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La demande d’électricité continue d’augmenter à mesure que les pays passent à une économie électrifiée. Pour garantir un approvisionnement adéquat et fiable pendant les heures de pointe, les gouvernements doivent décider quelles technologies énergétiques doivent être développées en priorité, afin de faciliter cette transition. 

L’énergie nucléaire est certainement à considérer, mais elle n’est pas la meilleure option. Remettre en état des réacteurs vieillissants et investir dans des technologies nucléaires qui n’ont pas fait leurs preuves, comme les petits réacteurs modulaires (PRM), reviendrait à gaspiller de l’argent qui pourrait être investi dans des solutions d’énergie renouvelable. Toute les preuves pointent dans cette direction. 

Une production en baisse, et non rentable 

Selon le World Nuclear Industry Status Report 2022 (disponible en version française ici), la part de l’énergie nucléaire dans la production mondiale d’électricité en 2021 était de 9,8 %. Il s’agit du niveau le plus bas en quarante ans, et nettement sous le pic de 17,5 %, atteint en 1996.  

L’énergie nucléaire est maintenant dépassée par les énergies renouvelables autres que l’hydroélectricité. La part de l’éolien, du solaire et des autres énergies vertes dans la production mondiale d’électricité a atteint 12,8 % en 2021. 

Entre 2009 et 2021, les coûts de l’énergie solaire à grande échelle ont chuté de 90 %, tandis que les coûts de l’énergie éolienne ont baissé de 72 %. En revanche, les coûts de l’énergie nucléaire ont augmenté de 36 %. Le coût de l’électricité produite par le solaire et l’éolien terrestre est compris entre 2,4 et 9,6 cents américains par kilowattheure (¢/kWh), tandis que le coût de l’électricité d’origine nucléaire est estimé entre 14 et 22 ¢/kWh. Ce n’est même pas proche. 

En 2021, l’investissement total dans les capacités de production d’électricité à partir de sources renouvelables autres que l’hydroélectricité a atteint un sommet de 366 milliards $, soit 15 fois l’investissement dans les centrales nucléaires (24 milliards $). Les investissements dans le solaire et l’éolien étaient respectivement 8,5 fois et 6 fois supérieurs à ceux dans le nucléaire. 

La moissonneuse-batteuse traverse le milieu d’un champ doré où la poussière s’élève du sol. Des dizaines de hautes turbines blanches parsèment le paysage. Le ciel est bleu foncé, sans nuages. Le paysage est légèrement surréaliste.
Une récolte de blé est effectuée par une moissonneuse-batteuse près de Carmangay, Alberta, en septembre 2020. Des éoliennes sont visibles à l’arrière-plan. PHOTO LA PRESSE CANADIENNE/Larry MacDougal

À l’échelle planétaire, le coût de l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables est désormais nettement inférieur non seulement à celui du nucléaire, mais aussi à celui du gaz. Selon une analyse de Bloomberg New Energy Finance, l’éolien et le solaire sont désormais les formes d’électricité les moins coûteuses dans la plupart des pays, y compris le Canada. Bloomberg prévoit que d’ici cinq ans, il coûtera plus cher d’exploiter les centrales au charbon ou au gaz fossile existantes que de construire de nouveaux parcs solaires ou éoliens. 

Sans surprise, ce sont les parcs éoliens et les grandes installations solaires qui sont construits en nombre record. En 2021, la capacité éolienne a augmenté de 92 GW, et celle du solaire de 138 GW. En comparaison, la capacité nucléaire en exploitation a diminué de 0,4 GW.  

En plus du coût de production – qui rend les centrales non rentables et fait d’elles un mauvais choix pour les compagnies d’électricité –, le nucléaire présente un autre problème majeur : les centrales prennent des années à construire et encore plus de temps pour les démonter. Le déclassement du réacteur Gentilly-2 au Québec, arrêté en décembre 2012, devrait prendre entre 40 et 50 ans. 

Plus petits, mais plus complexes 

La promotion des petits réacteurs modulaires au Canada a commencé en 2017, lorsqu’Ottawa a financé l’Association nucléaire canadienne pour « identifier les opportunités » pour ces réacteurs au pays. 

Comme on le lui a demandé, l’organisme a produit un document qui mettait de l’avant tous les avantages supposés des PRM, et présenté la technologie comme une « source d’énergie sécuritaire, propre, abordable ». 

