Une majorité écrasante de Canadiens estiment que l’eau douce est la ressource naturelle la plus importante pour l’avenir du pays. C’est en effet par une marge de 3 contre 1 qu’ils ont choisi l’eau, loin devant le pétrole et le gaz.

Dans ce sondage exclusif commandité par la Walter and Duncan Gordon Foundation, 61,6 p. 100 des répondants ont cité l’eau douce comme étant la ressource naturelle la plus importante pour l’avenir du pays, 21,7 p. 100 ayant choisi le pétrole et le gaz, 11,2 p. 100 les forêts et 3,8 p. 100 les pêches.

Le sondage téléphonique a été réalisé entre le 26 mai et le 1er juin auprès de 1 000 Canadiens, un échantillon dont la marge d’erreur est de plus ou moins 3,1 points de pourcentage, 19 fois sur 20.

Les Canadiens étaient autrefois perçus comme des « coupeurs de bois » et des « porteurs d’eau ». Mais c’est aujourd’hui à l’eau qu’ils s’identifient en tout premier lieu. Le premier ministre Stephen Harper a positionné le Canada en tant que « superpuissance énergétique », mais selon les résultats du sondage, on devrait plutôt parler d’une superpuissance de l’eau.

Car pour les Canadiens, l’eau représente clairement un avantage économique. Ils ont longtemps presque tenu pour acquise l’abondance de cette richesse, mais ils la considèrent aujourd’hui comme une ressource nettement plus stratégique que le pétrole et le gaz. Une conclusion franchement étonnante.

Quand on songe à notre avenir économique, le pétrole et le gaz sont à l’évidence deux ressources critiques. Mais l’eau est clairement la ressource la plus importante aux yeux des Canadiens, même ceux des provinces atlantiques et de l’Ouest où le pétrole et le gaz ont pourtant une importance économique majeure.

Dans les provinces de l’Atlantique, le pétrole et le gaz sont la ressource la plus importante aux yeux de 31,3 p. 100 des répondants, l’eau douce étant le choix de 45,1 p. 100 d’entre eux. À 12,7 p. 100, les pêches se classent au troisième rang dans cette région du pays, la seule où elles n’occupent pas le dernier rang des quatre options proposées.

Dans les provinces de l’Ouest, 26,7 p. 100 estiment que le pétrole et le gaz sont la ressource la plus importante, contre 60,9 p. 100 qui ont choisi l’eau. Des résultats très proches de la moyenne nationale.

Non seulement les Canadiens considèrent-ils l’eau douce comme une ressource naturelle prioritaire, mais ils savent que nous l’avons en abondance et attendent des gouvernements qu’ils la protègent adéquatement.

Lorsque nous avons demandé aux Canadiens qui devrait assumer la principale responsabilité de l’eau douce, la moitié d’entre eux (49,1 p. 100) ont cité les trois ordres de gouvernement : fédéral, provincial et municipal.

Mais près de trois fois plus de répondants(29,4p.100) ont estimé quel a principale responsabilité devrait en incomber au gouvernement fédéral, contre 11,9 p. 100 qui ont cité les provinces, et seulement 7,1 p. 100 les municipalités.

On note sur cette question des variations régionales frappantes, quoique peu surprenantes. C’est ainsi qu’au Québec, seulement 5,6 p.100 des répondants ont cité le gouvernement fédéral comme principal responsable, 11,9 p. 100 les provinces et 5,1 p. 100 les municipalités ; une écrasante majorité de 77,1 p.100 estime que cette responsabilité revient aux trois ordres de gouvernement.

Mais en Ontario, seulement 9,7 p. 100 des répondants estiment que l’eau doit être de responsabilité provinciale, contre 41,9 p. 100 qui y voient une responsabilité fédérale et 10 p. 100 une responsabilité municipale ; 34 p. 100 des Ontariens jugeant que tous les ordres de gouvernement doivent s’en partager la responsabilité.

