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Les Canadiens peuvent être fiers de leur écosystème florissant en matière d’intelligence artificielle (IA).
Fondée sur une recherche de portée mondiale, la stratégie pancanadienne en matière d’IA, lancée en 2017, a été conçue pour construire un écosystème de l’IA qui favorise le talent et rassemble les chercheurs, les partenaires du secteur privé, les jeunes pousses et le capital de risque afin de faire progresser la recherche et la formation. Tout cela pour construire de nouveaux produits et services fondés sur l’IA afin d’offrir des avantages sociaux et économiques à ce pays.
Cette stratégie et les efforts d’autres acteurs clés dans ce domaine portent leurs fruits.
L’adoption et la commercialisation de l’IA par l’industrie accusent encore du retard par rapport à d’autres pays, mais l’écosystème canadien a connu une croissance constante au cours des cinq dernières années, selon un récent rapport de Deloitte Canada commandé par l’Institut canadien de recherches avancées et nos trois instituts nationaux de l’IA.
Les entreprises en phase de démarrage ne connaissent pas toutes un essor fulgurant, bien sûr, mais le rapport de Deloitte estime qu’il y a plus de 670 entreprises d’IA en phase de démarrage au Canada qui ont une réelle pérennité et une trajectoire solide.
Cela contribue de manière significative à l’économie canadienne, avec plus de 140 000 emplois dans le domaine de l’IA à l’échelle nationale, ajoute le rapport. En effet, le Canada se classe au deuxième rang mondial pour les nouvelles embauches dans le domaine de l’IA, selon l’outil Global AI Vibrancy de l’université Stanford.
Ce vaste bassin de travailleurs possédant des compétences et une expertise en matière d’IA permet aux entreprises canadiennes de l’intégrer dans leurs modèles d’affaires. Cette pépinière de talents est la ressource la plus précieuse du Canada en la matière – une ressource dans laquelle nous avons investi de manière significative et qui nous rapporte énormément.
Mais le talent ne peut se développer en vase clos. Il faut une approche écosystémique complète et un ensemble de mesures politiques et d’investissements pour soutenir un secteur économique qui a le potentiel d’apporter beaucoup à la société et à l’économie.
Des voix silencieuses dans le discours sur l’intelligence artificielle
Dossier: Comment encadrer l’intelligence artificielle?
Pour une politique de l’IA axée sur les ressources naturelles, les travailleurs et le capital
Cela est particulièrement important pour la croissance de l’écosystème des jeunes pousses d’IA, qui a été forte au cours de la dernière décennie, tout comme l’investissement en capital de risque. En 2022, plus de 8,6 milliards de dollars d’investissements en capital de risque dans les jeunes pousses canadiennes de l’IA représentaient 30 % de l’ensemble de l’activité de capital de risque au Canada.
Le succès de nos jeunes entreprises est un indicateur fort du succès de notre écosystème de l’IA. Néanmoins, il faut combler certaines lacunes importantes en matière de politiques pour tirer pleinement parti des avantages sociaux et économiques.
Le Canada affiche un bilan peu reluisant en matière d’investissements du secteur privé dans la recherche et le développement (R-D), l’innovation et l’adoption de technologies.
L’adoption des technologies n’est pas réservée aux grandes entreprises. Il existe une réelle opportunité d’innovation politique pour encourager l’adoption de l’IA par les petites et moyennes entreprises – un autre domaine dans lequel le Canada tire de l’arrière par rapport à ses pairs internationaux.
Nous avons également besoin d’un financement public plus important pour les entreprises en phase de démarrage, car les sociétés canadiennes de capital de risque ne peuvent pas se permettre de maintenir le même profil de risque que leurs homologues américaines.
Bien que les petits bailleurs de fonds en phase de démarrage, tels que le MaRS Investment Accelerator Fund, tentent de faire la différence, il s’agit d’une goutte d’eau dans l’océan. Trop de jeunes pousses d’IA en phase de démarrage avec des profils à haut risque et à haut rendement doivent frapper à la porte des sociétés de capital de risque américaines pour obtenir un financement.
Nombre d’entre elles réussissent, mais cela signifie aussi qu’une grande partie des bénéfices finira par quitter le Canada.
