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Une récente étude menée au Royaume-Uni brosse un portrait inquiétant pour tous les parents du monde.

Elle révèle que les enfants sont exposés à la pornographie pour la première fois à l’âge de 13 ans, en moyenne. Ce n’est peut-être pas surprenant, compte tenu de l’accès généralisé — et souvent non encadré — qu’ont certains jeunes adolescents à Internet.

Mais le problème ne s’arrête pas là. L’étude montre aussi que 10 % des enfants britanniques avaient déjà vu de la pornographie à l’âge de 9 ans, et plus du quart avant l’âge de 11 ans. À 18 ans, près de quatre jeunes sur cinq affirmaient avoir vu non seulement du contenu pornographique, mais aussi de la pornographie violente. Trente-huit pour cent rapportaient être tombés sur ces contenus par accident.

Déjà, la pornographie a des effets sociaux néfastes importants. Aujourd’hui, les contenus pornographiques en ligne sont non seulement plus accessibles, mais aussi plus violents que jamais.

Des conséquences invisibles

Visionner de la pornographie peut avoir une incidence sur le développement cognitif et affectif des enfants. Cela influence les attitudes et les comportements, nuit aux relations interpersonnelles et véhicule des stéréotypes dégradants et nocifs de la sexualité.

Un autre rapport récent du Bureau de la commissaire à l’enfance du Royaume-Uni a démontré un lien entre l’exposition précoce à la pornographie et des gestes d’agression sexuelle commis par des enfants.

Au Canada, le projet de loi S-210, intitulé Loi sur la protection des jeunes contre l’exposition à la pornographie, a été adopté par le Sénat en avril 2023. Il était sur le point d’être sanctionné, mais il est mort au feuilleton à la suite du déclenchement des élections fédérales, en mars 2025.

Des exemples à suivre

D’autres pays s’attaquent à ce problème en s’adaptant aux réalités technologiques actuelles.

En France, une nouvelle loi a récemment confié à l’Arcom (le régulateur des médias et du numérique) le mandat d’élaborer une norme pour la vérification de l’âge. Selon cette norme, les plateformes pornographiques doivent bloquer l’accès aux utilisateurs qui ne prouvent pas leur âge.

Le Royaume-Uni a adopté en 2023 la Online Safety Act (Loi sur la sécurité en ligne), qui impose également une vérification de l’âge sur les plateformes diffusant de la pornographie. Ces dernières devront avoir mis en place des mesures éprouvées d’ici juillet 2025.

En Australie, même si la vérification de l’âge n’est pas encore obligatoire, des technologies sont actuellement testées pour évaluer la meilleure approche. Une loi a toutefois été adoptée pour interdire l’accès aux réseaux sociaux aux jeunes de moins de 16 ans, à compter de décembre 2025.

Aux États-Unis, le projet de loi SCREEN Act (2025) imposerait, s’il est adopté, une vérification de l’âge à l’échelle nationale. Déjà, 21 États ont adopté leurs propres lois à ce sujet, dont 17 ont officiellement reconnu la pornographie comme un problème de santé publique.

Pas de solution miracle

La mise en œuvre de mesures efficaces de vérification de l’âge présente des défis concrets. Les approches varient selon les pays et il n’existe pas de modèle universel. Or, certaines mesures peuvent réduire significativement l’exposition des enfants à la pornographie en ligne.

Selon les lois en vigueur, la vérification de l’âge peut s’appliquer uniquement aux sites pornographiques, à ceux dont le tiers du contenu est à caractère sexuel, ou plus largement à toutes les entreprises qui hébergent ou produisent ce type de contenu.

Les méthodes de vérification varient également. En général, elles doivent aller au-delà de la simple déclaration d’âge ou de l’utilisation de cartes de crédit sans exigence d’âge minimal.

En France, la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) considère que certaines pratiques, comme la collecte de pièces d’identité officielles, l’analyse de l’historique de navigation ou la biométrie sont contraires aux règles de protection des données. D’autres méthodes sont toutefois permises : carte d’identité officielle, services d’identité numérique, estimation de l’âge par la reconnaissance faciale ou validation par des données transactionnelles (documents liés à un prêt hypothécaire, à l’éducation ou à l’emploi).

Il existe aussi des solutions appelées à « double anonymat ». Elles fonctionnent en deux étapes : un service indépendant vérifie que l’utilisateur est majeur, sans savoir à quel site il accède. De son côté, le site consulté peut confirmer que l’utilisateur est majeur, mais sans connaître son identité.

Bien sûr, aucune loi ne pourra complètement empêcher l’accès des mineurs à la pornographie. Certains enfants trouveront des moyens de contournement. Mais les mesures de vérification de l’âge compliquent cet accès, et donc, réduisent le nombre de jeunes exposés.

Après l’entrée en vigueur d’une loi sur la vérification de l’âge en Louisiane, en 2023, le trafic sur Pornhub y a chuté de 80 %. Dans d’autres États, Pornhub a préféré bloquer l’accès à son site plutôt que de mettre en place les mesures requises.

La pornographie hypertruquée a de véritables conséquences sur les femmes

Le projet de loi S-210 pourra-t-il empêcher les mineurs d’accéder à de la pornographie ?

Certains diront que les jeunes peuvent contourner ces lois à l’aide de réseaux privés virtuels (VPN). Mais cela ajoute une étape supplémentaire, qui peut devenir un véritable obstacle.

Des solutions existent pour limiter l’usage des VPN. L’Age Verification Providers Association affirme que, si les sites pour adultes étaient tenus d’utiliser des méthodes de géolocalisation aussi rigoureuses que celles du secteur des jeux de hasard en ligne, on pourrait colmater cette faille et renforcer l’application des lois sur la vérification de l’âge.

C’est d’ailleurs déjà le cas dans d’autres domaines : Netflix, par exemple, bloque l’accès aux VPN utilisant des adresses IP communes. D’autres avancent que ces lois sont inutiles, puisqu’il revient aux parents d’installer des filtres sur les appareils.

Il est indéniable que les parents ont un rôle important à jouer. Toutefois, une étude publiée dans Cyberpsychology, Behavior, and Social Networking révèle qu’il faudrait filtrer entre 17 et 77 contacts dans le réseau social d’un enfant pour l’empêcher d’être exposé à la pornographie sur une année. Or, la plupart des appareils ne sont pas équipés de ces filtres et nombreux sont les parents qui ignorent leur existence ou ne savent pas comment les installer.

La grande majorité des Canadiens s’accordent sur un point essentiel : il faut protéger les enfants contre la pornographie. Si les moyens pour y parvenir ne font pas consensus, l’objectif de préserver les jeunes reste largement partagé.

Ce combat ne peut toutefois pas reposer uniquement sur les épaules des parents et des enseignants. Les gouvernements doivent les appuyer. Parmi les mesures concrètes, les lois sur la vérification de l’âge sont un moyen efficace de protéger les enfants de la pornographie et de minimiser les effets négatifs qu’elle peut avoir sur eux.

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Daniel Zekveld
Daniel Zekveld est analyste de politiques publiques à l’Association for Reformed Political Action (ARPA) Canada

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