Durant l’été, des aéroports canadiens ont présenté les pires taux de retards au monde, selon FlightAware, un service de suivi de vols. Face à cette situation, bien des voyageurs se sont tournés vers l’Office des transports du Canada (OTC), un organisme de surveillance dont le mandat inclut la protection des consommateurs. (L’OTC reçoit ce mandat de la Loi sur les transports au Canada.)
Que ferait le régulateur pour remédier aux retards qui affligent les aéroports canadiens, s’est-on demandé.
La réponse ? Essentiellement, rien.
Ce n’était qu’un autre exemple d’un organisme de surveillance mis en place par le gouvernement fédéral et qui échoue ensuite à faire respecter les règles.
Pendant le fiasco de l’été, l’OTC n’a donné que très peu de contraventions aux transporteurs aériens pour leur conduite. En fait, une récente demande effectuée en vertu de la Loi sur l’accès à l’information montre qu’entre le 1er mars 2020 et le 12 septembre 2022, l’OTC n’a donné que 16 contraventions à des transporteurs pour non-respect du règlement sur le transport aérien. Seize. En deux ans et demi.
La somme de tous les constats d’infraction aux entreprises en vertu des règlements pendant cette période était inférieure à 69 000 $. De plus, l’OTC n’a également jamais imposé le montant maximal de 25 000 $.
Comme l’a rapporté Global News en août, l’OTC n’a même pas infligé d’amende à un transporteur aérien qui n’avait pas remboursé ses clients après des retards ou des annulations – en vertu d’une autre série de règlements, soit sur la protection des passagers aériens –, et ce malgré d’innombrables histoires d’horreur de voyageurs cherchant en vain à obtenir un remboursement.
Cela s’est produit même après que des compagnies aériennes ont clairement contourné leurs obligations envers leurs clients en prétextant des exceptions de « sécurité » pour justifier leurs retards et d’autres entourloupettes. Une autre demande d’accès à l’information a montré que les amendes infligées en vertu de ces autres règlements entre le 1er mars 2020 et le 12 septembre 2022 n’ont totalisé que 72 450 $. (Bien qu’aucune ne concerne des remboursements, 27 amendes ont été infligées pour d’autres comportements, comme de la publicité mensongère et des problèmes liés à la quantité raisonnable de nourriture.) Une seule contravention a atteint le montant maximum. Ces sommes sont de la menue monnaie pour les transporteurs.
D’ailleurs, à titre de comparaison, le salaire annuel du président de l’Office des transports du Canada est d’au moins 278 900 $.
Des lois non appliquées
Pourquoi et comment l’OTC – une entité destinée à protéger les passagers aériens – s’est-elle si mal acquittée de sa tâche la plus élémentaire ?
La réponse se trouve en partie dans une défaillance dans l’application des règlements, qui n’est pas propre à l’OTC. Comme la plupart des Canadiens le savent, et comme le Convoi de la liberté nous l’a appris, les lois ne sont bonnes que si elles sont appliquées. Malheureusement, un trop grand nombre de chiens de garde canadiens chargés de l’application des lois et de la réglementation affichent une certaine crainte à l’égard des entreprises qu’ils sont censés réglementer.
Prenons par exemple le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), qui n’a pas fait grand-chose pour dompter les entreprises de télécommunications. Après la panne de Rogers le 8 juillet 2022, le CRTC a demandé des informations techniques sur la panne, que Rogers a fournies en double exemplaire – une version confidentielle et une version accessible au public. Bien que la Loi sur les télécommunications habilite spécifiquement le CRTC à divulguer ces renseignements confidentiels dans l’intérêt public, le CRTC s’est abstenu de le faire.
Plutôt, les Canadiens se sont retrouvés avec les explications fortement caviardées de Rogers à propos de la panne, comme celle-ci :
La panne a également eu un impact considérable sur le service d’urgence 911. Par exemple, le 12 juillet 2022, la CBC a rapporté l’histoire de la famille de Shane Eby. Alors que sa tante était en train de mourir le 8 juillet, un autre membre de la famille a été forcé de quitter son chevet pendant ses derniers instants, tentant de trouver quelqu’un qui aurait un service de téléphonie cellulaire fonctionnel. Des moments précieux ont été perdus à cause de la panne.
En réponse aux demandes de renseignements sur la perturbation, Rogers a fourni les informations suivantes au public :
De son côté, l’approche fédérale pour éviter de futures pannes a été de laisser les fournisseurs téléphoniques s’autoréguler en promettant de se soutenir mutuellement en cas de future panne. Cette approche n’est pas nouvelle. Sur la base d’une autre demande présentée en vertu de la loi sur l’accès à l’information, Innovation, Sciences et Développement économique Canada (ISDE) a révélé qu’au cours des trois années précédant la panne du 8 juillet, ISDE n’a jamais organisé de séances d’information pour se préparer à l’éventualité de pannes – même si une panne s’était produite en 2021.
Ce type d’approche non interventionniste explique pourquoi les forfaits Internet et de téléphonie cellulaire du Canada sont parmi les plus coûteux au monde. En Australie et en Israël, les gouvernements ont réagi en élargissant l’accès des opérateurs de réseaux mobiles virtuels au spectre comme solution. De son côté, le gouvernement canadien a refusé à plusieurs reprises d’intervenir pour forcer l’emploi de telles solutions.
ISDE et le CRTC assistent plutôt à la consolidation du secteur, avec des effets négatifs sur les consommateurs. En réponse à une demande d’accès à l’information concernant des notes de breffage portant sur l’effet de la fusion proposée entre Rogers et Shaw sur les coûts des téléphones cellulaires, ISDE a partagé le document suivant :
Remettre l’intérêt public au premier plan
En l’absence de mécanismes d’application privés significatifs et d’une réglementation gouvernementale proactive, trois choses doivent changer.
Premièrement, le gouvernement doit commencer à nommer des personnes qui serviront l’intérêt public, et non leur propre industrie. La nomination de l’ancien lobbyiste de Telus, Ian Scott, au poste de président du CRTC en 2017 est un exemple éloquent de cette mauvaise approche.
En revanche, aux États-Unis, le président Biden a nommé de jeunes régulateurs qui font preuve de zèle pour protéger l’intérêt public et qui n’ont pas de relations avec les industries qu’ils sont censés réglementer. Sa nomination de Lina Khan, 31 ans, au poste de présidente de la Federal Trade Commission a injecté un nouveau souffle à l’organisme et donne déjà des résultats.*
Deuxièmement, le gouvernement canadien doit faire tout ce qu’il peut pour rendre les industries sous réglementation fédérale plus compétitives. Un premier pas serait de suivre les exemples de l’Ontario et de la Californie, qui interdisent les accords de non-concurrence. Les avantages d’interdire de tels accords sont nombreux.
Enfin, il faut mettre fin à la culture qui consiste à annoncer en fanfare de nouvelles lois qui, trop souvent, ne sont pas appliquées. Le gouvernement a été critiqué pour avoir utilisé « la législation sur la justice pénale comme un outil de communication politique », comme ce fut le cas lors de l’adoption en décembre 2021 d’une loi offrant une protection accrue aux travailleurs de la santé. (Depuis son entrée en vigueur, cette loi n’a jamais été appliquée).
Plutôt que d’adopter de nouvelles lois vouées à devenir caduques, Ottawa doit s’atteler sérieusement à utiliser celles qui existent. En bref, le gouvernement doit se préoccuper de l’application de la loi. Les Canadiens méritent des chiens de garde réglementaires qui servent l’intérêt public.