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Les personnes qui arrivent au Canada pour demander le statut de réfugié doivent se soumettre à une procédure d’audience intrusive et approfondie afin de prouver que leur demande est authentique. Toutefois, une procédure juridique introduite en 2012 signifie qu’une fois leur demande acceptée, leur statut de résident permanent au Canada n’est pas garanti à vie.

Les anciens réfugiés peuvent en effet se voir retirer ce statut et celui de résidents permanent à tout moment et être expulsés vers leur pays d’origine par le biais d’une procédure appelée demande de constat de perte de l’asile, ou « cessation ». Leur vie en est bouleversée, et potentiellement mise en danger.

Bien que le Canada ne soit pas le seul pays où une telle politique existe, la révocation du statut de résident permanent via la cessation représente une dégradation des droits de la personne. Elle force les ex-réfugiés à vivre dans l’incertitude et le refuse les pleins droits des autres résidents permanents. La loi devrait être abrogée.

Les origines de la procédure de cessation

La possibilité d’utiliser la cessation pour révoquer la résidence permanente des réfugiés a été incluse dans la Loi visant à protéger le système d’immigration du Canada, adoptée par le gouvernement conservateur de Stephen Harper en 2012. Elle a été présentée comme un moyen de prévenir la fraude au sein du système d’accueil des réfugiés. En pratique, elle est une menace constante qui plane sur le statut de résident permanent de tous les anciens réfugiés qui ont présenté des demandes d’asile authentiques et non frauduleuses.

La procédure de cessation peut être déclenchée à tout moment pour trois motifs : si un réfugié ayant obtenu le statut de résident permanent retourne dans son pays d’origine – même pour s’occuper d’un membre de sa famille malade ou mourant; s’il demande un passeport de son pays d’origine; ou s’il utilise un passeport de son pays d’origine pour se rendre dans un pays tiers. Elle peut être invoquée plusieurs années après l’obtention du statut de réfugié.

La cessation vise donc spécifiquement les demandeurs d’asile qui sont installés au Canada depuis longtemps, malgré le fait que leurs demandes ont déjà été examinées pour une éventuelle fraude, et jugées valides par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) du Canada, un tribunal administratif indépendant chargé de statuer sur les demandes d’asile.

Contourner le système d’asile canadien

Le système canadien d’évaluation des demandes d’asile est connu dans le monde entier pour son équité et son efficacité. Une grande partie de cette équité réside dans l’utilisation d’un test du besoin de protection limitée dans le temps, au moment où une décision sur une demande d’asile est rendue.

Cela signifie que les demandeurs ne sont pas tenus de démontrer qu’ils seront toujours en danger s’ils retournent dans leur pays d’origine, mais seulement qu’ils seraient en danger au moment de l’audition de leur demande pour le statut de réfugié.

Un élément essentiel du succès du système canadien est le fait qu’il offre aux demandeurs un statut de résident permanent durable et à long terme. Il leur permet de s’installer, de s’intégrer et de poursuivre leur vie en tant que membres de la société canadienne.

La révocation du statut de résident permanent par le biais de la cessation infirme les décisions de la CISR et contrevient à la logique qui sous-tend le système canadien d’octroi de l’asile. En supprimant potentiellement leur statut de résident permanent, les anciens demandeurs d’asile risquent d’être expulsés et arrachés à leur vie, leur carrière et leurs réseaux de soutien.

Les résidents permanents dans l’incertitude

Le bon sens et un principe de droit appelé « droit de séjour » veulent que le fait de résider durablement dans un lieu géographique donne à une personne le « droit » d’y demeurer comme résident.

L’existence même de la procédure de cessation prolonge la durée de l’examen initial du statut de réfugié. Concrètement, ceux-ci doivent pouvoir constamment prouver qu’ils continuent d’être en danger dans leur pays d’origine afin de conserver leur statut au Canada.

Ce processus ne tient pas compte de leur véritable demande pour un statut définitif, et il les force à demeurer dans une sorte de purgatoire. En forçant les ex-réfugiés à maintenir leur statut de personne menacée, on les prive de la liberté de passer à autre chose, d’aller de l’avant avec leur vie et d’oublier leur statut de victime.

Les anciens réfugiés devenus résidents permanents sont ainsi privés des droits fondamentaux de tous les autres résidents permanents de ce pays. Ils subissent l’indignité de ne pas pouvoir se rendre dans leur pays d’origine, alors que tous les autres résidents permanents ne sont soumis à aucune restriction de voyage.

Le recours accru à cette politique, comme le montre la figure ci-dessus, est en contradiction directe avec les messages favorables à l’immigration et aux nouveaux arrivants de l’actuel gouvernement libéral. Il nuit à la position du Canada sur la scène internationale. Il n’est pas bon pour la société canadienne. Et il est dévastateur et débilitant pour les anciens réfugiés.

Si les anciens réfugiés devenus résidents permanents le sont réellement, le gouvernement libéral doit mettre en œuvre une politique des réfugiés qui le reflète, et abolir les dispositions qui permettent d’invoquer la procédure de cessation.

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Lucas Driediger
Lucas Driediger a travaillé en première ligne pour l’installation de nouveaux arrivants. Il étudie à la maîtrise en politique publique et en administration publique à l’Université Concordia.

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