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Plus les années passent, et plus notre environnement bâti est confronté aux pressions accrues du changement climatique. Les inondations, la chaleur extrême et la pollution due aux feux de forêt se font de plus en plus fréquentes.   

Les ménages à faible revenu vont demeurer plus affectés par ces tendances : d’une part, parce qu’ils sont plus susceptibles de vivre dans des zones à risque; d’autre part, parce qu’ils sont moins en mesure de s’offrir les rénovations nécessaires pour s’adapter au climat changeant. 

Le budget fédéral 2024 inclut un nouveau programme pour des maisons abordables plus vertes ainsi que des mesures complémentaires pour financer les rénovations des ménages à faible revenu. L’avancée est bienvenue, mais le financement promis n’est pas à la hauteur des besoins.  

Ottawa devrait adopter une approche en quatre temps pour faire fonctionner l’efficacité énergétique pour les Canadiens à faible revenu : travailler avec des partenaires locaux plutôt que d’imposer une approche unique; assurer une intégration transparente avec les programmes provinciaux, territoriaux et locaux; responsabiliser les locataires; et créer de la prévisibilité pour le marché de la rénovation. 

De l’argent pour les ménages à faible revenu et les locataires 

Le nouveau programme canadien pour des maisons abordables plus vertes est une étape importante pour l’efficacité énergétique des ménages à faibles revenus. Il s’aligne parfaitement sur les recommandations formulées par le Conseil d’action sur l’abordabilité, une initiative non partisane d’experts et de leaders de communautés de partout au pays. 

Le programme financera directement les rénovations énergétiques des ménages à revenu faible ou médian à raison de 800 millions $ sur cinq ans, à partir de 2025. 

Une aide ciblée est essentielle pour les ménages à faible revenu, pour qui l’accès aux rénovations représente un défi considérable. Entre 30 et 60 % des ménages à très faible revenu sont en situation de pauvreté énergétique, dépendamment de la définition utilisée. Pourtant, jusqu’à maintenant, le Canada ne disposait pas d’un programme national d’efficacité énergétique pour les soutenir.  

Le nouveau programme inclura les locataires. C’est une bonne chose étant donné que 62 % des familles à faible revenu sont locataires. De plus, le nombre de ménages locataires – peu importe leur revenu – augmente plus que deux fois plus vite que celui des ménages propriétaires. 

Le programme sera également mis en œuvre en collaboration avec des partenaires provinciaux et territoriaux, ce qui signifie que le gouvernement fédéral pourra tirer parti du travail déjà effectué sur le terrain et l’amplifier.  

D’autres sommes doivent compléter le nouveau programme. Cela inclut 73,5 millions $ pour améliorer les outils d’efficacité énergétique qui permettront un meilleur suivi des données énergétiques et des projections d’économies de rénovation, et 30 millions $ pour développer une approche nationale de l’étiquetage des logements en fonction de leur niveau de consommation d’énergie, afin que davantage de ménages puissent tenir compte des coûts énergétiques dans leurs décisions en matière de logement. 

Un nouveau fonds de protection des locataires a également reçu 15 millions $, ce qui ajoute un peu plus de substance à la promesse de la mise en place d’une Charte canadienne des droits des locataires. 

Ce nouveau fonds fournira des services d’information et de promotion des droits des locataires, afin de s’assurer que les locataires qui participent au programme de rénovation énergétique bénéficient de factures moins élevées et d’un meilleur logement, tout en étant protégés contre la hausse des loyers et l’expulsion. 

Un investissement insuffisant dans notre avenir 

Malgré ces avancées positives, les 800 millions $ alloués à la rénovation sont non seulement inférieurs à l’investissement nécessaire, mais ils représentent une diminution par rapport aux 2,6 milliards $ investis à l’origine dans l’initiative canadienne pour des maisons plus vertes. 

Le Conseil d’action sur l’abordabilité a recommandé au gouvernement de viser la rénovation d’environ 100000 logements à faible revenu par an. Cela ne représente qu’un cinquième de l’objectif total proposé dans le document de travail de la stratégie sur les bâtiments verts, qui vise la rénovation de 460000 à 770000 bâtiments chaque année. 

Pourtant, le financement prévu de 800 millions $ sur cinq ans – ou 160 millions $ par an – est grossièrement insuffisant, même pour atteindre l’objectif plus modeste de 100000 logements. 

Si chaque rénovation devait coûter environ 11000 $ (l’équivalent canadien de ce que le programme américain d’aide à l’amélioration de l’efficacité énergétique octroie pour chaque logement), les fonds prévus n’arriveraient à couvrir que les rénovations de 14545 maisons chaque année. Cela ne tient même pas compte des dépenses liées à la conception et à la mise en œuvre du programme. 

