L’accès à un logement abordable et sécuritaire pour toutes et tous est un droit fondamental destiné, au premier chef, aux personnes comptant parmi les plus vulnérables de nos communautés. Or, depuis quelques années, de plus en plus de gens appartenant à la classe moyenne éprouvent de sérieuses difficultés d’accès au logement et à la propriété. Comment en est-on arrivé là ? Et que faire pour enrayer ce fléau ?

La pandémie de COVID-19 a mis en lumière une situation que les décideurs politiques sous-estiment depuis plusieurs décennies. La crise du logement, qui affligeait historiquement les Montréalais, s’est répandue dans toutes les régions. On considère généralement qu’un taux d’inoccupation de 3 % constitue un seuil d’équilibre assurant la disponibilité de logements abordables. Or, presque toutes les régions du Québec se retrouvent sous ce seuil sous l’effet combiné de la hausse vertigineuse des loyers, du phénomène des « rénovictions » et de la généralisation du télétravail, lequel a contribué à la migration des ménages du centre vers la périphérie partout au Québec.

Malheureusement, le gouvernement du Québec ne semble pas saisir l’urgence qui afflige les populations vulnérables qui incluent aussi bien les femmes en situation précaire, les personnes âgées, les personnes handicapées, les familles, les personnes immigrantes et tant d’autres qui ont besoin d’un logement social abordable, de qualité et sécuritaire.

Au Québec, le logement social – habitations à loyer modique (HLM), coopératives et OSBL d’habitation – représentait 11,7 % des 1 362 000 logements locatifs en 2016. Aucune étude n’établit la proportion idéale, mais l’état de la situation suggère qu’il en faudrait sans doute près du double pour répondre à la demande des ménages et garantir un bon niveau d’abordabilité et d’accessibilité. Or, depuis des lustres, les gouvernements obsédés par la « création de valeur » et la richesse foncière pratiquent le laisser-faire plutôt que d’intervenir de manière systématique et résolue.

La pandémie actuelle, avec ses mesures sévères de confinement, a surligné l’importance que tout le monde ait un toit et puisse vivre dans un endroit sûr et abordable. C’est loin d’être le cas actuellement : les listes d’attente pour le logement social débordent, les coûts des loyers explosent et de plus en plus de ménages peinent à trouver un logement répondant à leurs besoins. Bien des organismes ont investi des années d’énergie pour développer de nouveaux projets bien structurés et bien gérés.

L’ensemble du secteur de l’habitation à but non lucratif, les municipalités et des organisations préoccupées par la relance économique post-pandémie estiment les besoins à 5 000 nouveaux logements par année. Or, sans chiffrer les besoins, le gouvernement prévoit seulement 500 nouveaux logements sociaux lors des 5 prochaines années. D’ici 2022-2023, le dernier budget du gouvernement du Québec ne prévoit que 2,5 millions de dollars pour de nouveaux projets de logements qui n’étaient pas prévus, soit l’équivalent de 18 unités pour l’ensemble du Québec !

Le dernier budget confirme aussi l’abandon de la promesse maintes fois répétée par la CAQ de livrer 12 000 nouveaux logements sociaux et abordables qui auraient permis de livrer les 15 000 initialement promis par les précédents gouvernements, mais jamais construits faute de fonds. Le ministre Éric Girard aura finalement décidé de débloquer les sommes pour accélérer la livraison dans les prochaines années d’un peu plus de 40 % de ces logements déjà programmés, soit près de 5 000. Qu’arrivera-t-il du reste de ce qui avait été annoncé ? Une multitude d’élus, dont les maires de Montréal, Québec et Gatineau, ont fait savoir à maintes reprises le manque criant de logements sociaux.

