Dans la foulée du scandale des commandites, la nécessité d’accroître l’obligation de rendre compte était devenue une promesse électorale clé au cours des élections de 2006. La plateforme du Parti conservateur proposait un plan qui, s’il était mis en œuvre, comblerait quelques-unes des lacunes persistantes de la Loi sur l’accès à l’information (LAI) et renforcerait considérablement les dispositions législatives. Ce plan comprenait les mesures suivantes :
- étendre l’application de la LAI aux organisations qui dépensent l’argent des contribuables ou remplissent des fonctions publiques ;
- inclure une obligation de documenter les actes et décisions ;
- refuser la divulgation d’information seulement lorsqu’elle entraîne un préjudice ou un tort ;
- faire passer l’intérêt public avant le secret gouvernemental ;
- donner au commissaire à l’information la capacité d’examiner les documents confidentiels du Cabinet et d’ordonner la divulgation des renseignements ;
- s’assurer que les exigences en matière de divulgation de la LAI ne peuvent être contournées par les dispositions relatives au secret énoncées dans d’autres lois fédérales.
Cependant, une fois élu, le gouvernement de l’époque a adopté une approche en deux étapes. Premièrement, la Loi fédérale sur la responsabilité a modifié la LAI afin d’introduire l’obligation légale pour les institutions de prêter assistance aux demandeurs, d’étendre l’application de la LAI à plusieurs nouvelles institutions et d’intégrer des mesures de protection à l’intention de ces nouvelles institutions.
Deuxièmement, le gouvernement a déposé un document de travail au Parlement dans l’espoir que le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique lancerait une étude exhaustive sur les enjeux et consulterait un large éventail d’intervenants. De nombreux membres du Comité ont exprimé de fortes préoccupations à l’idée d’entreprendre une nouvelle révision de la LAI. Le document de travail n’a jamais été étudié par le Comité.
La Loi fédérale sur la responsabilité a ajouté plusieurs institutions visées par la LAI, notamment sept sociétés d’État, sept agents du Parlement, cinq fondations et d’autres organisations, notamment la Commission canadienne du blé. (Même si la Loi fédérale sur la responsabilité a étendu l’application de la LAI à environ 69 nouvelles institutions, environ 55 d’entre elles étaient des filiales de sociétés d’État.) Comme il n’y avait pas de critère précis pour déterminer les institutions devant être visées par la LAI, cette modification ne s’est pas appliquée à toutes les organisations qui dépensent l’argent des contribuables ou remplissent des fonctions publiques. Par exemple, les organismes administratifs qui appuient le Parlement et les tribunaux n’étaient pas visés.
Dans l’ensemble, ces nouvelles institutions n’ont reçu qu’une petite partie des demandes d’accès à l’échelle du gouvernement. Par exemple, au cours des cinq dernières années, elles ont été visées par moins de 2 % du nombre total de demandes présentées au gouvernement.
Parallèlement, la Loi fédérale sur la responsabilité a également introduit plusieurs exceptions et exclusions propres à certaines institutions, qui ont limité l’incidence de l’étendue de l’application. Bon nombre des institutions devant être visées par la LAI ont fait valoir, à l’époque, qu’elles avaient besoin de mesures de protection supplémentaires qui tiennent compte de leurs caractéristiques particulières. Ces limitations comprenaient de nouvelles exceptions qui étaient, dans la plupart des cas, obligatoires et non limitées dans le temps. Ces nouvelles exceptions et exclusions ne comprenaient aucun critère de préjudice ni aucune disposition de primauté de l’intérêt public. Elles ont cependant créé un mécanisme parallèle à celui qui est déjà prévu dans la LAI et qui s’applique de manière plus générale à toutes les institutions fédérales. Par conséquent, ces ajouts ont augmenté la complexité de la LAI et mené les institutions à appliquer simultanément plusieurs exceptions redondantes concernant la même information. Cela a également entraîné une incertitude juridique dans l’interprétation de ces nouvelles limitations et, de là, une augmentation des plaintes et des litiges.
