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En octobre 2025, General Motors a annoncé qu’elle cesserait la production des fourgonnettes électriques de livraison BrightDrop à son usine d’assemblage d’Ingersoll, en Ontario. Pour les travailleurs, qui avaient déjà subi des mises à pied périodiques pendant la longue période de réoutillage de l’usine, il s’agissait d’un nouveau coup dur, encore plus dévastateur.

L’expérience vécue par cette communauté d’environ 13 700 personnes dans le sud-ouest de l’Ontario illustre les risques liés à la dépendance envers un seul employeur majeur et offre des enseignements importants sur les défis d’orienter les travailleurs vers de nouveaux emplois, que ce soit dans la même industrie ou dans un autre secteur.

Ingersoll n’est pas la seule communauté à faire face à ces défis. Celles qui sont dépendantes des secteurs du bois ou de l’acier subissent également les impacts des nouvelles politiques commerciales, de la transition énergétique, du progrès rapide de l’intelligence artificielle et de l’automatisation et autres transformations économiques qui touchent les emplois et les industries locales.

Une approche ciblée par communauté

Différentes approches existent cependant pour aider ces communautés. Une nouvelle série de publications de recherche, Approches internationales du développement des compétences axées sur le lieu, de l’Institut de recherche en politiques publiques (IRPP) et du Centre des compétences futures explore comment des stratégies proactives et ciblées selon les besoins et les atouts de communautés spécifiques peuvent aider les travailleurs à s’adapter sans quitter leur milieu tout en permettant aux secteurs et aux régions de s’ajuster aux transformations économiques.

En s’appuyant sur huit expériences internationales de transition vers une économie à zéro émission nette, la recherche identifie quatre mesures que le Canada pourrait adopter : le développement proactif et coordonné des compétences, la planification économique coconçue et dirigée par les communautés, des soutiens sociaux adaptés et des politiques industrielles axées sur les territoires.

Offrir des occasions de requalification et de perfectionnement à proximité du domicile, de courte durée et en lien avec les besoins des employeurs locaux, permettrait aux travailleurs de demeurer dans leur communauté et de saisir de nouvelles opportunités d’emploi, plutôt que de devoir quitter ou rester avec des perspectives limitées.

Les fermetures d’usines majeures, comme celles d’Ingersoll et, plus récemment, de Sault-Sainte-Marie, dans le nord de l’Ontario, peuvent avoir un effet domino dans les communautés. Elles affectent les chaînes d’approvisionnement, les fournisseurs de services locaux et les recettes municipales. Trouver des moyens de renforcer la résilience face à de tels événements est essentiel alors que les perturbations économiques se multiplieront.


Certaines communautés plus petites, rurales et éloignées, où une grande partie de l’emploi relève de secteurs vulnérables, ressentiront ces impacts plus rapidement et plus fortement.

Le territoire dans le développement des compétences

Les défis liés à la main-d’œuvre au Canada ne sont pas répartis uniformément. Environ 10 % des Canadiens vivent dans des communautés susceptibles de subir des perturbations de l’emploi en raison de la transition mondiale vers une économie à zéro émission nette.

Les programmes nationaux, comme l’assurance-emploi ou les subventions à la formation professionnelle jouent un rôle important, mais ne sont pas conçus pour répondre aux besoins spécifiques des communautés. Les approches territoriales, en revanche, reconnaissent que chaque communauté possède des caractéristiques et des défis uniques nécessitant des interventions localisées et adaptées.

