Le 150e anniversaire du Canada est l’occasion pour nous tous de réfléchir. Quelles leçons pouvons-nous tirer du passé ? Que pouvons-nous améliorer ?
L’économie canadienne a le potentiel de figurer parmi les plus prospères au monde, tout en prouvant que la croissance et la réduction des inégalités vont de pair. Partout dans le monde, on s’intéresse de plus en plus à l’expérience du Canada, un endroit où on pourrait investir davantage, car la défense de fortes valeurs n’y interdit pas les rendements élevés.
Deux problèmes ont été mis en lumière au cours de la dernière décennie ; tous deux sont de nature mondiale et pourraient avoir des conséquences dévastatrices. Heureusement, le Canada fait partie des leaders qui peuvent donner l’exemple sur la façon de les régler.
Le premier problème, le réchauffement de notre planète, menace chacun d’entre nous. En choisissant l’inaction, nous placerions un fardeau injuste et inacceptable sur les épaules des générations futures. Heureusement, au Canada, alors qu’il y a urgence d’agir, la plupart des gouvernements, de nombreuses entreprises et une majorité grandissante de citoyens adoptent plusieurs des nouvelles habitudes nécessaires pour régler urgemment ce problème.
Le deuxième grand problème qui bouleverse notre monde est la répartition inégale des avantages économiques. D’un grand titre à l’autre, quel que soit le pays, les nouvelles sont les mêmes : certaines personnes connaissent de grands succès financiers, alors que les travailleurs sont souvent laissés pour compte. Les politiciens éclairés et tous ceux qui tirent des leçons de l’histoire le savent : si nous ne freinons pas cette tendance, tout le monde en sortira perdant.
C’est pourquoi certaines des plus grandes décisions stratégiques que nous devons prendre aujourd’hui, décisions qui feront appel à la prédilection du Canada pour l’équité, l’adaptation et l’innovation, viseront à transformer notre économie pour la renforcer à long terme et pour améliorer notre performance environnementale. Il faudra aussi veiller à ce que cette transition atténue, au lieu de les accentuer, les écarts en matière de bien-être et de possibilités.
Ces dernières années, les travailleurs d’ici — et pas seulement ceux du secteur des combustibles fossiles — ont vu s’amoindrir leur sécurité d’emploi et l’offre de postes de qualité. Or le Canada est en mesure de favoriser la prospérité à grande échelle en faisant le virage vers une croissance propre, et il en a le devoir. Toute approche moins ambitieuse risque de mener à un effritement des conditions politiques nécessaires à la lutte contre les changements climatiques.
Notre pays compte sur des ressources naturelles abondantes, auxquelles il doit une bonne partie de sa croissance économique et qui continueront d’être le fer de lance de sa prospérité. Au moment de revoir nos politiques pour nous affranchir des combustibles fossiles et nous tourner vers l’énergie propre, il apparaît donc juste et raisonnable de nous assurer que le poids de cette transition ne pèse pas seulement sur les personnes et les communautés qui vivent du secteur de l’énergie. Cette charge doit être répartie plus équitablement.
Nous savons qu’une transition vers l’énergie propre créera une foule de possibilités, qui devront elles aussi être réparties; nous devrons d’abord favoriser ceux dont le bien-être économique est lié à l’exploitation des combustibles fossiles au Canada.
Si l’importance des « emplois décents et de qualité » est inscrite dans le texte de l’Accord de Paris, c’est notamment grâce aux pressions des dirigeants canadiens. En Alberta, le Climate Change Advisory Panel (le groupe consultatif provincial sur les changements climatiques) a lui aussi souligné cette nécessité :
Dans un monde diminuant l’empreinte carbone, nous devrions nous inquiéter tout autant, sinon plus, de la compétitivité de nos ressources humaines que de celle de nos ressources naturelles. Pour que la lutte aux changements climatiques entraîne des résultats positifs, l’Alberta doit absolument adopter, et exécuter efficacement, une stratégie de transition qui associe les travailleurs touchés aux nouveaux débouchés et leur offre la formation dont ils ont besoin pour exceller.
Le gouvernement albertain a d’ailleurs pris ce conseil à cœur : il a alloué 195 millions de dollars sur les cinq prochaines années pour aider les collectivités de l’industrie du charbon, les communautés autochtones et d’autres groupes à s’adapter au nouveau système de tarification du carbone.
Nous devons voir comment appliquer des politiques semblables dans d’autres milieux, aux quatre coins du pays. Par exemple, dans le cadre d’un système de tarification du carbone qui incite à modifier la consommation d’énergie, les décideurs auraient l’occasion d’allouer des fonds à la formation en continu des travailleurs, à la recherche d’investissements dans la croissance propre et à l’adaptation des systèmes de formation professionnelle.
En intégrant les communautés, les organisations syndicales, les entreprises et la société civile à la lutte contre les changements climatiques, les décideurs canadiens pourront prendre des mesures à la hauteur de l’urgence, tout en faisant la promotion d’une réforme économique inclusive.
Comment ?
La transition entraînera l’évolution d’un vaste éventail d’emplois et en créera de nouveaux. Bon nombre des débouchés seront engendrés par des technologies nouvelles et déstabilisantes, mais aussi par le vent d’innovation qui souffle sur bien des secteurs.
Tandis que la demande se transformera et que les investisseurs tâcheront de saisir les occasions d’affaires, nous aurons besoin de nouvelles capacités d’analyse des transformations du marché du travail pour suivre la vague, voire la devancer.
Plus que jamais, nous devrons soutenir les travailleurs, leur offrir une formation professionnelle et des programmes d’apprentissage innovants, et venir en aide aux collectivités visées par ce virage économique.
Il nous faudra fixer des cibles et des échéanciers pour la création d’emplois verts et les assortir de plans de transition plus clairs pour la main-d’œuvre des industries touchées par la décarbonisation.
Certes, le bouleversement est inévitable. Mais remplacer le gagne-pain des travailleurs sans prévoir de mesures d’adaptation est un jeu dangereux qui aurait pour effet de diviser la population, de ralentir le progrès et d’affaiblir notre volonté collective.
Les travailleurs ne sont pas les témoins passifs des transformations qui les affectent. Si nous voulons imaginer un siècle de croissance propre pour le Canada, il faut donc solliciter la participation des personnes et des communautés touchées à chaque étape du processus. Ainsi, elles contribueront à mettre sur pied une économie basée sur le travail décent, la prospérité partagée et la durabilité. Pour qu’advienne ce siècle de croissance propre, nous devons prendre des engagements fermes envers ceux dont le travail sera perturbé par le virage que nous amorçons.
C’est une question de responsabilité et de possibilités. À l’heure où nous nous apprêtons à écrire les 150 prochaines années du Canada, nous pouvons tirer des leçons du passé : la science nous a appris qu’il faut modifier notre utilisation de l’énergie, mais nous avons aussi compris que ce changement doit profiter à tous.
Par l’Initiative pour un siècle de croissance propre :
Hassan Yussuff, président, Congrès du travail du Canada
Robert Walker, vice-président, Service ESG, Placements NEI
Steven Fish, directeur exécutif, Canadian Business for Social Responsibility
Cet article fait partie du dossier Les politiques publiques à l’horizon 2067.
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