Cet article a été traduit de l’anglais.

Le discours du Trône ouvrant la session d’automne a été très clair. Les Canadiens doivent impérativement avoir accès à de la formation pour la relance qui suivra la pandémie. Le gouvernement est allé jusqu’à promettre « le plus important investissement de l’histoire du Canada dans la formation des travailleurs ».

Il est indéniable qu’il s’agit là d’une priorité absolue. Mais quelle forme cet investissement devrait-il revêtir pour que ses effets se fassent sentir au plus vite ?

Beaucoup de Canadiens ont perdu leur emploi au cours des derniers mois. Quant à ceux qui ont réussi à garder le leur, ils n’ont pas eu d’autre choix que de changer radicalement leurs méthodes de travail. Dans ces temps incertains, le réseau de l’enseignement postsecondaire du Canada est là pour faciliter l’adaptation des travailleurs et les aider à acquérir les compétences nécessaires. Ce rôle est maintenant plus important que jamais.

Le marché du travail était en pleine évolution déjà bien avant la pandémie. Les progrès technologiques exerçaient déjà une certaine pression sur l’emploi traditionnel, et le vieillissement de la population exigeait quant à lui un maintien de la croissance et des services en dépit d’une main-d’œuvre en déclin. La COVID-19 n’a donc fait qu’aggraver une situation déjà existante en créant un sentiment d’urgence.

Selon nous, l’investissement que le gouvernement a promis doit soutenir le recyclage professionnel et la mise à niveau des compétences afin de faciliter le retour au travail des Canadiens et combler toute pénurie de compétences.

Idéalement, ces objectifs seraient atteints en modifiant le programme de l’assurance-emploi pour étendre l’accès à la formation aux sans-emploi, aux travailleurs autonomes et aux travailleurs précaires. L’Allocation canadienne pour la formation (ACF) devrait elle aussi entrer dans l’équation et être repensée. Le programme a été conçu pour encourager les Canadiens à épargner pour suivre une formation et ainsi mettre à jour leurs compétences. L’annonce de l’ACF lors du dernier budget fédéral a été prometteuse. Cependant, ces effets n’auraient pas été immédiats, puisque les Canadiens auraient dû épargner durant des années pour pouvoir en bénéficier.

Comme les prestations d’urgence commencent à toucher à leur fin, le gouvernement fédéral doit maintenant se concentrer sur le programme de l’assurance-emploi. Ce dernier doit trouver le bon équilibre entre les mesures de soutien à l’emploi et celles plus actives favorisant la formation et les services à l’emploi. De telles mesures actives permettent de répondre aux attentes des Canadiens sans emploi, ainsi qu’à celles des travailleurs autonomes et des travailleurs précaires.

Le gouvernement fédéral devrait refondre l’ACF pour en améliorer la souplesse et la réactivité afin que l’allocation permette aux travailleurs déjà en emploi de bénéficier d’un recyclage professionnel et de mettre à jour leurs compétences. Depuis l’annonce faite sur l’ACF en 2019, Collèges et instituts Canada, aux côtés d’autres associations nationales, a émis des réserves quant à son concept. Il faudrait plus qu’un crédit annuel de 250 dollars pour motiver les candidats à suivre une formation.

Dans le cadre de l’ACF, le programme de l’assurance-emploi (AE) peut suppléer aux revenus pendant, au maximum, quatre semaines de formation. Ce lien entre les deux programmes peut représenter un obstacle pour ceux qui travaillent déjà et nécessitent une formation, faisant dès lors chuter leurs revenus hebdomadaires moyens à seulement 55 %. Tomber sous la coupe de l’AE et subir une nette baisse des revenus diminue manifestement l’attrait de ce programme. Le rôle que joueraient les employeurs pour ce qui est de déterminer les besoins en formation et de libérer des employés pour qu’ils puissent bénéficier de l’ACF reste également une zone d’ombre.

Le gouvernement fédéral ne pourra pas se permettre de rater le train. Il devra revoir ces programmes et contribuer à une relance durable en soutenant l’élaboration de modules de compétences vertes pour la formation technique et professionnelle. Ces modules, dont le programme de technicien en éolienne de Lethbridge College, permettraient de soutenir l’adaptation aux changements climatiques et leur atténuation dans les industries clés. Tout financement supplémentaire pour la formation devrait principalement porter sur ces types d’apprentissage. Ils seraient utiles au Canada pour sa transition vers une économie verte tout en l’aidant à progresser vers l’atteinte des objectifs de développement durable de l’ONU. Ce programme permet aussi aux anciens travailleurs de l’industrie pétrolière de mettre à profit leurs compétences dans un secteur en pleine expansion.

