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L’électronique est devenue un élément essentiel de la vie quotidienne, mais un coût énorme et nuisible nous est caché : une explosion de la quantité de déchets. Selon une étude de l’Université de Waterloo, le Canada a produit près d’un million de tonnes de déchets électroniques en 2020. Cette quantité par habitant a presque triplé, passant de 8,3 kg en 2000 à 25,3 kg en 2020.

Bien que le Canada soit confronté à de multiples défis dans la gestion de ses déchets électroniques, des lois ont été mises en place pour traiter ce problème. Au niveau fédéral, Environnement et Changement climatique Canada est responsable des politiques liées à l’élimination, à la gestion et au transport des déchets toxiques.

Plus précisément, des règlements régissant l’exportation et l’importation de déchets dangereux ont été adoptés en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (LCPE), qui a récemment été mise à jour avec l’adoption du projet de loi S-5, la Loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé, où le droit à un environnement sain sera reconnu pour la première fois dans la loi fédérale.

Au niveau provincial, municipal et territorial, les gouvernements sont responsables du recyclage et de l’élimination à l’intérieur de nos frontières. Les fonctionnaires élaborent des règles de traitement des déchets électroniques qui exigent une « responsabilité élargie des producteurs » (REP) pour des appareils électroniques et électriques spécifiques.

À l’exception du Nunavut, toutes les provinces et tous les territoires ont mis en œuvre des programmes de REP réglementés pour la gestion de leurs déchets électroniques. Au Québec, les réglementations relatives aux équipements électriques et électroniques relèvent du Règlement sur la récupération et la valorisation de produits par les entreprises.

Les progrès en matière de gestion des déchets électroniques à tous les niveaux de gouvernement ont été lents. Informer les Canadiens sur la manière de réduire leur empreinte et coordonner les programmes qui traitent de ce type de déchets à l’échelle mondiale et nationale pourrait être utile.

Améliorer la participation citoyenne et les audits de déchets

La participation du public est nécessaire pour un programme de gestion durable des déchets électroniques, car ces programmes reposent sur les Canadiens partout au pays.

Des efforts d’éducation et de sensibilisation sont nécessaires pour trouver des solutions qui soient inclusives et pratiques pour tout le monde.

Cela signifie qu’il faut recueillir des informations (souvent laissées de côté par le secteur de la gestion des déchets) auprès des municipalités. Malheureusement, les données relatives à la gestion des déchets électroniques au pays sont assez limitées et il n’existe pas de données sur les taux de collecte et de recyclage.

Nous ne savons pas non plus d’où viennent nos déchets électroniques : s’ils proviennent d’une utilisation résidentielle, institutionnelle, commerciale ou industrielle. Nous ne disposons d’aucune information sur les émissions de gaz à effet de serre générées par les activités de collecte et de traitement, sur les coûts des mesures de récupération des ressources ou sur la gestion des différents types de déchets électroniques. Et ce qui se passe une fois que ces déchets sont éliminés ne fait l’objet d’aucun suivi.

Bien que les provinces et les localités produisent des rapports annuels qui étoffent les statistiques des programmes de recyclage, ces chiffres ne sont que des approximations et non des valeurs réelles de l’état actuel de la gestion des déchets électroniques au pays.

Par exemple, les audits de déchets, comme celui réalisé par l’Université de Toronto, ont porté sur 16 bâtiments du centre-ville de Toronto en 2022. Cependant, ces audits ne sont rien de plus que ça : une étude de la composition des déchets. Ils examinent les différents matériaux présents dans les déchets électroniques et analysent la quantité produite par une entreprise ou un ménage pendant une période donnée.

Les audits de déchets peuvent être recommandés ou obligatoires en fonction des différentes réglementations. Par exemple, les entreprises de l’Ontario sont tenues de réaliser un audit des déchets et de créer un plan de travail pour la réduction des déchets.

