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Les relations entre les groupes racisés et les institutions de sécurité nationale au Canada – comme le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), la Gendarmerie royale du Canada (GRC), et l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) – ont souvent été empreintes de suspicion. Cette situation est préjudiciable à notre sécurité nationale.
Une telle méfiance nuit à la résilience sociétale, essentielle pour contrer plusieurs des menaces à la sécurité nationale du Canada. C’est dans ce contexte que le Groupe consultatif sur la transparence de la sécurité nationale (GC-TSN) a été créé en 2019 dans le cadre d’une série de réformes majeures de la gouvernance de la sécurité nationale et du renseignement au Canada. Le GC-TSN, que nous coprésidons, a donc choisi de concentrer son troisième rapport, récemment publié, sur la transparence et les relations entre les groupes racisés et les institutions de sécurité nationale.
Le GC-TSN est un groupe consultatif externe qui conseille le sous-ministre de la Sécurité publique (et d’autres ministères et organismes de sécurité nationale) sur la transparence. Il est composé de dix membres d’horizons divers : milieu universitaire, société civile et fonctionnaires à la retraite. Il vise également à accroître la sensibilisation, l’engagement et l’accès du public aux informations sur la sécurité nationale.
Tout au long de nos consultations au cours des trois dernières années, nous avons souvent entendu parler d’un manque de confiance entre les institutions de sécurité nationale et les Canadiens racisés. Parfois, ces relations ont été entachées par des erreurs de jugement de la part de ces institutions, que les communautés racisées ont perçues comme discriminatoires.
Parler, mais aussi écouter
Nous formulons plusieurs recommandations dans ce rapport sur la manière dont les institutions de sécurité nationale peuvent être plus transparentes dans leur engagement auprès des communautés racisées. Un tel engagement peut aider le gouvernement à comprendre leurs besoins, à ouvrir et établir un dialogue, et à renforcer la confiance et une compréhension partagée des défis communs. Il a également une fonction de liaison : les programmes d’engagement échangent des informations avec des acteurs externes et les communiquent au sein du gouvernement pour – idéalement – alimenter les processus politiques et opérationnels.
L’engagement auprès des communautés racisées doit impliquer une conversation dans les deux sens. Ce n’est pas ce qui est ressorti de nos consultations. Trop souvent, lorsqu’ils rencontrent des acteurs de la société civile, les responsables gouvernementaux cherchent à transmettre des messages préparés d’avance. Un engagement constructif devrait plutôt être basé sur le dialogue : les responsables doivent être à l’écoute des questions et des préoccupations de leurs interlocuteurs, et être prêts à y répondre.
Pour qu’un tel engagement soit réalisable, des défis structurels plus profonds dans les institutions de sécurité nationale doivent être abordés. À ce titre, notre rapport propose notamment des recommandations sur ces questions plus larges, telles que la diversité et l’inclusion. Il est également essentiel de rendre les mécanismes de plainte plus accessibles aux groupes vulnérables.
Intelligence artificielle et transparence
À mesure que la numérisation s’accélère, les institutions de sécurité nationale vont utiliser de plus en plus des données à grande échelle. En conséquence, elles vont devenir de plus en plus dépendantes de méthodologies algorithmiques et d’outils numériques, une réalité que la pandémie de COVID-19 a accélérée. Cependant, il est clair que les préjugés systémiques dans la conception de l’intelligence artificielle (IA) peuvent avoir des effets pervers pour les groupes vulnérables.
Ces biais reflètent non seulement des failles spécifiques dans les programmes d’IA et les organisations qui les utilisent, mais aussi des inégalités sociétales qui sont ensuite renforcées. Cela érode davantage la confiance dans les organismes de sécurité nationale. Alors que le gouvernement examine les utilisations raisonnables et appropriées de l’IA, il est essentiel de s’assurer que les impacts sur les communautés racisées ne sont pas disproportionnés et qu’ils ne perpétuent pas les préjugés existants.
Dans ce contexte, il est de plus en plus évident que la transparence et l’engagement jouent un rôle essentiel pour garantir la responsabilité et l’efficacité des déploiements actuels et futurs de l’IA. Entre autres recommandations, nous suggérons que les agences de sécurité nationale fournissent des détails sur leurs activités d’IA ainsi que sur leurs efforts pour atténuer les conséquences des biais systémiques qui peuvent s’y glisser.
À la lumière de l’attention croissante portée à l’utilisation de l’IA, il ne peut y avoir aucune excuse pour l’inaction dans la recherche d’une plus grande transparence.
La relation entre transparence et confiance est complexe. Cependant, les risques liés à l’opacité et l’insularité sont plus importants.
Il est possible d’être proactif et réfléchi en s’engageant dans cette voie. Il est aussi nécessaire de le faire avec une plus grande sensibilité envers les communautés qui ont de bonnes raisons d’être méfiantes, à la lumière des préjugés historiques et des faux pas que les gouvernements reconnaissent aujourd’hui et auxquels ils cherchent à remédier.