiel. De ce point de vue, l’année 2023 a été davantage en demi-teinte. Au moment d’écrire ces lignes, les données statistiques révélaient que le PIB réel du Québec s’était contracté pour un deuxième trimestre consécutif.

En termes purement techniques, selon une définition traditionnelle, le Québec serait en récession. Toutefois, le ministre des Finances, Eric Girard, a eu tôt fait de dire que ce n’est pas le cas « puisque la baisse de l’activité économique n’est pas généralisée ». Plusieurs économistes ont également nuancé la notion de récession en soulignant la bonne tenue du marché du travail ou encore de la demande intérieure.

Quoi qu’il en soit, la plus récente analyse de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques indique que l’économie québécoise évoluera sous son potentiel en 2024.

Malgré ces prévisions de croissance à la baisse, il semble trop tôt pour revendiquer une intervention additionnelle de l’État (comme l’envoi de nouveaux montants forfaitaires), et préférable d’attendre les effets d’éventuelles réductions du taux directeur de la Banque du Canada. Une chose est toutefois certaine : les gouvernements doivent garder le cap sur l’assainissement de leurs finances publiques, et ce, tant du côté du fédéral que de Québec.

Ottawa : financer les dépenses plutôt que s’endetter davantage

Depuis qu’il a pris la tête du pays, le gouvernement de Justin Trudeau n’a jamais présenté de budget équilibré, préférant l’approche déficitaire tout en s’assurant que le ratio de la dette en proportion du PIB suive une tendance de baisse à long terme. À aucun moment, on n’a fixé une date de retour à l’équilibre budgétaire.

Évidemment, les importants déficits causés par la COVID-19 jumelés à la hausse des taux d’intérêt ont contribué à l’état déficitaire, faisant passer les intérêts sur la dette de 20,4 milliards $ en 2020-2021 à 46,5 milliards $ en 2023-2024. En 2028-2029 ils pourraient atteindre 60,7 milliards $. (À titre de comparaison, les dépenses totales du gouvernement fédéral pour l’année courante seront d’environ 490 milliards $.)

En outre, l’entente signée avec le NPD prévoit le déploiement de nouveaux services publics (notamment via un nouveau programme de soins dentaires et un régime pancanadien d’assurance médicaments). Un gouvernement a bien évidemment la légitimité d’accroître la couverture du panier de services. Toutefois, sans critiquer ces interventions additionnelles, dans le contexte budgétaire actuel, le gouvernement fédéral doit identifier une source de financement pour chacune de ces nouvelles initiatives, d’autant plus qu’elles ont un caractère permanent.

Québec : un retour à l’équilibre plus difficile que prévu

De son côté, Québec a revu la Loi sur l’équilibre budgétaire afin de mieux résister aux soubresauts économiques et la Loi sur la réduction de la dette et instituant le Fonds des générations afin de tenir de fixer de nouvelles cibles d’endettement en 2032 et 2037.

Lors du dernier budget, le ministre Girard a déposé un plan de retour à l’équilibre budgétaire prévoyant que le déficit – au sens de la Loi sur l’équilibre budgétaire – passera de 5 milliards $ en 2022-2023 à une situation d’équilibre en 2027-2028, soit une diminution de 1 milliard $ par année. Pour respecter ce plan, il est indiqué noir sur blanc dans le budget que la croissance des dépenses sera arrimée à la croissance des revenus. Le budget intégrait également des provisions pour éventualités.

Or, les données plus récentes de la mise à jour économique de l’automne et du rapport trimestriel sur la situation financière montrent que la révision à la baisse des perspectives économiques affecte la provision pour éventualités. Cette provision, qui était de 6,5 milliards $ sur cinq ans lors du dépôt du plan en mars dernier, a complètement disparu pour les années 2023-2024, 2024-2025 et 2025-2026, laissant seulement 500 millions $ par an pour 2026-2027 et 2027-2028.

Il va de soi que, sans égard à leur pertinence, les bonifications offertes par le gouvernement dans le cadre de la nouvelle convention collective des employés de l’État (qui s’additionnent aux offres initiales déjà intégrées aux provisions budgétaires) devront s’insérer dans le cadre financier du gouvernement.

Avant les bonifications, le respect du plan de retour à l’équilibre budgétaire nécessitait déjà que les revenus croissent annuellement à un rythme de 1 milliard $ de plus que les dépenses. La tâche du ministre des Finances, qui était déjà importante, en est accrue d’autant.

L’appui essentiel du premier ministre

Advenant que la situation budgétaire se corse, tant Justin Trudeau que François Legault devront utiliser tout leur leadership en appuyant sans réserve les actions même les moins populaires de leurs ministres des Finances, comme l’ont fait par le passé les premiers ministres Lévesque, Chrétien et Bouchard. L’histoire montre qu’une condition nécessaire au respect de finances publiques saines est le soutien indéfectible du premier ministre.

On peut trouver d’autres constats sur les finances et les dépenses publiques du Québec dans le Bilan de la fiscalité au Québec – Édition 2024.

Ceci est le premier de deux textes analysant la fiscalité du Québec et du Canada. Le second article est ici.

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Luc Godbout
Luc Godbout est professeur titulaire au Département de fiscalité à l’Université de Sherbrooke et titulaire de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques. Il a présidé la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise.

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