Bien que beaucoup de nos jeunes entreprises d’IA se portent bien, elles ne sont pas en mesure de se faire une place sur la scène mondiale sans un investissement plus profond et plus stratégique et des politiques gouvernementales ciblées.
Cela signifie qu’il faut penser à l’ensemble des ressources critiques, à l’expertise, au capital, à l’accès aux marchés nationaux et mondiaux et à une approche réglementaire réfléchie dont les jeunes pousses canadiennes de l’IA ont besoin pour développer leurs activités et avoir un impact significatif.
La puissance de calcul est l’un des coûts les plus importants pour toute nouvelle entreprise basée sur l’IA. En outre, alors que la concurrence mondiale s’intensifie pour un approvisionnement limité en GPU (processeurs graphiques, les principales puces utilisées dans l’IA), la capacité des entreprises canadiennes et des institutions du secteur public à accéder à la puissance de calcul dont elles ont besoin pour rester à la pointe de l’IA est menacée.
Suivant l’exemple des États-Unis et du Royaume-Uni, d’autres pays du G7 se sont engagés à investir massivement dans l’infrastructure informatique pour soutenir leurs écosystèmes d’IA. Le Canada doit faire de même.
L’absence d’investissements significatifs dans l’infrastructure informatique de l’IA a joué un rôle important dans la chute du Canada à la cinquième place de l’indice mondial de l’IA de l’année dernière. En l’absence d’une stratégie nationale de calcul de l’IA, nous courons un risque sérieux de perdre nos entreprises les plus prometteuses et les plus innovantes au profit de nations concurrentes.
Bien entendu, toute entreprise technologique en démarrage doit protéger son actif le plus précieux : sa propriété intellectuelle. La bonne nouvelle, c’est qu’à mesure que l’écosystème de l’IA au Canada s’est développé, notre activité en matière de brevets s’est également développée.
Le nombre de brevets d’IA déposés par des inventeurs canadiens a considérablement augmenté au cours des dernières années, ce qui témoigne du niveau d’activité de l’innovation au sein de notre écosystème. Une analyse détaillée du paysage des brevets d’IA au Canada montre que les entreprises canadiennes sont historiquement à l’origine de la grande majorité (82 %) des brevets au pays.
Bien que certaines des plus grandes entreprises du Canada soient les principaux moteurs de ces brevets, les jeunes pousses canadiennes spécialisées dans l’IA sont particulièrement actives dans la protection de leur propriété intellectuelle par le biais de brevets. La stratégie nationale du Canada en matière de propriété intellectuelle est un premier pas pour rendre le processus plus rapide et plus facile à naviguer pour les entreprises naissantes, mais il reste encore beaucoup à faire.
Les brevets ne disent pas tout sur la façon dont la valeur est générée dans un secteur basé sur la connaissance tel que l’IA. Il ne suffit pas de déposer des brevets. Ce qui compte, c’est ce que l’on fait avec les idées, ce qui nous ramène à la valeur du talent.
Les grandes idées proviennent de personnes talentueuses travaillant dans des environnements stimulants où elles disposent de la liberté et des ressources nécessaires pour expérimenter et où elles peuvent collaborer avec d’autres personnes talentueuses.
Un tel environnement attire d’autres leaders dans le domaine et le Canada a excellé dans l’attraction de talents de premier plan, se classant au deuxième rang mondial pour la migration positive des compétences en matière d’IA.
C’est sur ces personnes que repose la véritable valeur de notre écosystème de l’IA et elles créent un cercle vertueux dans lequel les grands talents attirent, développent et retiennent d’autres grands talents. Avec les ressources nécessaires, ces personnes talentueuses prennent ces grandes idées et les transforment en entreprises innovantes telles qu’AltaML, BrainBox, Cohere et Signal1.
Qu’en est-il des nombreuses grandes multinationales qui ont établi au Canada des laboratoires de R-D dédiés à l’IA ? Attirés par nos talents, ces investissements ont des retombées importantes sur notre économie en créant des emplois pour notre main-d’œuvre hautement qualifiée dans le domaine, tout en générant des recettes fiscales.
Si nous parvenons à mobiliser nos forces – des gens formidables avec des idées géniales – et à leur fournir les outils dont ils ont besoin pour faire connaître leurs avancées au monde entier, l’IA responsable du Canada pourrait devenir une force dominante qui façonnerait l’avenir de cette technologie. Il y aurait de quoi se réjouir.