Tandis qu’il prépare le prochain budget fédéral, le gouvernement conservateur est confronté à un ralentissement économique qui s’annonce persistant. Notre taux de croissance est même inférieur à celui des États-Unis, où la reprise tarde à créer des emplois et se heurte à l’immobilisme politique. Et si l’Europe semble pour l’instant avoir évité le pire, c’est-à-dire l’effondrement de la zone euro, les économies stagnantes du continent n’arriveront guère à stimuler la croissance internationale. Même les marchés émergents montrent des signes d’essoufflement, qui font douter de la possibilité de voir un jour l’économie mondiale sortir du marasme.

Nombre d’observateurs affirment que les périodes creuses sont chose courante, et que le temps ramène tôt ou tard des gains de productivité et de nouvelles opportunités. Même si, pour l’instant, rien de tel ne s’annonce à l’horizon, il n’y a aucune raison de succomber aux théories en vogue sur un quelconque bouleversement historique, disent-ils.

Ayant vécu au Japon au milieu des années 2000, quand les décideurs s’agitaient en vain pour stimuler l’économie, j’ai pourtant vu un pays exportateur postindustriel s’enliser dans une croissance anémique. Deux décennies sans véritable expansion ont épuisé et transformé la société nippone, même si, pour diverses raisons, le pays a évité les manifestations qui mobilisent des foules d’Européens, inquiets des menaces pesant sur leur modèle de protection sociale né de l’aprèsguerre. Non sans raison, car nos valeurs et nos institutions démocratiques — sans parler de nos chèques de pension — sont largement tributaires d’une croissance économique durable.

Qu’arrivera-t-il aux Canadiens si cette croissance chétive se prolonge ? Notre qualité de vie en souffrira-t-elle, ou le PIB par habitant n’est-il qu’une mesure abstraite de notre véritable bien-être ? Quelle en serait l’incidence sur les gouvernements et leurs engagements de dépenses qui, pour les citoyens, relèvent d’un principe sacré ? Et qu’en est-il de notre modèle de protection sociale ?

Pour ce numéro, nous avons demandé à quelques experts d’examiner comment une société habituée à des décennies de croissance pourrait vivre sans cet oxygène économique. Certains proposent des mesures pour s’extraire de la faible croissance. D’autres, très critiques à l’égard d’un marché sans entraves, y voient une occasion de répudier une croissance économique susceptible de causer de graves problèmes environnementaux et d’altérer nos valeurs. Mais quel que soit le point de vue, nous devons refaire nos calculs pour l’avenir.

Bruce Wallace
Bruce Wallace a été nommé rédacteur en chef d'Options politiques, la revue phare de l'IRPP, en août 2012. Il travaillait auparavant au Los Angeles Times, de 2004 à 2008 comme chef de bureau à Tokyo, par la suite comme responsable du service étranger du quotidien. Au cours de sa longue carrière de journaliste, il a couvert au Canada et à l'étranger aussi bien des guerres que des élections ou l'actualité économique, sans parler de trois Jeux olympiques. Originaire de Montréal, Bruce a séjourné à l'extérieur du pays pendant 16 des 19 dernières années ; il possède une excellente compréhension des courants mondiaux en matière économique, politique et de sécurité, et de leur incidence sur les politiques publiques canadiennes.

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