(Cet article a été traduit de l’anglais)
Alors que les politiciens se réunissent dans le cadre de la Conférence de Glasgow sur les changements climatiques, communément appelée la COP26, nous devons nous assurer de saisir chaque occasion, ici même, pour agir sur le climat de manière à réduire nos émissions de gaz à effet de serre, et nous adapter à des impacts qui seront inévitables. Une occasion incroyable se présente pour le Canada : l’action climatique par la santé des sols.
Les ministres de l’Agriculture de l’ensemble du pays se sont réunis les 8, 9 et 10 novembre à Guelph, en Ontario, pour convenir d’une orientation politique qui régira ce secteur au cours des cinq prochaines années. Traditionnellement, ces réunions sont suivies de près par les organisations d’agriculteurs et les experts en politique, mais passent inaperçues pour la plupart des médias et du public. Cependant, cette année, nous devrions tous leur prêter une attention particulière.
En effet, la déclaration conjointe de politique agricole des ministres de l’Agriculture orientera les négociations sur la politique et les dépenses agricoles de 2023 à 2028. Plusieurs indices laissent croire que le développement durable jouira d’une attention particulière. Mais si nous voulons passer des ambitions générales à des actions concrètes sur le terrain, cette déclaration devrait se concentrer sur le renforcement de l’un des atouts les plus importants de notre nation : le sol qui se trouve sous nos pieds.
De plus en plus de Canadiens se soucient de la provenance des aliments qu’ils consomment et de la façon dont ils sont cultivés. Cette année, les agriculteurs et les éleveurs des Prairies et du Nord de l’Ontario ont été touchés comme jamais auparavant par des vagues de chaleur, des incendies et des périodes de sécheresse. Ce cadre quinquennal est le dernier avant l’échéance de 2030 de l’Accord de Paris sur le climat. Il représente un investissement de plus de 3 milliards de dollars pour le secteur au cours des cinq prochaines années. Nous avons besoin de meilleures politiques publiques pour soutenir les agriculteurs qui adoptent des pratiques durables, qui protègent notre eau et nos sols, qui réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre et qui participent à l’adaptation aux changements climatiques.
La santé des sols est bénéfique tant pour les entreprises que pour l’environnement.
En tant qu’organisations préoccupées par l’agriculture durable, la fondation ontarienne Greenbelt et l’organisme québécois Équiterre ont publié en mars 2021 le rapport intitulé Le pouvoir des sols, une feuille de route au profit des agriculteurs et de la résilience climatique. Cette étude fournit des preuves déterminantes du pouvoir que possèdent les sols pour augmenter les profits agricoles à long terme, améliorer la qualité de l’eau et la biodiversité, et contribuer à l’atténuation des changements climatiques et à notre adaptation à ceux-ci. La santé des sols est bénéfique tant pour les entreprises que pour l’environnement. Il n’y a littéralement aucun inconvénient à en faire un domaine d’investissement prioritaire.
La révolution du semis direct et la réduction de l’érosion dans les Prairies dans les années 1980 et 1990 montrent qu’un changement de pratiques est possible, mais nous devons inciter des dizaines de milliers d’autres agriculteurs à adopter des pratiques novatrices et bénéfiques en matière de santé des sols. Les ministres de l’Agriculture du Canada devraient relever ce défi en annonçant l’élaboration d’une nouvelle stratégie audacieuse qui élimine les obstacles, réduit les risques et galvanise le secteur afin de libérer la force novatrice des agriculteurs.
Il y a déjà de bonnes nouvelles. La Stratégie pour la santé et la préservation des sols agricoles de l’Ontario, le Plan d’agriculture durable du Québec et la création du Fonds d’action à la ferme pour le climat du gouvernement fédéral qui soutient les solutions fondées sur la nature sont de bon augure pour les politiques à venir. Mais nous avons besoin d’une action coordonnée de la part de tous les gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral, afin que les programmes appropriés puissent être déployés dans tout le pays.
La santé des sols comme pilier de l’action climatique
Nous recommandons la création d’une stratégie de santé des sols qui présente des objectifs clairs et des actions spécifiques adaptées aux différentes régions du Canada, pour améliorer la santé de nos sols et atténuer les changements climatiques, et d’un secrétariat pour en assurer la mise en œuvre. La santé des sols devrait être un pilier de la stratégie agroenvironnementale proposée dans le nouveau plan climatique fédéral. Toutes les parties prenantes, et notamment les provinces, devraient être invitées à y contribuer. Un projet de loi d’initiative parlementaire demandant une telle stratégie a été déposé à la Chambre des communes par le député Alistair MacGregor en avril dernier, mais nous avons besoin que cette stratégie soit assortie d’un soutien financier sur lequel on peut compter à long terme.
La santé des sols devrait être un pilier de la stratégie agroenvironnementale.
Les incitatifs financiers sont indispensables pour que des milliers d’exploitations agricoles canadiennes participent à la création de meilleurs écosystèmes des sols. Ces incitatifs doivent être améliorés. La recherche menée par Fermiers pour la transition climatique montre que le Canada dépense beaucoup moins que l’Union européenne et les États-Unis en programmes agroenvironnementaux par acre. L’enveloppe globale devrait être bonifiée pour permettre d’investir dans ces nouvelles priorités sans sacrifier le soutien déjà existant.
Pour les agriculteurs, tout changement de pratiques présente des risques que les changements climatiques augmentent de manière générale et que les politiques publiques peuvent réduire. Le prochain cadre stratégique devrait comporter des programmes de gestion des risques qui prévoient d’indemniser les agriculteurs. Ceux-ci s’exposent à ces risques malgré tout en adoptant des pratiques innovantes visant à préserver la santé des sols à long terme et à séquestrer davantage de carbone. Équiterre a d’ailleurs proposé la création d’un nouveau programme, Agri-résilience, pour faire face à ces nouveaux enjeux.
La clé du succès : l’éducation et le partage de connaissances
Nos recherches démontrent l’importance de l’apprentissage entre agriculteurs en ce qui concerne la santé des sols. La déclaration ministérielle qui découlera de la rencontre des ministres devrait reconnaître l’importance des services publics de vulgarisation et annoncer l’adoption d’une stratégie exhaustive de transfert des connaissances. Il faut aussi cerner les lacunes en matière de connaissances et s’efforcer de les combler. La formation est également essentielle pour les conseillers en cultures et pour les agronomes du secteur privé, afin de permettre une diffusion de l’information aussi large que possible.
Les enjeux de cette réunion des ministres sont considérables. Protéger la santé des sols est un choix judicieux à plusieurs égards, tant sur le plan commercial et politique qu’environnemental. Espérons que nos ministres de l’Agriculture arriveront au même constat.