Même si la contribution des provinces et des territoires était équivalente à celle du fédéral, le nombre de logements pouvant être rénovés sera bien inférieur aux recommandations du Conseil d’action sur l’abordabilité. 

Même si le niveau de financement est présentement inadapté à l’ampleur de la tâche, il est encore possible de rendre le programme efficace et durable à long terme. 

Et puisqu’Ottawa réfléchit à la manière de concevoir et de mettre en œuvre le nouveau programme de rénovation pour les ménages à revenu faible ou moyen, voici quatre principes fondés sur les recommandations du Conseil d’action sur l’abordabilité : 

1. Développer et améliorer les programmes locaux d’efficacité énergétique 

Le nouveau programme devrait permettre aux partenaires locaux de concevoir et de fournir leurs services de la manière qui leur convient le mieux. Plutôt que d’appliquer un modèle unique, il devrait y avoir différentes options pour les partenaires locaux, peu importe que ceux-ci cherchent à développer de nouveaux programmes ou à étendre des programmes existants. 

Le nouveau programme devrait aussi tenir compte des coûts initiaux liés à la conception même du programme et soutenir les partenaires locaux en conséquence. Il pourrait également compléter les programmes locaux en les mettant en relation avec des partenaires de référence et des partenaires d’éducation, le cas échéant. 

Le gouvernement fédéral devrait permettre que l’éligibilité aux programmes existants pour les ménages à faible revenu soit étendue au niveau de revenu médian, afin de servir davantage de citoyens, mais en évitant d’obliger les programmes locaux à se réorganiser d’une manière qui ne correspondrait pas à leur réalité. 

2. Simplifier les procédures administratives et de demande d’aide  

Les incitations fédérales, provinciales, territoriales et locales devraient être intégrées de manière transparente. Le gouvernement fédéral devrait s’efforcer d’incorporer ses propres mécanismes aux initiatives existantes en matière d’efficacité énergétique destinées aux ménages à faible revenu. En outre, les fonds fédéraux devraient permettre (mais sans l’obliger) aux programmes existants d’élargir le nombre de demandeurs couverts. 

Afin de réduire le fardeau administratif et de mieux cibler les ménages vulnérables, le nouveau programme devrait également permettre une admissibilité croisée avec d’autres programmes d’aide sociale. D’autres obstacles pourraient être réduits en fournissant des services de soutien aux demandeurs et des formulaires conviviaux, traduits dans les langues locales. 

3. Responsabiliser les locataires et leur fournir un soutien adéquat 

Les droits des locataires doivent être intégrés dans la conception du programme, incluant le droit de conserver l’occupation de la résidence pendant et après la rénovation. Les propriétaires qui recevront du financement devraient être tenus de signer des accords pour maintenir ou améliorer l’abordabilité, semblables à ceux utilisés dans le programme américain. 

Il devrait aussi y avoir un aiguillage plus clair entre le nouveau fonds de protection des locataires et le programme pour des maisons abordables plus vertes.  

4. Créer de la prévisibilité pour le marché de la rénovation 

Le gouvernement fédéral devrait collaborer avec les partenaires locaux pour rationaliser le regroupement des projets et favoriser des commandes groupées pour les rénovations, afin de créer des flux de projets prévisibles pour les fournisseurs tout en réduisant les coûts. 

Afin d’établir une prévisibilité à long terme pour le marché de la rénovation, le programme devrait être permanent, à l’instar du programme américain, avec un financement stable et à long terme. Le gouvernement doit éviter de mettre fin prématurément au programme, comme il l’a fait avec sa version précédente, et perturber le marché de la rénovation. 

Pour tirer le meilleur parti du financement fédéral pour l’efficacité énergétique des ménages à faible revenu et assurer le succès à long terme du programme d’écologisation des habitations, il est important que le gouvernement mette en place un programme bien conçu.  

Personne ne devrait se retrouver en situation de pauvreté à cause de sa facture d’énergie, et chacun devrait avoir un accès facile et abordable à l’efficacité énergétique, au moment où nous construisons une économie à émissions nettes nulles. Le nouveau programme national d’efficacité énergétique pour les Canadiens à faible revenu devrait être un pilier fondamental d’une stratégie climatique qui améliore l’abordabilité. 

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Brendan Haley
Brendan Haley is Efficiency Canada’s director of policy research and an adjunct research professor at Carleton University’s School of Public Policy & Administration. He is also a policy fellow with the Broadbent Institute. Twitter @br_haley

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