Deux sources d’espoir subsistent encore. D’abord, le gouvernement du Québec a récemment confirmé le maintien du programme AccèsLogis, responsable de l’investissement public en matière de développement du logement social. Certes imparfait, il demeure essentiel pour répondre à la demande criante dans les différentes régions du Québec. Et il faut reconnaître que le secteur communautaire de toutes les autres provinces au Canada envie aux Québécois ce programme unique. Ensuite, la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, a tenu des consultations qui doivent aboutir à l’adoption d’un nouveau plan d’action gouvernemental en habitation en 2022.

Des solutions éprouvées

L’un des buts du logement social vise à assurer une plus grande abordabilité des logements, à hauteur de 30 % du revenu disponible. Il existe trois solutions éprouvées : les HLM, les coopératives et les OSBL d’habitation, qui s’adressent à des clientèles très différentes.

Sur les 160 000 logements sociaux et communautaires, environ 41 % sont des HLM de propriété publique. Les HLM ont l’avantage de loyers très abordables, mais l’inconvénient d’une structure administrative lourde, puisqu’ils sont propriété des municipalités sous la gestion des Offices d’habitation.

Les coopératives d’habitation, moins nombreuses (30 000 unités), ont l’avantage d’être la propriété commune de leurs membres coopérants, mais il s’agit de corporations privées dont le niveau de vocation sociale dépend des membres.

Les organismes sans but lucratif d’habitation (OSBL-H), qui représentent le tiers du logement social, sont moins connus même s’ils sont largement répandus sur tout le territoire québécois.

Un OSBL-H est un organisme d’action communautaire autonome qui a pour mission d’offrir du logement abordable de qualité et sécuritaire à des personnes à faible revenu, fragilisées et exclues.

Comme les coopératives, ils sont de nature privée. Mais contrairement aux coopératives, l’OSBL qui les crée agit comme requérant et comme promoteur, et demeure un joueur important dans sa gestion et sur son conseil d’administration, ce qui contribue à maintenir en place sa vocation d’origine. Par exemple, un organisme d’aide aux non-voyants pourrait agir comme promoteur pour un OSBL-H destiné à cette clientèle, mais l’organisme continuerait d’être représenté au conseil d’administration, voire comme copropriétaire, alors qu’une coopérative ne regroupe que les individus propriétaires.

Les OSBL d’habitation sont caractérisés par un mode de gestion démocratique, c’est-à-dire qu’ils offrent aux locataires une place dans la gestion de l’organisation, en leur réservant des sièges au conseil d’administration, et en leur assurant un droit de vote aux assemblées générales, entre autres.

Les OSBL-H, comme les HLM et les coopératives, contribuent à l’équilibre du marché locatif. Ces modes de propriété collective ne sont pas soumis aux aléas de la spéculation. Les OSBL-H, en particulier, ont une mission sociale appuyée puisqu’ils ne poursuivent aucune finalité de profit. Par ailleurs, contrairement à ce qu’en disent certains détracteurs qui défendent une approche strictement privée du développement immobilier, il ne s’agit nullement d’un type de bâti « bas de gamme ». Les OSBL-H, comme tous les autres types de logements sociaux, se conforment à normes de construction et d’entretien exigeantes. Ils contribuent ainsi à l’amélioration de l’ensemble du parc immobilier en répondant aux besoins d’une clientèle à laquelle le secteur privé répond plutôt mal.

Mais leur contribution au mieux-être collectif serait encore plus forte si les pouvoirs publics réduisaient les entraves, trop nombreuses, à leur développement. L’ensemble du milieu du logement social est catastrophé par le degré d’inaction et d’insensibilité du gouvernement sur cette question. Espérons que les réactions de vive déception et d’indignation émises autant par le milieu de l’habitation sociale et communautaire et que par plusieurs maires connectés à la réalité de leur ville convaincront nos gouvernements d’agir en faveur du droit au logement social.

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Chantal Desfossés
Chantal Desfossés est directrice générale du Réseau québécois des OSBL d’habitation depuis 2019. Elle était auparavant à la tête d’un organisme communautaire dédié au soutien des familles vivant en milieux HLM. Elle a également travaillé durant 15 ans au sein du réseau de la santé et des services sociaux.

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