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Les Canadiens devraient être reconnaissants envers Donald Trump. Ses élucubrations sur l’idée que le Canada devienne le 51e État ravivent notre sentiment d’appartenance et de fierté envers notre identité canadienne, et nous rappellent pourquoi nous souhaitons la conserver.

Cela dit, il est utile de réfléchir aux étapes juridiques et aux implications politiques d’une éventuelle adhésion du Canada aux États-Unis.

Le Canada étant une monarchie constitutionnelle, il devrait devenir une république pour rejoindre les États-Unis. Bien que cela ne soit pas impossible, ce ne serait pas facile. Modifier la Constitution canadienne nécessite le consentement unanime des provinces. À quand remonte la dernière fois où les dix provinces se sont entendues sur un même sujet ?

Qu’en est-il des Premières Nations ?

Il existe 634 gouvernements des Premières Nations, chacun ayant sa propre relation avec le Canada ou la Couronne. L’un des mandats du ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord est de reconnaître et de mettre en œuvre « les traités conclus entre la Couronne et les peuples autochtones ».

Il est difficile d’imaginer que les peuples autochtones renoncent à leurs droits issus des traités. De même, il est peu probable que les États-Unis négocient de nouveaux traités avec 634 Premières Nations.

De son côté, le Québec ne voudrait jamais renoncer à l’autonomie qu’il détient en tant que province. Même si un accord était trouvé avec les autres provinces, ce qui semble peu probable, les Québécois seraient probablement plus enclins à se séparer du Canada qu’à rejoindre les États-Unis. Et qui pourrait leur en vouloir ?

Bien sûr, cela suppose que les législateurs américains, et surtout ceux du Parti républicain, soient favorables à l’idée d’un 51e État. Ce n’est pas le cas, et ce, pour les mêmes raisons qu’ils s’opposent à l’admission de Porto Rico et du district fédéral de Washington.

Chaque État dispose de deux sénateurs. Il est fort probable que les deux sénateurs canadiens seraient démocrates, ou issus d’un autre parti allié des Démocrates. Le Parti républicain ne voudrait pas risquer de devenir une minorité dans un Sénat aussi divisé.

Lorsque Hawaï est devenu le 50e État, en 1959, il y a eu de nombreux débats, notamment dans le « Jim Crow South » – le Sud des États-Unis sous le régime de la ségrégation. Le sénateur du Mississippi, Jim Crow, affirmait que l’admission d’Hawaï signifierait « deux voix pour la médecine socialisée, deux voix pour la nationalisation de l’industrie, deux voix contre toute ségrégation raciale et deux voix contre le Sud sur toutes les questions sociales ».

Le Canada : un désert potentiel pour les républicains

Les sénateurs républicains ont des arguments similaires contre l’annexion du Canada : deux voix pour les soins de santé universels, deux voix pour les droits à l’avortement, deux voix pour les droits de la communauté LGBTQ+, deux voix pour le multiculturalisme, deux voix pour la science, deux voix pour les vaccins, deux voix pour les politiques climatiques, et deux voix contre les réductions d’impôts pour les riches.

Chaque État a aussi des représentants à la Chambre des représentants, en fonction de sa population. Le Canada serait l’État le plus peuplé des États-Unis, avec environ 55 sièges sur un total de 490. Même sans le Québec, le Canada resterait le deuxième État le plus peuplé, avec 45 sièges.

Tous les représentants canadiens ne seraient pas démocrates, mais la majorité le serait, ce qui donnerait au Parti démocrate le contrôle de la Chambre des représentants.

Enfin, à la Maison-Blanche, croit-on vraiment que les Canadiens voteraient pour le Parti républicain dans sa forme actuelle ? Certains le feraient, mais la majorité non. Lors de la dernière élection fédérale, environ 60 % des Canadiens ont voté pour les Libéraux, le NPD, le Bloc québécois ou le Parti vert – tous des partis centristes ou de centre-gauche. Même si le Québec se séparait, la plupart des électeurs canadiens pencheraient encore vers ces orientations politiques.

Dans l’élection présidentielle américaine, où le principe du « tout ou rien » s’applique, les quelque 50 voix canadiennes au Collège électoral iraient au candidat démocrate. Bien que cela ne suffise pas à garantir une victoire démocrate, cela suffirait à réduire de manière permanente le chemin du Parti républicain vers la victoire.

Si le Canada devait rejoindre les États-Unis, ce ne serait pas en tant qu’État, mais en tant que territoire occupé. Et les occupations ne se terminent jamais bien pour l’occupant, ce que les Américains ont compris après 20 ans d’occupation en Afghanistan et en Irak.

Les Canadiens ne veulent pas devenir le 51e État, et de toute façon, les Américains non plus. Voilà qui nous laisse avec Donald Trump, un troll ayant un large public sur les réseaux sociaux, qui cherche à provoquer les libéraux et à nous faire sortir de nos gonds.

Mon conseil ? L’ignorer et continuer de travailler pour la paix, l’ordre, l’efficacité du gouvernement et la gestion des retombées économiques des tarifs.

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Donald Wright
Donald Wright est professeur de sciences politiques à l'Université du Nouveau-Brunswick, à Fredericton, et président de la Société historique du Canada.

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