(Cet article a été traduit de l’anglais.)
Historiquement, la communauté de la sécurité nationale canadienne n’a jamais fait preuve d’une grande transparence. Bien entendu, certains renseignements détenus par les institutions responsables de la sécurité nationale doivent demeurer classifiés. En même temps, la transparence est essentielle à la santé d’une démocratie. En effet, des organismes comme le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), la Gendarmerie royale du Canada (GRC), le Centre de la sécurité des télécommunications (CST) et l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) doivent être perçus comme légitimes par les membres de la société qu’ils cherchent à protéger.
La transparence permet également de s’assurer que les professionnels de la sécurité nationale sont tenus de rendre des comptes en cas de transgression des règles. Lorsque les agences de sécurité sont trop secrètes, il est plus difficile pour les citoyens de leur faire confiance, et cela alimente une dynamique de suspicion.
Afin de mettre en œuvre son engagement de transparence, dans le cadre d’une série de vastes réformes de l’architecture de la sécurité nationale et du renseignement, le gouvernement du Canada a créé en 2019 le Groupe consultatif sur la transparence de la sécurité nationale (GCT‑SN). Le GCT‑SN, composé de 11 membres issus du milieu universitaire et de la société civile ainsi que de fonctionnaires à la retraite, est un groupe consultatif externe qui conseille le sous‑ministre de la Sécurité publique (et d’autres ministères et organismes de sécurité nationale) sur la façon d’améliorer la transparence dans ce domaine. Le GCT‑SN vise également à accroître la sensibilisation et la mobilisation de la population et à rendre plus accessibles les renseignements relatifs à la sécurité nationale.
À titre de coprésidents du Groupe, nous avons passé notre première année de travail à nous entretenir avec des responsables de la sécurité nationale ainsi qu’avec de nombreux intervenants de la société civile. Le résultat de ces entretiens, soit le premier rapport du GCT-SN qui a été récemment publié, donne un aperçu de l’état actuel de la transparence et met en évidence les domaines dans lesquels il est nécessaire d’apporter d’importantes améliorations.
- La communauté de la sécurité nationale a pour premier réflexe de garder les renseignements aussi secrets que possible. Ce manque de transparence peut avoir des conséquences involontaires, car il est plus probable que le déficit de renseignements soit comblé par de la désinformation ou alimente la suspicion au sein de la population.
- À mesure que les réformes numériques et ouvertes du gouvernement se sont appliquées ces dernières années, les avantages associés à un échange accru de l’information au sein et en dehors du gouvernement ont été de plus en plus reconnus. Cependant, malgré les améliorations observées récemment, il reste encore beaucoup à faire. Les changements doivent venir du sommet ― les dirigeants peuvent et doivent être plus ouverts et plus transparents ― et de la base, notamment par l’offre de meilleures formations et l’intensification des efforts de sensibilisation.
- Le secret entourant les mécanismes de surveillance de la sécurité nationale et les procédures judiciaires est un autre domaine dans lequel une transparence accrue est cruciale pour gagner la confiance de la population. Le principe de la publicité des débats a des limites dans les procédures judiciaires pénales et civiles ordinaires, et la même règle s’applique pour les procédures relatives à la sécurité nationale, néanmoins, une meilleure transparence dans ce domaine contribuerait aussi à réduire le manque de confiance.
- Les difficultés rencontrées dans le domaine de la gestion de l’information entravent également les efforts visant à améliorer la transparence. Le Canada n’a pas de stratégie globale de déclassification, ce qui nuit considérablement à la diffusion des anciens documents classifiés. Le processus d’accès à l’information est largement critiqué pour sa lenteur, et les documents ne sont généralement publiés qu’après avoir été excessivement caviardés.
- Alors que les gouvernements recueillent et traitent des données provenant d’un éventail de plus en plus large de sources, nombreux sont ceux qui s’inquiètent des risques que cela entraîne pour la protection de la vie privée. Les agences de sécurité nationale devraient donc également être plus transparentes quant à la manière dont elles accèdent à des données portant sur l’identité et les actions des citoyens et à la manière dont elles échangent et analysent ces données.
- Les agences de sécurité nationale doivent mieux reconnaître l’existence d’un racisme systémique et de préjugés inconscients en leur sein. Si elles ne reconnaissent pas qu’elles entretiennent ces préjugés et n’y remédient pas, elles risquent de ne pas détecter certaines menaces et de ne pas y donner suite. De nombreux membres des communautés autochtones, noires, racialisées, marginalisées et d’autres minorités se méfient des agences de sécurité nationale, et leurs interactions avec ces organismes gouvernementaux exacerbent souvent ces tensions.
Ces travaux étant terminés, le GCT‑SN cherchera à produire deux autres rapports au cours de sa deuxième année. Le prochain rapport portera sur la mesure et l’institutionnalisation de la transparence. En effet, pour améliorer la transparence, il est essentiel de comprendre ce qu’elle est, comment la mesurer et comment évaluer les progrès réalisés dans ce domaine.
En outre, pour qu’une transparence accrue soit durable, elle doit être institutionnalisée. Les nouvelles structures et les nouveaux processus doivent « ancrer » la transparence dans le travail quotidien de la communauté de sécurité nationale. Le rapport suivant, qui sera publié plus tard en 2021, étudiera les relations entre les agences de sécurité nationale et les communautés racialisées et autres minorités. Pour ce faire, le GCT-SN s’adressera à des personnes et à des organisations de diverses communautés ainsi qu’aux agences elles‑mêmes.