Lorsqu’ils sont menés correctement, ces audits reflètent la région qu’ils représentent et fournissent des informations pertinentes et utiles sur les comportements qu’on y observe. Cela permet aux décideurs politiques de surveiller la quantité de déchets électroniques produits dans un lieu donné, les différences entre les taux de récupération et de recyclage et les changements qui pourraient être apportés pour améliorer l’infrastructure.

Des audits de déchets plus significatifs garantiraient une meilleure représentation. Les audits menés par les organisations de responsabilité des producteurs (ORP) devraient permettre de mettre au point de meilleures méthodes de suivi des performances de leurs programmes de REP et des moyens de communiquer leurs progrès de manière transparente.

Le Canada est également trop obnubilé par le recyclage des matériaux. De nombreux Canadiens en sont venus à croire que le recyclage est la solution miracle à tous les problèmes de déchets. Cependant, les systèmes de recyclage n’ont jamais été conçus pour gérer les quantités et la complexité des matériaux mis dans les bacs.

Il faut motiver les consommateurs à changer de comportement en matière de réduction, de réutilisation et de réparation. Une stratégie de communication nationale devrait mettre l’accent sur la responsabilisation des citoyens afin qu’ils réduisent leurs déchets et leurs habitudes de consommation. Les Canadiens peuvent faire des choix éthiques et efficaces pour soutenir les objectifs de prévention des déchets électroniques s’ils sont sensibilisés à l’empreinte écologique des appareils.

Favoriser une plus grande coopération

Il existe un système fragmenté entre les provinces, ce qui empêche la mise en place de programmes complets de gestion des déchets électroniques. Les décideurs politiques sont souvent en désaccord sur les mesures à prendre. Souvent, les réglementations ne sont pas correctement communiquées.

Le succès d’un système de gestion des déchets électroniques dépend de sa qualité. Comme il n’y a pas eu d’intégration des systèmes de gestion des déchets électroniques entre les provinces, les programmes ne sont pas bien établis au niveau national.

Bien qu’une plus grande coordination puisse être bénéfique, une harmonisation serait préférable. Les lois actuelles signifient que chaque province a mis en place un programme différent couvrant des gammes de produits différentes. Ce qui fonctionne en Saskatchewan peut ne pas fonctionner au Québec. Les fabricants n’adhèrent qu’aux exigences de leur région.

La création d’objectifs et de mesures de performance cohérents au niveau national, avec des définitions, des buts et des objectifs clairs, permettrait d’améliorer la réduction des déchets électroniques et d’accroître la transparence du processus.

Cela signifierait un rôle plus important pour Environnement et Changement climatique Canada. Le gouvernement fédéral pourrait alors étendre la planification de la gestion des déchets électroniques au-delà des municipalités et créer un processus de collecte de données à partir d’audits annuels des déchets. Le gouvernement fédéral pourrait également demander aux provinces de comparer leurs données, afin de garantir l’alignement sur les objectifs climatiques proposés.

La coopération n’est pas seulement nécessaire au niveau national, mais aussi au niveau mondial. Alors que le Canada aspire à une transition vers une économie circulaire, il est suggéré que le pays utilise des outils de données numériques pour conduire d’autres nations dans la même direction. Il s’agit de programmes informatisés qui peuvent être utilisés pour évaluer les performances des différents flux de déchets et accroître la transparence des chaînes d’approvisionnement.

Le Canada doit adopter ces outils pour favoriser la connaissance et l’innovation. Il est impératif que les institutions canadiennes collaborent avec les entreprises, en particulier le secteur privé, afin de rendre la recherche visible pour le public et de faciliter la prise de décision éclairée.

La gestion des déchets électroniques continuera d’évoluer à une époque menacée par le changement climatique. La quantité de déchets électroniques continuant à augmenter rapidement, la gestion durable doit s’orienter vers un modèle centralisé plus axé sur la transparence des données et l’éducation du public.

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Saidia Ali
Saidia Ali est étudiante au cycle supérieur à l'Université métropolitaine de Toronto dans la science et la gestion appliquée à l'environnement, avec un intérêt particulier pour la gestion des déchets électroniques et l'économie circulaire.

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