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Le tourisme de naissance est remonté à des niveaux pré-pandémiques après avoir chuté de moitié en raison des restrictions liées à la Covid 19. Aux États-Unis, Donald Trump a entrepris d’abroger le droit à la « citoyenneté de naissance ». L’impact de son geste reste à voir. Mais le tourisme de naissance est un enjeu que le prochain gouvernement fédéral devra peut-être réexaminer.
En 2024, le nombre de naissances attribuées au tourisme de naissance dans toutes les provinces s’élèvera à 5 219, selon les estimations annuelles. C’est plus du double de la moyenne annuelle enregistrée pendant la pandémie. Le tourisme de naissance garantit la citoyenneté aux enfants nés de non-résidents qui se rendent dans un pays spécifiquement pour y accoucher. Les estimations sont basées sur le nombre d’accouchements en milieu hospitalier pour lesquels les services ont été facturés dans la catégorie de responsabilité de paiement « Paiement par une résidente d’un autre pays ».
La part de l’Ontario est restée relativement constante au fil des ans, avec une moyenne de 53 %. En revanche, la part des autres grandes provinces a varié de manière significative : le Québec, entre 20 et 33 %, la Colombie-Britannique, entre 5 et 15 %, et l’Alberta, entre 4 et 8 %.
Parallèlement, une baisse similaire des visas de visiteur et de touristes de naissance a été observée aux États-Unis, bien qu’il n’existe pas de données ou d’articles récents sur la période post-pandémique. Toutefois, depuis janvier 2020, les États-Unis ne délivrent plus de visas « pour le tourisme de naissance (voyage dans le but principal de donner naissance aux États-Unis afin d’obtenir la citoyenneté américaine pour leur enfant) ».
D’autres restrictions sont possibles si Donald Trump tient sa promesse de longue date de mettre fin à la citoyenneté de naissance, bien que le décret à ce sujet soit déjà contesté devant les tribunaux.
La catégorie de responsabilité de paiement « Paiement par une résidente d’un autre pays » utilisée dans cette analyse est plus large que celle des femmes qui arrivent avec un visa de visiteur, car elle inclut les étudiantes internationales, dont environ la moitié sont couverts par les régimes de santé provinciaux, et d’autres résidentes temporaires. Les réductions récemment annoncées du nombre d’étudiants étrangers et de travailleurs temporaires fourniront un autre éclairage en permettant de comparer les baisses dans ces groupes avec une augmentation ou une diminution globale en 2024-2025.
Les visas de visiteur pour les ressortissants chinois, l’un des principaux groupes, ont diminué de 30 % au cours de la même période. Les restrictions imposées par le gouvernement chinois en matière de voyages ont probablement joué un rôle important. Les visas pour les citoyens d’autres pays qui ont fait l’objet d’études ou de cas anecdotiques ont augmenté de manière substantielle. Ce fut le cas pour le Nigeria (343 %) et l’Inde (97 %).
Dans l’ensemble, on estime qu’environ 50 % des naissances chez les non-résidents sont le fait du tourisme de naissance. Alors que le pourcentage de naissances de non-résidents était passé de 1,6 % du total des naissances en 2019-2020 à 0,7 % en 2020-22, il est remonté à 1,5 % en 2023-2024. L’augmentation du nombre de visas de visiteur explique en partie pourquoi le total a plus que doublé en 2023, passant de 0,5 % en 2021 à 1,2 % en 2023. Toutefois, ce chiffre reste nettement inférieur au pic de 1,7 % des immigrants atteint en 2019
Le nombre de visas de visiteurs délivrés a augmenté de près de 900 % par rapport à 2020-2021, au plus fort de la pandémie. Il a augmenté de 71 % par rapport à 2019-2020, avant la pandémie.
L’impact de la Covid sur les hôpitaux au cours des cinq dernières années est révélateur lorsqu’on le compare aux chiffres d’avant la pandémie dans les dix hôpitaux canadiens où le pourcentage de naissances chez les non-résidents est le plus élevé. Alors que le pourcentage de naissances de non-résidents a augmenté dans tous les hôpitaux à partir de l’année pandémique 2020-2021, seuls trois hôpitaux de l’Ontario ont enregistré une augmentation par rapport à l’année prépandémique 2019-2020.
Les données fournies par l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) ne permettent pas de savoir exactement d’où viennent les personnes qui sont des touristes de naissance. Cependant, dans les circonscriptions où se trouvent les hôpitaux, la présence de services susceptibles de soutenir le tourisme de naissance peut donner des indices.
C’était le cas à Richmond-Centre et cela semble être le cas dans à Calgary, selon une étude récente.
La Société des obstétriciens et gynécologues du Canada a déclaré en 2023 que le tourisme de naissance méritait d’être analysé plus en profondeur, mais elle a reconnu dans une première étude que « l’absence de données cohérentes à l’échelle nationale a entravé la capacité de dresser un tableau complet à l’aide d’une analyse fondée sur des données probantes ».
Il faudrait davantage d’études à l’échelle des hôpitaux, comme celle réalisée à Calgary pour la période 2019-2020, en particulier dans les établissements qui enregistrent plus de 5 % de naissances de non-résidents. En outre, corréler les données d’immigration avec celles de la santé permettrait de distinguer les étudiants internationaux et les travailleurs temporaires du nombre total de naissances non-résidentes payées pour ne conserver que celles des personnes titulaires d’un visa de visiteur.
Le décret de Donald Trump soulèvera probablement des discussions et débats au Canada, ce qui pourrait pousser le prochain gouvernement canadien à évaluer la nécessité d’imposer de nouvelles barrières au tourisme de naissance, ce que les Conservateurs avaient promis en 2012. Aujourd’hui, le gouvernement peut se faire une idée plus précise de la situation en reliant les données relatives à la santé et à l’immigration, ce qui contraste avec l’analyse reposant seulement sur des cas anecdotiques réalisée il y a plus de dix ans.
Pour les questions de citoyenneté, les États-Unis disposent du 14e amendement, alors que le Canada ne dispose pas d’un tel cadre juridique. Compte tenu de la complexité de la question, la Loi sur la citoyenneté pourrait s’inspirer de l’approche australienne, selon laquelle les nouveau-nés ne peuvent recevoir automatiquement la citoyenneté ou le statut de résident permanent que si au moins un des deux parents possède déjà ce statut.