Vous rentrez chez vous après une longue journée de travail. Une vilaine toux vous assaille. Vos muscles sont endoloris, vous frissonnez de partout, et votre respiration est légèrement sifflante. Que faire alors ?
Vous diriger vers le service d’urgence local ? Aller dans une clinique sans rendez-vous ? Ou encore, vous rendre chez votre médecin de famille s’il offre ses services après les heures de bureau ?
En tant que médecin de famille, j’aurais tendance à croire que vous opterez pour la troisième solution. Mais, selon toute vraisemblance, vous irez à l’urgence la plus près.
C’est que les Canadiens ont beaucoup plus recours aux services d’urgence que dans les autres pays à revenu élevé. Ces deux dernières années, 40 % des Canadiens ont été vus à l’urgence, comparativement à 24 % au Royaume-Uni, à 20 % aux Pays-Bas et à seulement 11 % en Allemagne.
Nos gouvernements se sont demandé si l’un des moyens de réduire le recours aux services d’urgence ne serait pas d’améliorer l’accès aux médecins de famille après les heures de bureau.
Il y a une quinzaine d’années, l’Ontario a donc lancé de nouveaux modèles de pratique et de rémunération des médecins afin de les encourager à travailler en groupe et à prendre en charge une liste de patients. Les médecins devaient par ailleurs faire un certain nombre d’heures de clinique en soirée ou la fin de semaine. L’idée était d’éviter que les gens se rendent aux services d’urgence, et de plutôt les inciter à aller dans une clinique familiale.
Malheureusement, cela n’a pas eu l’effet escompté.
Notre récente étude démontre que l’utilisation des services d’urgence n’a pas diminué depuis l’adoption des nouveaux modèles de pratique. Entre 2003 et 2014, le taux des visites aux urgences en Ontario a au contraire augmenté, particulièrement durant la journée. Parallèlement, le taux global de visites chez les médecins de famille a diminué, quoique les médecins de famille aient semblé offrir davantage de soins après les heures de bureau.
Pourquoi le fait d’avoir demandé aux médecins de famille de fournir des soins le soir et la fin de semaine n’a-t-il pas permis de réduire le nombre de visites à l’urgence ?
Premièrement, il se peut que la plus grande disponibilité des médecins de famille après les heures de bureau ait été contrebalancée par une baisse de leur disponibilité durant le jour. Beaucoup de médecins de famille ontariens gèrent déjà une charge exigeante de travail. Peut-être ont-ils dû réduire leurs heures de jour pour pouvoir faire face aux nouvelles exigences.
Deuxièmement, il est possible que fournir davantage de services accroisse la demande pour ces services. Lorsque le Royaume-Uni a lancé des cliniques de soins d’urgence, les gens ont commencé à s’y rendre, mais ils ont continué d’aller aux services d’urgence au même rythme qu’auparavant.
Troisième explication possible : un médecin de famille reçoit un patient le soir et il craint qu’il fait une pneumonie ; il l’envoie alors à l’urgence, parce que c’est la seule façon de faire passer une radiographie après les heures de bureau.
Bon nombre de nos services d’urgence sont surpeuplés, en partie à cause du manque de lits, mais aussi du grand nombre de personnes qui ont besoin de soins. Un meilleur accès aux soins primaires pourrait-il aider à réduire la demande de services d’urgence ? Les résultats de notre étude nous poussent à croire que ce n’est pas si simple.
Le fait de demander aux cliniques familiales d’ouvrir le soir et la fin de semaine ne suffit probablement pas à désengorger les urgences. Les cliniques familiales doivent disposer des ressources nécessaires pour fournir des soins après les heures normales de bureau, incluant l’accès aux laboratoires et aux radiographies. Idéalement, la prestation des soins après les heures régulières devrait être offerte conjointement par un grand nombre de médecins et d’autres professionnels de la santé, avec un accès à des dossiers médicaux électroniques partagés.
On doit également améliorer l’accès rapide aux soins primaires pendant la journée. Peu de Canadiens obtiennent rapidement un rendez-vous avec leur médecin de famille ou leur infirmière praticienne lorsqu’ils sont malades. Dans une récente enquête menée à l’échelle internationale, 25 % des personnes interrogées ont déclaré être allées à l’urgence parce qu’elles ne pouvaient pas voir leur médecin de famille.
Par ailleurs, des réformes adoptées dans d’autres pays peuvent constituer de bons exemples à suivre. Aux Pays-Bas, au cours des 15 dernières années, des médecins de famille se sont regroupés dans de grandes coopératives, chacune desservant de 100 000 à 500 000 patients et disposant d’un numéro de téléphone régional unique. Le soir et la fin de semaine, des infirmières formées trient les appels et, au besoin, les médecins évaluent les patients par téléphone, en clinique ou à domicile. Il n’est peut-être pas surprenant de constater que les Pays-Bas affichent l’un des taux de visite aux services d’urgence les plus bas des pays à haut revenu.
Nous devons repenser la manière dont notre système est conçu pour traiter les patients qui éprouvent un problème de santé aigu le soir ou la fin de semaine. Tirons des leçons d’autres pays et envisageons la refonte de nos modèles, chez nous au Canada.
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