Au Canada, la consommation énergétique de tous les types de bâtiments (pour le chauffage, la climatisation, l’eau chaude et les appareils ménagers et de bureau) produit près du quart des émissions totales de gaz à effet de serre. Sans intervention, les constructions énergivores vont pomper toutes les ressources et polluer notre air sans arrêt pendant des dizaines d’années.

Les bâtiments ont une longue durée de vie, plus longue que celles des usines, des automobiles et des appareils ménagers. Les conséquences de leur inefficacité pouvant s’étendre sur des générations, il est grand temps de réfléchir à de nouvelles politiques de construction et d’entretien du parc immobilier. Un engagement marqué et durable pour la construction de bâtiments intelligents à consommation énergétique presque nulle — qui produisent presque autant d’énergie qu’elles n’en consomment — aura des retombées positives pour l’environnement, l’économie du pays et la santé des Canadiens des années durant.

De nombreux propriétaires et entrepreneurs ont pris des mesures simples pour améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments résidentiels et commerciaux, comme l’installation de nouveaux coupe-froid autour des fenêtres et des portes, l’isolation des toits et des murs, et le remplacement de chaudières et de fours industriels désuets. Mais le temps est compté.

De grands changements sont nécessaires pour faire des bâtiments à haute efficacité énergétique une norme plutôt qu’un créneau. Des solutions abordables particulièrement efficaces existent, que ce soit à la maison, dans les tours de bureaux, les écoles, les usines, les hôpitaux, etc. L’amélioration du bâti est sans aucun doute l’outil par excellence pour les décideurs cherchant à diminuer la pollution par le carbone de façon rapide et économique. Le secteur du bâtiment, qui en a les moyens, devrait en fait viser le dépassement des cibles nationales de réduction des émissions.

Le gouvernement fédéral, en collaboration avec les instances provinciales et municipales, doit élaborer deux politiques clés d’assainissement du bâti s’il veut stimuler le développement d’une économie prospère et à faible consommation de carbone. Les vieux édifices mal isolés doivent d’abord être modernisés pour entrer dans le 21e siècle — le « siècle de la croissance propre ». Il faudra pour ce faire définir une stratégie de rénovation qui prévoit la révision des codes du bâtiment, et soutient notamment l’amélioration de l’étanchéité des bâtiments et la prévention de la perte de chaleur, l’installation de fenêtres et de portes mieux calfeutrées et de meilleurs matériaux d’isolation, et la mise à niveau des systèmes de chauffage, de climatisation et de ventilation. Puis, les nouvelles constructions doivent être conçues dans le respect des normes les plus strictes en matière d’efficacité énergétique.

La rénovation : faire mieux avec du vieux

Les Canadiens passent 90 % de leur temps à l’intérieur. C’est donc sans surprise que la qualité de cet environnement a des conséquences majeures sur leur santé et leur bien-être. Le remplacement des fenêtres mal calfeutrées et des mauvais matériaux d’isolation ainsi que l’amélioration des systèmes de ventilation peuvent corriger des problèmes de santé et de confort liés aux courants d’air, à l’excès d’humidité et aux moisissures, sans parler des économies d’énergie. Plusieurs études montrent que les bénéfices sur la santé pourraient représenter jusqu’à 75 % des bénéfices réalisés par les rénovations visant l’efficacité énergétique.

Les programmes et la réglementation qui soutiennent les mesures d’efficacité énergétique réduiront non seulement la pollution par le carbone de façon notable, mails ils seront aussi un puissant moteur économique de l’ère de croissance propre dans laquelle s’engage le Canada. L’innovation dans le secteur du bâtiment peut être la preuve que la réduction des émissions et la croissance verte sont possibles. Les bâtiments écologiques ont déjà créé près de 300 000 emplois au pays. Cela représente plus d’emplois que ceux des secteurs du pétrole et du gaz, de l’exploitation minière et de la foresterie réunis. Les programmes d’efficacité énergétique sont de formidables générateurs d’emplois locaux : ils font travailler des fabricants et des poseurs de fenêtres, des experts de l’isolation, des installateurs de systèmes de chauffage par panneaux solaires sur les toits, etc.