En outre, l’évaluation des compétences existantes d’un travailleur, connue sous le nom d’Évaluation et reconnaissance des acquis (ERA), entraîne des coûts qui lui sont propres. Toutes les allocations de mise à jour des compétences devraient dès lors aussi couvrir les frais d’ERA, et ce, peu importe leur source : ACF, AE ou autre programme de formation. Elle permet aux apprenants de gagner du temps et de l’argent en leur accordant des crédits pour les compétences déjà assimilées. Cette pratique est dorénavant bien ancrée au sein des collèges et instituts, dont plus de 95 % l’offrent. Néanmoins, ces services viennent s’ajouter aux coûts déjà existants pour les apprenants, car ils ne sont pas couverts par les frais de scolarité et ne sont pas pris en compte dans des aides financières, bourses ou autres allocations. En étant plus accessibles, ces services favoriseraient un retour rapide sur le marché du travail pour un grand nombre de Canadiens après une mise à jour de leurs compétences.

Aussi, et du moins pour l’instant, la COVID-19 nous a poussés à repenser les modes d’enseignement en faisant de la formation en ligne la nouvelle norme. Les efforts fournis par les collèges et instituts relèvent du miracle. Ce sont en effet des dizaines de milliers de cours qui ont été transférés en ligne. Sans oublier que beaucoup de ceux-ci intègrent de la formation pratique et de l’apprentissage en milieu de travail. Cependant, la crise que nous connaissons a aussi révélé certaines lacunes.

L’accès à Internet rapide est inégalitaire au pays, et les questions de sécurité restent préoccupantes pour les établissements et leurs étudiants. Tout plan de relance devrait reposer sur une mise à jour de l’infrastructure numérique du Canada. Il devrait aussi reconnaître les besoins des collèges et instituts desservant de nombreuses collectivités rurales et éloignées. Les coûts d’une telle opération ont été évalués à 1,4 milliard de dollars pour tout le réseau collégial. Il faut satisfaire aux attentes en matière de compétences et de formation. Pour que notre réseau postsecondaire puisse jouer son rôle, il doit pouvoir compter sur une infrastructure numérique répondant aux normes de l’apprentissage en ligne. En tout temps et tout lieu, la participation des apprenants, des enseignants et du personnel devra pouvoir être de qualité, interactive, synchrone et asynchrone.

Certaines initiatives récentes sont de bon augure. Notons parmi elles le Fonds pour la large bande universelle, la Stratégie canadienne pour la connectivité ainsi que le plan de croissance de la Banque de l’infrastructure du Canada. Annoncé début octobre, ce dernier prévoit un montant de 2 milliards de dollars afin d’offrir une connexion à haut débit à plus de 750 000 ménages et entreprises dans des communautés peu ou mal desservies. Les efforts devront être concertés afin que ces mesures puissent également bénéficier aux apprenants vulnérables des collectivités rurales et éloignées. La participation de tous à l’apprentissage en ligne va au-delà de la notion d’équité. Il permettra aux initiatives de soutien à la relance économique d’avoir des retombées dans tout le pays.

C’est tout particulièrement l’accès à Internet des collectivités autochtones qui devra s’améliorer. Leurs apprenants auront dès lors accès à l’apprentissage en ligne offert par les collèges et instituts. Pour que la croissance économique soit inclusive, il est impératif que les Canadiens puissent compter sur des compétences pertinentes à leur culture à leur collectivité.

Le Canada possède un des meilleurs réseaux postsecondaires au monde, et nous le côtoyons tous de jour en jour. Il est renforcé par la présence des collèges et instituts, qui s’activent à livrer des programmes adéquats et adaptés aux apprenants, aux employeurs et à leurs collectivités.

Plus de 95 % des Canadiens vivent à moins de 50 km de leur collège ou institut local. En maximisant le potentiel de ce réseau pour en faire un partenaire clé de la relance, nous savons que tout investissement futur bénéficiera directement aux Canadiens. Leurs programmes permettront à tous de se remettre rapidement au travail et de se préparer pour l’avenir, même s’il est rempli d’incertitudes.

Photo : Une rue de Toronto, le 23 octobre 2020. Xinhua par ZUMA Press / Zou Zheng.

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Denise Amyot
Denise Amyot est présidente-directrice générale de Collèges et instituts Canada (CICan), le porte-parole national et international des collèges, instituts, cégeps et polytechniques canadiens.
Paula Burns
Paula Burns est présidente-directrice générale de Lethbridge College et présidente du conseil d’administration de CICan.

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