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Les thèmes de l’inflation, du pouvoir d’achat et du coût de la vie sont devenus omniprésents dans l’actualité canadienne et québécoise.

Évidemment, le Québec et le Canada ne sont pas les seuls à subir une pression inflationniste. La pandémie de COVID-19, les effets de la guerre en Ukraine et les problèmes dans les chaînes d’approvisionnement sont vécus à l’échelle planétaire. Mais comment le pouvoir d’achat des Canadiens, et en particulier des Québécois, a-t-il évolué comparativement aux autres pays développés?

On peut avoir la réponse en comparant l’évolution du pouvoir d’achat des ménages types de salariés canadiens et québécois aux résultats des pays développés de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). La publication annuelle Les impôts sur les salaires comprend des informations détaillées sur la situation des salariés au regard de l’impôt sur le revenu, des transferts sociaux et des cotisations sociales.

En vue d’effectuer des comparaisons internationales, l’OCDE calcule donc le revenu disponible pour des ménages de salariés types gagnant des salaires comparables dans chacun des pays. Chaque composante du calcul est définie de façon similaire d’un pays à l’autre, ce qui rend possible l’ajout du Québec.

Le présent texte s’intéresse à différents types de ménage avec des niveaux de salaires variés et s’attarde particulièrement à deux situations. La première est celle d’un célibataire gagnant le salaire moyen. La seconde est celle d’un couple avec deux enfants et disposant de deux salaires, l’un respectivement égal au salaire moyen et l’autre représentant 67 % de celui-ci.

La méthodologie de l’OCDE suppose également que les contribuables ont moins de 65 ans; que ces ménages ne disposent pas d’autres sources de revenus que les salaires versés et les prestations reçues; et que les enfants, le cas échéant, sont âgés de 6 à 11 ans, et qu’aucuns frais de garde ne sont considérés.

Un résultat positif représente un enrichissement en termes réels ou une amélioration du pouvoir d’achat en 2022 par rapport à 2019, tandis qu’un résultat négatif indique un appauvrissement ou une diminution du pouvoir d’achat.

Célibataire gagnant le salaire moyen

Entre 2019 et 2022, le pouvoir d’achat d’un célibataire gagnant le salaire moyen a baissé dans 20 des 31 pays avancés recensés, ou pour 64,5 % d’entre eux. La moyenne non pondérée de l’évolution du pouvoir d’achat pour ce type de ménage est une baisse de 0,3 %.

C’est le célibataire estonien qui a vu son pouvoir d’achat réel se détériorer le plus pendant la même période (-7,4 %), et celui de la Lettonie qui a bénéficié de la plus forte augmentation réelle (+10,9 %).

De son côté, le célibataire canadien (ou ontarien) voit une amélioration de son pouvoir d’achat de 5,4 % entre 2019 et 2022, la plus forte hausse parmi les pays du G7, et la quatrième au total. Le célibataire québécois fait encore mieux : il devance son homologue canadien et se situe en deuxième place une fois inclus parmi les pays avancés de l’OCDE, avec une augmentation du pouvoir d’achat de 8,1 %.

Couple avec deux enfants ayant deux salaires, 100 % et 67 % du salaire moyen

Pour les couples avec deux enfants gagnant au total 167 % du salaire moyen, on observe également une baisse du pouvoir d’achat dans 20 pays sur 31, soit 64,5 % d’entre eux. La moyenne non pondérée de l’évolution du pouvoir d’achat pour ce ménage est une baisse de 0,2 % entre 2019 et 2022. La Grèce est le pays ayant vu la plus forte baisse (-9,2 %), et la Lettonie montre la plus forte augmentation (+12,2 %).

Au Canada, les couples avec deux enfants ont profité d’une amélioration de leur pouvoir d’achat de 4,3 %, la deuxième plus forte hausse parmi les pays du G7 derrière l’Italie, et la huitième au total. De son côté, le Québec arrive en troisième place parmi l’ensemble des pays étudiés avec une augmentation du pouvoir d’achat de 6,5 %, devant le Canada et l’Italie.

Vue d’ensemble : le Canada fait bien, le Québec encore mieux

Le tableau 1 montre le classement du Canada et du Québec parmi les pays avancés de l’OCDE pour six situations de ménages et de revenus. Ce tableau révèle que le Canada se classe dans le quartile supérieur des pays pour toutes les situations, à l’exception du cas de la famille monoparentale.

De son côté, le Québec fait toujours mieux que le Canada et occupe une place enviable quand on l’insère parmi les 31 pays étudiés : trois fois en deuxième place, une fois en troisième place, une fois en quatrième place et une fois en cinquième place. Le Québec devance chacun des pays du G7 dans les six situations de ménages.

À la lumière de la comparaison internationale, tant les ménages du Québec que du Canada obtiennent une amélioration enviable de leur pouvoir d’achat. Cela est d’autant plus vrai que pour chaque situation de ménage analysée, plus de 60 % des pays avancés ont vu leur pouvoir d’achat diminuer entre 2019 et 2022.

Malgré la poussée inflationniste des derniers mois et la perception que le pouvoir d’achat se contracte, les résultats québécois en matière d’évolution réelle du pouvoir d’achat depuis 2019 sont relativement positifs. Ces résultats n’invalident incontestablement pas les difficultés financières que vivent certains ménages. À cela s’ajoutent les craintes, anticipations et perceptions d’inflation qui demeurent élevées.

Le résultat final demeure : malgré l’inflation, chacun des six ménages québécois et canadiens analysés ont vu leur pouvoir d’achat s’améliorer. Il s’agit d’une bonne nouvelle, et on ne devrait pas hésiter à le mentionner.

Notes méthodologiques 

  • Les résultats du Canada sont calculés à partir du salaire moyen canadien auquel on applique le système d’impôts et transferts en vigueur en Ontario.
  • Pour le Québec, le salaire moyen utilisé (78 108 $ en 2022) est mesuré à partir du salaire moyen du Canada.
  • Comme les données de l’OCDE les plus récentes sont celles de 2022, l’indicateur de pouvoir d’achat est calculé pour 2019 et pour 2022.
  • Le cas échéant, les mesures fiscales et prestations ponctuelles relatives à la pandémie de COVID-19 ou à l’inflation sont prises en compte dans les calculs de l’OCDE et donc aussi pour le Québec.
  • Enfin, pour construire l’indicateur de pouvoir d’achat, le revenu disponible de 2019 est ramené en dollars constants de 2022 pour chaque pays, à l’aide des données sur l’IPC de la Banque mondiale.

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Luc Godbout
Luc Godbout est professeur titulaire au Département de fiscalité à l’Université de Sherbrooke et titulaire de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques. Il a présidé la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise.
Suzie St-Cerny
Suzie St-Cerny est chercheure à la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke. Ses travaux portent sur la soutenabilité budgétaire, la charge fiscale nette et les politiques familiales.
Frédérick Hallé-Rochon
Frédérick Hallé-Rochon est chercheur à la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke. Ses récents travaux portent sur le pouvoir d’achat et la retraite.

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