À l’exception notable du Québec, les Canadiens semblent donc prêts à accepter le leadership d’Ottawa, mais ils préféreraient nettement une collaboration de tous les ordres de gouvernement. Même les Québécois pensent que l’enjeu déborde le cadre de leur province. Par rapport à la moyenne nationale d’un Canadien sur deux, trois Québécois sur quatre privilégient ainsi la collaboration. Clairement, les Québécois comprennent qu’ils partagent avec les provinces voisines de Terre-Neuve-et-Labrador, du Nouveau-Brunswick et de l’Ontario des enjeux fluviaux communs.

Quand nous avons demandé aux Canadiens « en ce qui concerne l’eau douce au Canada, quelle question vous préoccupe le plus? », 39,8 p. 100 d’entre eux ont cité la pollution de l’eau, soit nettement plus que le gaspillage et la surconsommation (22,1 p. 100). La qualité de l’eau potable est la première source d’inquiétude de 18,5 p. 100 d’entre eux, tandis que 17,2 p. 100 ont cité les exportations d’eau en vrac parmi les quatre options proposées. Les Canadiens s’inquiètent donc surtout de la pollution et de la conservation de l’eau douce. Et s’ils ne sont guère favorables aux exportations d’eau en vrac, ils se sentent assez peu concernés par la question.

Mais quand nous leur avons demandé quelle priorité gouvernementale devrait-on privilégier pour relever les défis liés à l’eau douce au Canada, 20,2 p. 100 des Canadiens ont classé l’interdiction des exportations d’eau en vrac au deuxième rang parmi cinq suggestions, l’adoption d’une stratégie nationale de l’eau arrivant au premier rang à 28,9 p. 100.

D’une certaine façon, les Canadiens favorisent ici une stratégie nationale de l’eau qui prévoirait l’interdiction des exportations d’eau en vrac. La sensibilisation et l’éducation de la population sont arrivées au troisième rang (16,3 p. 100), la préservation des eaux des rivières, lacs et autres écosystèmes aquatiques au quatrième rang (15,5 p. 100) et, au cinquième et dernier rang, les investissements accrus dans les infrastructures d’eau potable et des eaux usées (seulement 11,9 p. 100).

Interrogés sur leur disposition à « payer l’eau plus cher si cela permettait d’améliorer l’approvisionnement en eau propre », pas moins de 25,4 p. 100 étaient « totalement d’accord », et 20,4 p. 100 « plutôt d’accord ». Seulement 13,5 p. 100 étaient « totalement en désaccord » avec cette proposition et tout juste 11 p. 100 « plutôt en désaccord ».

C’est donc dire qu’à des niveaux variables, près de trois Canadiens sur quatre accepteraient de payer l’eau douce plus cher si les gouvernements en assuraient un meilleur approvisionnement.

Les Canadiens sont très sensibilisés à la question de l’eau. Non seulement la considèrent-ils de très loin comme la ressource naturelle la plus importante, ce qui est plutôt étonnant vu l’importance du pétrole et du gaz dans l’économie nationale, mais ils y voient aussi un aspect clé de l’identité canadienne. De sorte qu’il leur importe peu d’être perçus comme des « porteurs d’eau », puisque eux-mêmes se perçoivent ainsi.

Et en creusant l’analyse des résultats de ce sondage Nanos pour Options politiques, on découvre qu’en plus de voir l’eau douce comme un élément critique de leur avenir et de leur identité, les Canadiens considèrent son abondance comme une question de souveraineté.

 

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Nik Nanos
Chercheur et conseiller stratégique, Nik Nanos est régulièrement appelé à conseiller des dirigeants sur un large éventail de sujets, notamment les fusions d'entreprises, les campagnes de sensibilisation du public, la gestion de la réputation et les questions réglementaires. Il dirige l'équipe de Nanos, qui conduit des recherches au Canada et aux États-Unis, est fellow au Woodrow Wilson International Center for Scholars de Washington, D.C., et chercheur et professeur agrégé à  la State University of New York de Buffalo. Il est aussi analyste principal pour l'indice Bloomberg-Nanos de la confiance des consommateurs canadiens, dont les résultats sont transmis hebdomadairement aux clients de Bloomberg. Chaque semaine, il présente The Nanos Number à  l'émission Power & Politics de la CBC, qui suit l'évoution politique, économique et sociale. Il siège au comité de rédaction du Journal of Professional Communication de l'Université McMaster.

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