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Pendant que des pays s’engagent dans une diplomatie scientifique concertée, les efforts du Canada sont aléatoires et irréguliers.
Depuis que Galilée (un Italien) s’est inspiré des travaux de Copernic (un Polonais) au 17e siècle pour promouvoir le modèle héliocentrique du système solaire – au grand désarroi du pape! –, la collaboration internationale est une caractéristique de la recherche scientifique.
Quatre siècles plus tard, les gouvernements ont commencé à s’impliquer dans la collaboration scientifique internationale pour soutenir et promouvoir de telles interactions. Il est remarquable, par exemple, que le Conseil national de la recherche du Canada ait été créé en 1916 pour promouvoir la recherche scientifique et industrielle en collaboration avec le Royaume-Uni, afin de soutenir l’effort de guerre.
Toutefois, ce n’est que depuis quelques années que l’idée d’une diplomatie scientifique menée par le ministère des Affaires étrangères a émergé. Dans ce contexte contemporain, le Canada a pris du retard.
Qu’il s’agisse de la science au service de la diplomatie ou de la diplomatie au service de la science, cette relation est restée relativement discrète jusqu’à l’arrivée de la pandémie de COVID-19 en 2020. Les gouvernements ont réagi par nécessité de faciliter la collaboration scientifique internationale, afin de mettre au point des vaccins le plus rapidement possible (dans ce cas-ci, en une seule année, au lieu des 8 à 10 années habituelles).
La pandémie a également sensibilisé les dirigeants politiques et diplomatiques à la nécessité de disposer en temps voulu de données scientifiques précises et informatives qui ne peuvent être élaborées et partagées rapidement et à grande échelle que dans le cadre d’une collaboration qui dépasse les frontières.
Manifestement, la diplomatie scientifique peut jouer un rôle dans les relations internationales.
L’avance américaine et européenne
Aux États-Unis, la diplomatie scientifique a son propre bureau à la Maison-Blanche, et elle est gérée par le département d’État (le ministère américain des Affaires internationales). De son côté, l’Association américaine pour l’avancement de la science, la plus grande société scientifique au monde (et éditrice du magazine Science), héberge le Centre pour la diplomatie scientifique afin d’aider l’intégration des efforts de collaboration scientifique internationale aux efforts diplomatiques du département d’État.
De la même façon, l’Union européenne a déployé depuis cinq ans de nombreux efforts pour mettre en place un cadre stratégique qui garantit que les efforts nationaux et continentaux en matière de recherche et d’innovation appuient les intérêts diplomatiques de l’UE et sont cohérents avec ceux-ci. Ces mêmes efforts visent en retour à s’assurer que les efforts diplomatiques soutiennent la communauté des chercheurs et que les décisions sont basées sur la science et l’expertise.
Entre-temps, les nombreux établissements scientifiques du Canada, y compris les universités, les fondations de recherche et les agences nationales et provinciales de recherche scientifique, collaborent activement avec des partenaires internationaux. Mais ils le font avec peu ou pas de soutien ou de coordination de la part d’Affaires mondiales Canada.
Faux départ pour le Canada
En 2020, Affaires mondiales Canada a cherché à développer une approche stratégique pour ses efforts disparates en matière de diplomatie scientifique. Toutefois, cette initiative a rapidement été rétrogradée au rang de document d’élaboration de politique, moins ambitieux.
Le résultat final a été un document d’orientation. Mais plutôt que de définir une approche stratégique pour déployer la diplomatie scientifique, il a présenté un examen des personnes qui, au sein du gouvernement du Canada, mènent des collaborations scientifiques internationales.
Ce type de directive encourage les parties à se parler afin de savoir de ce que font les autres représentants du gouvernement canadien sur la scène internationale. Toutefois, lorsque l’on compare avec ce que les États-Unis et l’Union européenne ont mis en place ou encore avec ce qui était visé initialement, le résultat final n’est guère plus qu’un Post-it glorifié.
L’une des raisons de cet échec, comme je l’ai soutenu, est qu’Affaires mondiales Canada considère généralement la diplomatie scientifique comme une fonction de la diplomatie commerciale.
Un examen plus stratégique et plus complet de la diplomatie scientifique permettrait plutôt de la situer au croisement des diplomaties culturelle, commerciale et de développement.
En d’autres mots, l’intégration stratégique de la collaboration scientifique internationale dans la diplomatie culturelle existante permettrait de renforcer l’influence globale du Canada. Tout comme nous mettons actuellement en valeur nos artistes et nos auteurs pour démontrer l’excellence canadienne, les scientifiques, les chercheurs et les diplômés canadiens pourraient être soutenus pour mieux promouvoir l’excellence canadienne et la citoyenneté mondiale.
Aider les autres à se développer
Bien que la diplomatie scientifique avec les pays en développement n’aboutira pas nécessairement à des avancées directes significatives en matière de recherche pour le Canada, elle pourrait néanmoins être d’une valeur inestimable pour les pays dont les capacités scientifiques sont embryonnaires. Après tout, l’aide canadienne devrait essentiellement soutenir les progrès économiques, sociaux, politiques et scientifiques des pays en développement, y compris la réalisation du point 17 des objectifs de développement durable des Nations unies.
Une telle approche stratégique exigerait qu’Affaires mondiales Canada développe un leadership à travers ses trois principales activités fonctionnelles : politique et culturelle, commerciale et économique, et développement.
Malheureusement, la culture interne du ministère est très réfractaire à une telle collaboration entre ses différentes composantes.
Les trois filières sont obstinément cloisonnées et de nombreux employés de l’ancienne Agence canadienne de développement international semblent encore amers de leur mariage forcé avec l’ancien ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (principalement en raison d’une perte d’indépendance et de la nostalgie d’un passé idéalisé, ressenti par les employés de longue date de l’ACDI).
Pour qu’une telle collaboration pluridisciplinaire en matière de diplomatie scientifique ait réellement lieu et qu’elle soit efficace – et qu’elle ne serve pas seulement à informer les collègues de ce que vous faites –, la haute direction d’Affaires mondiales Canada doit être sensible à l’importance croissante et hautement conséquente de la diplomatie scientifique.
En fin de compte, l’adoption d’une approche plus structurée et stratégique va bien au-delà de la recherche canadienne et de son rôle dans le monde. Il s’agit de fournir une plateforme efficace pour les intérêts du Canada en général sur une scène internationale de plus en plus occupée et compétitive.