Par exemple, dans une affaire entre la Canadian Broadcasting Corporation / la Société Radio-Canada (SRC) et la Commissaire à l’information, la Cour d’appel fédérale a confirmé la capacité de la commissaire à examiner les documents qui peuvent être visés par la nouvelle exclusion (article 68.1). Dans ce litige, la SRC a fait valoir que, puisque les documents assujettis à l’article 68.1 étaient exclus de la LAI, la commissaire n’avait pas le droit de les examiner au cours de l’enquête portant sur une plainte.
Dans le rapport spécial 2009-2010 au Parlement, intitulé Le libre accès : une question d’ouverture, nous avons fait état des efforts initiaux de huit nouvelles institutions qui ont relevé le défi de l’assujettissement à la LAI avec divers degrés de réussite. Parmi les nouvelles institutions, la Société Radio-Canada et la Société canadienne des Postes étaient de loin les cibles principales des plaintes déposées au Commissariat à l’information, et elles éprouvaient les plus grandes difficultés à satisfaire aux exigences de la LAI.
Même si l’étendue de l’application de la LAI était un pas dans la bonne direction, la Loi fédérale sur la responsabilité n’a pas tenu ses promesses et n’a pas réglé les problèmes persistants posés par la LAI sur le plan des délais, de la divulgation de l’information et de la surveillance. Par conséquent, elle n’a eu que des effets limités pour ce qui est de la transparence et de la reddition de comptes. Le fait que l’application étendue de la LAI a été contrée par des mesures de protection accrues contre la divulgation a perpétué le déséquilibre de la LAI en faveur du secret gouvernemental. (L’incidence du nouveau mécanisme d’exception et d’exclusion dont les institutions visées par la Loi fédérale sur la responsabilité peuvent se prévaloir se remarque dans les statistiques recueillies par le Secrétariat du Conseil du Trésor depuis 2007-2008. L’information divulguée en totalité par ces institutions est systématiquement inférieure à la moyenne générale à l’échelle du gouvernement.)
En mars 2015, nous avons déposé un rapport spécial au Parlement, qui contient 85 recommandations visant à moderniser la LAI. Celui-ci concluait que la LAI ne vise pas le juste milieu entre le droit du public d’accéder à l’information et la nécessité du gouvernement de protéger certains renseignements précis et limités. Dans le rapport, la commissaire à l’information recommande de moderniser de fond en comble la LAI en prenant les mesures suivantes :
- étendre son champ d’application à tous les organes du gouvernement, y compris les cabinets de ministres et les organismes qui fournissent un soutien administratif au Parlement et aux tribunaux ;
- améliorer les procédures de soumission de demandes d’accès ;
- fixer des délais plus serrés ;
- encourager une divulgation maximale ;
- renforcer la surveillance en adoptant un modèle exécutoire (avec des pouvoirs d’ordonnance) accompagné d’un pouvoir explicite de régler des appels par le biais de la médiation ainsi que d’autres pouvoirs, tels que mener des audits de conformité, des activités de sensibilisation et de la recherche ;
- encourager une divulgation plus proactive de l’information ;
- ajouter les conséquences en cas de non-conformité ;
- assurer l’examen périodique de la LAI.
Le nouveau gouvernement a été élu en octobre dernier sur la foi d’une plateforme d’ouverture et de transparence. Le 31 mars 2016, il a annoncé un processus en deux phases visant à améliorer le régime d’accès à l’information. En premier lieu, le gouvernement déposera un projet de loi visant à remplir les engagements de sa plateforme et à mettre en œuvre d’autres modifications qui seront déterminées au cours d’un processus de consultation. Deuxièmement, le gouvernement procédera à une révision complète de la LAI en 2018. Il est à espérer que l’histoire ne se répétera pas et que le gouvernement procédera à une réforme approfondie de la LAI, qui se fait attendre depuis longtemps. Les Canadiens méritent de pouvoir compter sur un cadre solide qui protège leur droit démocratique d’exiger que le gouvernement leur rende des comptes.
Cet article fait partie du dossier La Loi fédérale sur la responsabilité : 10 ans plus tard.
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