La pandémie de COVID-19 a mis en évidence plusieurs faiblesses des chaînes d’approvisionnement dont dépendent le Canada et le Québec, mais aussi la grande résilience et la capacité d’adaptation qui font la force de nos écosystèmes d’innovation et d’affaires. Pensons aux producteurs d’alcool et de spiritueux qui se sont tournés vers la fabrication de désinfectants pour les mains, ou l’utilisation d’imprimantes 3D pour créer des pièces de respirateur. L’adaptation est une des principales forces de nos écosystèmes d’innovation.

Le terme « écosystème » est à la mode pour parler d’innovation, un terme popularisé par les gestionnaires et les chercheurs. Proche parent de la grappe industrielle, qui l’a précédé, l’écosystème est toutefois plus complexe.

Les écosystèmes d’innovation sont essentiels à l’économie canadienne. Mais le Canada est actuellement mal outillé pour évaluer leur impact réel, comme nous le faisons valoir dans une étude récente de l’IRPP. Nous sommes limités à des données essentiellement quantitatives, comme les sommes investies en recherche et développement, et le nombre d’employés ou de brevets. Or de tels chiffres ne sont qu’une représentation étroite et partielle du processus d’innovation et de ses retombées directes. De plus, ils reposent sur des données du passé et n’offrent pas un portrait en temps réel de l’innovation.

C’est maintenant, alors que nous sommes encore au plus fort de la pandémie, qu’il faut renforcer notre capacité de réaction rapide, appuyée par des données probantes récentes, afin de promouvoir la synergie et l’innovation qui seront essentielles pour assurer la relance économique.

Qu’est-ce un écosystème d’innovation ?

Métaphore du milieu biologique, l’écosystème est constitué d’un ensemble d’acteurs interreliés ― entreprises, organisations, établissements d’enseignement postsecondaire, municipalités, citoyens ― qui sont impliqués dans l’innovation et l’obtention de résultats. Il repose sur la collaboration entre ces acteurs, qui évoluent ensemble, et l’innovation ouverte. Cette dernière peut faire toute la différence puisqu’elle comprend l’implication de tierces parties dans le processus d’innovation ― tels que les clients, les fournisseurs et les laboratoires de recherche ― afin d’exploiter au mieux l’intelligence collective de l’écosystème, d’intégrer des connaissances externes ou d’externaliser les étapes de développement et de commercialisation.

L’écosystème est constitué d’un ensemble d’acteurs interreliés ― entreprises, organisations, établissements d’enseignement postsecondaire, municipalités, citoyens ― qui sont impliqués dans l’innovation et l’obtention de résultats. Il repose sur la collaboration entre ces acteurs, qui évoluent ensemble, et l’innovation ouverte.

Le passage de la fabrication d’alcool et de spiritueux à la production de désinfectant pour les mains s’apparente d’une certaine façon à la mutation d’un organisme qui cherche à améliorer ses chances de survie. Pour réussir, une telle transformation a besoin du concours de l’écosystème. Dans le cas des entreprises, elle nécessite la collaboration des organismes réglementaires, qui s’assurent de l’efficacité et de l’innocuité des nouveaux produits, puis, elle doit être adoptée par les utilisateurs.

Les écosystèmes sont en mesure d’accroître les capacités d’innovation de leurs constituants, tout en étant adaptatifs et résilients face aux nombreux chocs et transformations technologiques. À ce titre, la Silicon Valley, souvent présentée comme une grappe industrielle, est plutôt un excellent exemple d’écosystème d’innovation. Si la proximité géographique propre aux grappes industrielles y joue un rôle, la performance de cet écosystème et de ses parties prenantes doit beaucoup aux relations externes, nationales ou internationales. Les individus et les organisations qui font escale dans la fameuse vallée, tels des oiseaux migrateurs, en rapportent souvent des idées, des partenariats et des technologies. Il ne suffit donc pas de localiser dans un même endroit une série d’acteurs, encore faut-il qu’ils collaborent de façon symbiotique et que les mécanismes de soutien à cette relation, tels que les programmes gouvernementaux d’appui à l’innovation, soient présents.

La collaboration du secteur des arts et spectacles avec celui de fournisseurs et de développeurs de plateformes numériques est un autre exemple d’une telle relation symbiotique. La création d’espaces immersifs virtuels qui contournent les obstacles de diffusion et augmentent le pouvoir d’attraction des œuvres artistiques aide non seulement les créateurs et les diffuseurs dans l’immédiat, mais constitue un terrain fertile d’innovation future.

Les supergrappes d’innovation du Canada

Les cinq supergrappes d’innovation financées par Ottawa sont de bons exemples d’écosystèmes mis en place par nos gouvernements pour susciter l’innovation. Chacune de ces supergrappes se concentre sur un ensemble technologique particulier : par exemple la Supergrappe des chaînes d’approvisionnement axées sur l’IA cherche à accélérer l’adoption et la commercialisation des solutions d’intelligence artificielle, alors que la Supergrappe des industries des protéines vise à accroître la valeur des cultures agricoles. Au Québec, le gouvernement a entamé des démarches pour appuyer la création de zones d’innovation, un type d’écosystèmes d’innovation qui s’apparentent aux supergrappes.

Alors que la notion d’écosystème d’innovation permet de mieux saisir les contours flous du processus d’innovation, le défi reste encore grand en ce qui concerne notre capacité à évaluer l’impact des supergrappes sur l’ensemble des sphères de la société. Au vu des sommes publiques investies, il y a lieu de se poser quelques questions sur ces programmes d’innovation. Vont-ils contribuer à dynamiser nos PME ? Accélérer l’adoption de technologies de pointe ? Rendre la province et le pays plus compétitifs ? Outre les facteurs économiques, comment mesurer l’impact environnemental ou sociétal de ces supergrappes ?

Pour une gouvernance efficace des écosystèmes, il faut développer des indicateurs supérieurs à ceux d’hier et qui sont mieux adaptés à une économie post-pandémie, laquelle doit être plus verte et plus inclusive. La technologie, en particulier les avancées en matière d’analyse des mégadonnées, nous offre la possibilité de créer des indicateurs sophistiqués qui combinent une grande quantité de données publiques, ce qui ouvre la voie au développement d’indicateurs en temps réel. Ces nouveaux indicateurs susciteront des relations symbiotiques « omni-gagnantes » axées sur la collaboration et rehausseront la performance des supergrappes, des zones et des écosystèmes d’innovation.

Photo : Shutterstock / everything possible

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Catherine Beaudry
Catherine Beaudry est professeure titulaire au Département de mathématiques et de génie industriel, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en création, développement et commercialisation de l’innovation à Polytechnique Montréal. Elle dirige le Partenariat pour l’organisation de l’innovation et des nouvelles technologies (4POINT0).
Laurence Solar-Pelletier
Laurence Solar-Pelletier est analyste en gestion de l’innovation à la Chaire de recherche du Canada en création, développement et commercialisation de l’innovation à Polytechnique Montréal, ainsi que chef de projet au Partenariat pour l’organisation de l’innovation et des nouvelles technologies (4POINT0).
France St-Hilaire
France St-Hilaire est vice-présidente à la recherche à l’Institut de recherche en politiques publiques. Elle y supervise l’ensemble des programmes de recherche. Le plus récent ouvrage qu’elle a codirigé, avec David A. Green et W. Craig Riddell, s’intitule Income Inequality: The Canadian Story, publié par l’IRPP en début 2016.

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