Des leçons de l’expérience internationale

Dans notre étude, nous avons constaté que la formation professionnelle est plus efficace lorsqu’elle est coordonnée avec des plans de développement économique plus larges et lorsque les communautés elles-mêmes sont au cœur de la prise de décision. Construire la résilience face aux perturbations de la main-d’œuvre au Canada nécessitera que les communautés disposent de quatre formes de soutien essentielles :

  • Un développement proactif et coordonné des compétences, reposant sur les forces et atouts locaux et ouvrant des voies vers des industries nouvelles et en croissance ;
  • Une planification économique coconçue et dirigée par la communauté, engageant des partenariats locaux, les peuples autochtones et la collaboration entre gouvernements, entreprises, syndicats et organisations communautaires ;
  • Des soutiens sociaux adaptés, tels que des services de garde et du soutien en santé mentale, du conseil financier et d’autres formes d’aide quotidienne, comme des allocations de transport pour réduire les obstacles à la participation et permettre aux travailleurs de tirer pleinement parti des formations et nouvelles opportunités ;
  • Des politiques industrielles axées sur les territoires, qui attirent de nouveaux investissements et soutiennent la diversification économique.

Trois étapes à suivre pour le Canada

Pour le Canada, la voie à suivre repose sur trois étapes allant au-delà des programmes uniformes et met l’accent sur des stratégies ancrées localement.

Identifier les communautés vulnérables à l’aide d’indicateurs transparents : par exemple, l’IRPP a développé une méthodologie pour déterminer quelles communautés canadiennes sont susceptibles de subir des perturbations de la main-d’œuvre dans les années à venir.

Adapter les interventions de manière proportionnelle : le soutien à la planification de la transition dirigée par la communauté, associé à un développement proactif et coordonné des compétences et à des incitatifs territoriaux à l’investissement, doit être modulé selon le niveau de risque et de préparation de chaque communauté.

Assurer une coordination solide entre gouvernements et parties prenantes : le prochain plan d’action sur l’emploi durable, prévu par la Canadian Sustainable Jobs Act, offre un cadre pour intégrer ces enseignements.

Une perspective plus large

Les études de cas internationales que nous avons analysées couvrent une grande diversité de contextes et d’approches. L’offshore academy du Danemark, par exemple, reconvertit les travailleurs du pétrole et du gaz pour l’éolien en mer. Le Programme de transition juste de l’Espagne, pour sa part, combine une stratégie nationale avec des banques d’emplois locales et des incitatifs à l’investissement.

l’Australia Net Zero Economy Authority soutient les communautés en transition tout en investissant dans les politiques industrielles. Mentionnons aussi la feuille de route communautaire Taranaki 2050 en Nouvelle-Zélande, les crédits de formation portables en France, le centre de formation aux véhicules électriques et hybrides au Royaume-Uni ainsi que les initiatives aux États-Unis, au Michigan et dans diverses régions rurales en difficulté.

La formation pendant l’assurance-emploi doit être rendue plus accessible

Agir ou subir ? Le Canada face à la nouvelle économie mondiale  

Rebâtir le pays passe par une révolution des compétences

Chacun met en lumière différents aspects du développement des compétences axé sur le territoire. Ensemble, ils montrent comment gouvernements et communautés expérimentent divers outils (formation professionnelle, soutiens sociaux, incitatifs aux employeurs et planification participative) pour permettre aux travailleurs de rester enracinés dans leur communauté tout en s’adaptant aux transformations économiques.

Sans un développement proactif et coordonné des compétences ancré dans les territoires, les communautés risquent de perdre des travailleurs, leurs familles, et de détruire leur tissu social.

Le Canada doit investir dans la résilience de ces communautés, afin que chaque région, de la plus petite à la plus isolée, dispose des moyens de s’adapter et de prospérer. La résilience du Canada ne peut être plus forte que celle de ses communautés.

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Shaimaa Yassin

Shaimaa Yassin est directrice principale de recherche à lInstitut de recherche en politiques publiques. Elle est titulaire dun doctorat en économie et a précédemment occupé le poste de directrice principale au CEDEC à Montréal. Elle a été chargée de recherche à lUniversité McGill et dautres universités et consultante pour la Banque mondiale, le Forum de recherche économique en Égypte, et la Chaire Sécurisation des Parcours Professionnels, en France. 

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Noel Baldwin

Noel Baldwin est directeur des Affaires publiques et gouvernementales au Centre des compétences futures. Vous pouvez les suivre sur Twitter à @baldouin.

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