(Cet article a été traduit de l’anglais.)

Le 25 août 2018 marquait le premier « anniversaire » du début de l’une des crises humanitaires qui connaît la plus grande croissance au monde. Il y a un an, dans l’État de Rakhine, au Myanmar, éclataient des actes de violence envers une minorité d’apatrides, les Rohingyas, qui allaient forcer cette population à fuir son pays et à se réfugier au Bangladesh. Plus d’un demi-million de personnes se sont enfuies en l’espace de quelques semaines.

À l’heure actuelle, on estime qu’environ 1,3 million de personnes ont besoin d’une aide humanitaire et connaissent des conditions de vie désastreuses. Plus de la moitié d’entre elles sont des enfants. Même si les efforts humanitaires ont permis d’éviter les pires conséquences de cette tragédie, il reste encore d’énormes défis à affronter : les camps de réfugiés se sont détériorés en raison de la mousson et doivent être renforcés avant la saison des cyclones ; les enfants vulnérables, tout particulièrement les filles, sont devenus la proie des trafiquants et autres agresseurs ; il y a un besoin urgent de faciliter l’accès aux installations sanitaires de base.

Et si nous avions pu prévenir cette crise ? Ne pourrions-nous pas anticiper les crises avant qu’elles ne surviennent ? Ne serait-il pas temps de penser à une stratégie en ce sens ?

Le nombre de réfugiés dans le monde a atteint des proportions inégalées depuis la Seconde Guerre mondiale, et les camps de réfugiés du district de Cox’s Bazar, dans le sud-est du Bangladesh, ne constituent pas des cas isolés. Pourquoi n’avons-nous pas appris de nos erreurs, pour ne pas que l’histoire se répète ? Combien de temps encore allons-nous entendre parler de pareilles tragédies, de souffrances humaines, de guerres, de conflits et d’épuration ethnique ? Trop souvent, les Canadiens doivent se mobiliser pour apporter de l’aide, pourtant l’impression persiste que les plus grands efforts ne suffisent jamais.

C’est grâce au renforcement de la résilience que nous pouvons prêter assistance aux plus vulnérables, y compris les enfants, mais également aux communautés dans leur ensemble. C’est un moyen d’outiller les enfants et leurs familles pour qu’ils soient mieux préparés aux situations de crise, qu’ils puissent faire face à leurs conséquences et qu’ils soient en mesure de se relever plus rapidement. Il s’agit d’une stratégie visant à anticiper et à se préparer, et non pas seulement à réagir après l’éclatement d’une crise.

Nous savons que les cycles intergénérationnels de pauvreté se perpétuent à travers les effets répétés et cumulatifs des crises, qu’elles soient le résultat de conflits, d’événements climatiques, d’épidémies ou de chocs socioéconomiques. Pour nous attaquer aux problèmes liés aux cycles chroniques de vulnérabilité persistante, nous devons nous pencher sur les causes sous-jacentes des inégalités et de la précarité.

Le renforcement de la résilience permet d’arriver à cette fin. L’objectif est de combler le fossé entre le développement et l’aide humanitaire, d’aider les pays à « mieux reconstruire », d’intégrer des facteurs de risque comme les changements climatiques dans les programmes de développement, et de renforcer les systèmes pour leur permettre à la fois de prédire et d’absorber les chocs.

La crise des Rohingyas, comme tant d’autres, nécessite une intervention globale, une solution à long terme qui puisse répondre également aux besoins à court terme. Cela signifie que nous devons obtenir du financement à plus long terme et faire participer au processus décisionnel tant les bénéficiaires de l’aide humanitaire que les communautés d’accueil.

Le moment est décisif. Nous devons rétablir les droits de cette minorité opprimée et en assurer le respect, et aider cette population à améliorer ses conditions de vie. Il revient au Myanmar, au Bangladesh et à la communauté internationale de trouver, ensemble, une solution durable à cette crise. Le Canada a lui aussi un rôle important à jouer.

Le Myanmar devrait en faire davantage pour prévenir la violence, notamment les meurtres d’enfants, sur son territoire. Il devrait fournir une protection aux enfants rohingyas et veiller à ce que tous les enfants de toutes les communautés bénéficient d’un accès égal à une éducation de qualité. Il devrait garantir l’accès sans restriction à l’aide humanitaire pour les Rohingyas qui sont restés dans l’État de Rakhine, et améliorer la condition de toutes les personnes qui ont besoin d’une aide humanitaire et de soutien au développement à long terme dans l’État de Rakhine. Il devrait œuvrer en vue de fermer les camps de personnes déplacées internes d’une manière acceptable pour ces populations, créer des conditions adéquates pour garantir le retour sûr, digne et volontaire des réfugiés rohingyas dans leur ancienne communauté, et prendre des mesures concrètes pour remédier aux violations graves commises à l’encontre des enfants dans l’État de Rakhine. Il devrait également viser à réduire les tensions intercommunautaires et mettre en œuvre les recommandations de la Commission consultative sur l’État de Rakhine.

Finalement, le Myanmar doit démontrer qu’il agit de bonne foi et en solidarité avec la communauté internationale et signer la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie.

Le Bangladesh devrait fournir davantage d’espace pour désengorger les camps de réfugiés, en facilitant l’accès aux services essentiels. Il devrait soutenir l’accès à une éducation multilingue pour tous les enfants dans les camps et prendre des mesures additionnelles pour protéger les filles et les femmes à l’intérieur et à l’extérieur des camps, notamment pour prévenir le trafic d’enfants. Il devrait également voir à la mise en place de programmes enseignant les compétences nécessaires à la vie courante et à l’acquisition de moyens de subsistance pour les adolescents, et assurer l’enregistrement des naissances pour tous les enfants rohingyas nés au pays.

Tous les enfants rohingyas et leurs familles devraient obtenir le statut de réfugiés. Le gouvernement du Bangladesh doit travailler avec la communauté internationale afin d’élaborer une approche plus durable à l’égard de la crise des réfugiés, en s’assurant qu’un soutien est fourni tant aux réfugiés qu’aux communautés d’accueil.

La communauté internationale, incluant le Canada, ne doit pas se détourner de ses obligations. Elle devrait financer en totalité l’assistance humanitaire pour les enfants rohingyas et leurs familles, tant au Bangladesh qu’au Myanmar. Elle devrait investir pour soutenir l’accès à une éducation de qualité pour tous les enfants rohingyas, et appuyer la revendication d’un accès humanitaire au Myanmar. Elle devrait maintenir le cap sur l’assistance offerte aux enfants et familles rohingyas en travaillant avec les gouvernements et la société civile, tant au Bangladesh qu’au Myanmar.

Le Canada a fait preuve de leadership en mettant en place un fonds de secours d’urgence afin de doubler les dons versés par la population canadienne, et en nommant un envoyé spécial afin qu’il émette des recommandations sur ce que nous pouvons faire en tant que pays pour contribuer à mettre fin à cette crise. Le Canada a toujours été un défenseur mondial des enfants, plus récemment en faisant la promotion de l’éducation des filles en situations de crise. Maintenant plus que jamais, ces filles et ces garçons ont besoin que nous agissions et prenions la parole pour les aider.

Répondre aux crises est impératif. Mais il est grand temps que nous commencions à les prévenir aussi.

Photo: Des réfugiées rohingyas manifestent au camp de Kutupalong, dans le district de Cox’s Bazar, au Bangladesh, le 25 août 2018. EPA/MONIRUL ALAM


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David Morley
David Morley is president and CEO of UNICEF Canada.
Jean-Jacques Simon
Jean-Jacques Simon is chief of communications for UNICEF Bangladesh.

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