Depuis, le gouvernement fédéral a accordé plusieurs millions de dollars à Terrestrial Energy et Moltex Energy Canada, deux entreprises impliquées dans la conception de réacteurs à sels fondus, ainsi qu’un financement supplémentaire à Westinghouse afin de soutenir un autre concept.  

Énergie NB, la société d’État qui produit l’électricité au Nouveau-Brunswick, a annoncé qu’elle travaillait avec Moltex et une entreprise appelée ARC Resources pour faire progresser leurs technologies en vue de les déployer dans la province. On privilégie deux types de réacteurs – les réacteurs à sels fondus et les réacteurs rapides refroidis au sodium – qui présentent des problèmes bien documentés.  

Les réacteurs à sels fondus présentent des difficultés techniques, tandis que les réacteurs rapides refroidis au sodium n’ont jamais été commercialement viables. L’utilisation de sodium fondu (un matériau très difficile à manipuler) signifie qu’ils sont sujets à des fuites et à des arrêts

Ontario Power Generation (OPG) et SaskPower, eux, ont jeté leur dévolu sur le BWRX-300 de GE Hitachi Nuclear Energy. OPG vise une mise en service sur le site CANDU de Darlington d’ici 2028. La conception du réacteur a été modifiée neuf fois avant d’obtenir l’approbation de la Nuclear Regulatory Commission, aux États-Unis. Au Canada, le réacteur fait actuellement l’objet d’une demande d’autorisation. Lorsqu’il entrera en service, il s’agira du premier SMR commercial en Amérique du Nord.

Les PRM entraîneront certainement des dépassements de coûts substantiels et des retards de plusieurs années, comme ce fut le cas pour les réacteurs de plus grande taille qui sont en service dans 32 pays. C’est la nature même de la technologie nucléaire, et c’est encore plus probable avec des réacteurs dont la conception est nouvelle ou substantiellement révisée. 

…Et plus coûteux, aussi 

La feuille de route du Canada sur les PRM soutient qu’ils « offrent de nombreux avantages comparativement aux grandes centrales nucléaires, par exemple des coûts d’investissements moindres, une modularité des réacteurs, l’économie des multiples (sic), des modèles simplifiés, et des échéanciers de construction plus courts.  ». 

Cette affirmation est trompeuse. C’est le coût de l’électricité produite par les PRM qui compte, et il est certain qu’il sera plus élevé.  

L’industrie elle-même l’a reconnu : le coût de l’électricité produite par les premiers PRM sera probablement deux fois plus élevé que celle produite par des réacteurs de grande taille. Et le nucléaire est déjà quatre fois plus cher que le solaire ou l’éolien…  

La production d’électricité provenant de ces deux sources s’améliore. Le stockage, indispensable, aussi. En 2019, au moins six pays produisaient la totalité de leur électricité à partir d’énergies renouvelables, tandis que 32 autres produisaient au moins 90 % de leur électricité à partir de sources d’énergie renouvelable. Au cours des six premiers mois de 2019, l’Écosse a produit tellement d’électricité d’origine éolienne qu’elle aurait pu alimenter le pays deux fois! 

Plus d’excuses 

L’ampleur des terres requises pour le solaire ou l’éolien ont servi d’excuse pour ne pas financer les énergies renouvelables. Mais le soulèvement des panneaux solaires et la culture de plantes en dessous sont prometteuses. Et les parcs éoliens en mer n’ont pas de limites. 

En somme, l’énergie nucléaire ne devrait pas faire partie de l’avenir énergétique du Canada. Investir dans le nucléaire tout en ignorant les énergies renouvelables est un gaspillage des fonds fédéraux et provinciaux, qu’il s’agisse de remettre à neuf les réacteurs CANDU vieillissants ou d’investir des millions dans une technologie dont la rentabilité est douteuse. 

Le Canada présente un très grand potentiel en matière d’énergie renouvelable, en particulier pour l’énergie éolienne sur terre et en mer. On doit cesser de l’ignorer. 

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Martin Bush
Martin Bush, PhD, est un professeur d'ingénierie à la retraite et un gestionnaire de projets internationaux qui possède une vaste expérience des changements climatiques, de la gestion des ressources naturelles et des énergies renouvelables. Il est l'auteur de deux ouvrages sur les changements climatiques.

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