Dans un rapport de 2014 commandé par Ressources naturelles Canada, des chercheurs de l’Acadia Center se sont intéressés aux conséquences des politiques canadiennes en matière d’efficacité énergétique sur le produit intérieur brut (PIB) et la création d’emplois. Les auteurs ont conclu que ces programmes entraîneraient une augmentation nette du PIB, avec une contribution à l’économie allant de 230 à 580 milliards de dollars entre 2012 et 2040. Chaque dollar investi dans ces mesures au Canada ferait en fait augmenter le PIB de 5 à 8 dollars, et chaque million de dollars créerait de 30 à 52 emplois par année.

Les nouvelles constructions : une occasion d’innovation

Les technologies et les normes nécessaires à la construction de bâtiments à consommation énergétique presque nulle sont déjà employées dans d’autres pays. Si le Canada veut être compétitif à l’ère de la croissance propre, nous devons mettre en œuvre ces outils à grande échelle, puis déterminer dans quels domaines les innovations canadiennes peuvent faire progresser le marché mondial du bâtiment vert.

Le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques vise l’adoption d’un code de construction « prêt à la consommation énergétique nette zéro » d’ici 2030. La quantité d’énergie utilisée par les nouveaux bâtiments annuellement pourrait être produite sur place par des systèmes d’énergie renouvelable (des panneaux solaires par exemple). Vancouver est allée encore plus loin avec son plan en faveur de constructions à émissions nulles en vertu duquel l’exploitation de la plupart des nouveaux bâtiments urbains ne produira aucun gaz à effet de serre d’ici 2030.

Les bâtiments à émissions presque nulles sont rares au Canada, mais ils forment déjà un marché de 14 milliards de dollars US en Europe. Dans le cadre de la directive sur l’efficacité énergétique de 2012 de l’Union européenne, toutes les nouvelles constructions devront avoir un niveau quasi nul d’émissions d’ici la fin 2020 ; cet objectif devra être atteint pour les nouveaux bâtiments publics d’ici la fin 2018. Soutenir l’adoption anticipée de telles normes dans notre pays (au moyen d’incitatifs et de financement par exemple) incitera le marché à les faire progressivement respecter dans l’ensemble des projets immobiliers.

Ces bâtiments écologiques seront plus durables, moins énergivores, et feront baisser les coûts d’exploitation et d’entretien. Ils pourront aussi favoriser le bien-être, la santé et l’équité. Au moins un million de Canadiens consacrent plus de 10 % de leurs revenus à leurs factures de services publics ; la satisfaction des besoins énergétiques de base devient alors pour eux un réel fardeau. Prioriser les investissements en efficacité énergétique dans le logement social et pour les personnes à faible revenu sera synonyme d’un réel progrès de société.

Pour réaliser ces objectifs, la vision énoncée dans le Cadre pancanadien doit être soutenue par un engagement à long terme. Cela pourrait passer notamment par un financement de la mise en œuvre des programmes sur plusieurs années, une dotation suffisante des services responsables des mesures et l’adoption de pratiques exemplaires de la part du gouvernement. La réussite de ces initiatives demandera également des mécanismes de reddition de comptes qui garantiront l’utilisation optimale des investissements pour atteindre les cibles de réduction de la pollution par le carbone d’ici 2030 et 2050.

Des politiques ambitieuses en matière d’efficacité énergétique des bâtiments créeront des emplois locaux, attireront les investissements, renforceront les fondations d’une économie d’innovation et seront profitables pour les familles et les collectivités partout au Canada.

Photo: Shutterstock.com


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Elizabeth McDonald
Elizabeth McDonald est présidente-directrice générale de l’Alliance de l’efficacité énergétique du Canada, la voix nationale de l’efficacité énergétique et de la conservation au Canada.
Julia Langer
Julia Langer is CEO of the Atmospheric Fund.
Jay Nordenstrom
Jay Nordenstrom est directeur général de NAIMA Canada, une association qui représente les fabricants d’isolants en fibre minérale. Il fait la promotion de l’utilisation et de la production sécuritaires des matériaux fabriqués par les membres de l’association pour soutenir l’efficacité énergétique et la préservation de l’environnement.
Karen Tam Wu
Karen Tam Wu est directrice associée des opérations pour la Colombie-Britannique et directrice du programme de solutions urbaines et de construction du Pembina Institute, un think tank sans but lucratif qui fait la promotion de politiques solides et efficaces pour soutenir la transition du Canada vers les énergies non polluantes.

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