(Cet article a été traduit de l’anglais.)

La pression en faveur de la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) dues aux transports en Amérique du Nord est de plus en plus forte. En effet, un nouveau plan climatique ambitieux visant à aider le Canada à atteindre la carboneutralité d’ici 2050 a vu le jour, deux interdictions provinciales de vente de véhicules à essence entreront en vigueur en 2035 et 2040, et le nouveau président américain compte accélérer l’adoption des véhicules électriques (VE).

Pour que le monde atteigne son objectif de carboneutralité, il faudrait que plus de la moitié des voitures personnelles vendues d’ici 2030 soient électriques. Or le Canada n’est même pas en voie de réaliser son objectif plus modeste de 30 % d’ici cette date, alors que les voitures électriques ne représentaient que 3,5 % du marché des véhicules légers au cours du premier semestre de 2020.

L’insuffisance des mesures actuelles compromet l’engagement du Canada à maintenir l’augmentation globale du réchauffement climatique en dessous de 1,5 degré — le niveau optimal fixé dans l’Accord de Paris en 2015 par rapport aux niveaux préindustriels. La crise est déjà bien réelle. Les migrations climatiques sont de plus en plus fréquentes, et chaque décimale additionnelle de réchauffement augmente le risque de nouvelles sécheresses, d’inondations et de chaleurs extrêmes qui, à leur tour, accroîtront les inégalités dans le monde. Étant l’un des plus grands émetteurs de GES par habitant à l’échelle de la planète, le Canada doit faire sa part.

L’importance des émissions du secteur des transports

Ce n’est un secret pour personne : la réduction des émissions provenant des transports est un élément clé pour que le Canada atteigne ses objectifs climatiques. Ces émissions ont augmenté de 54 % de 1990 à 2018, tandis que d’autres secteurs ont réussi à réduire les leurs, à l’exception de l’industrie pétrolière et gazière. De plus, les véhicules canadiens ont acquis une réputation peu enviable, l’Agence internationale de l’énergie les a reconnus comme les plus polluants au monde. La décarbonisation des transports aiderait non seulement le Canada à réduire ses émissions, elle se traduirait aussi par des retombées positives pour la santé et l’économie de la population canadienne, y compris une meilleure qualité de l’air.

Plusieurs outils peuvent aider le Canada à ce chapitre. Certains sont déjà en place, comme la tarification du carbone et les incitatifs financiers à l’achat d’un véhicule zéro émission (VZE). D’autres sont en cours d’élaboration ou de déploiement, dont une norme sur les combustibles propres et la mise en place de bornes de recharge. Ces initiatives vont de pair avec les efforts des provinces et des municipalités pour promouvoir l’utilisation des transports collectifs et d’autres modes de transport faibles en carbone, comme le vélo.

Pour favoriser l’adoption accrue des VZE, un soutien financier soutenu est crucial. Dans le plan climat publié en décembre dernier, le gouvernement fédéral a annoncé des remises en argent supplémentaires à l’achat d’un VZE, des investissements dans les infrastructures de recharge, de même que des déductions fiscales à l’achat de VZE commerciaux. Ottawa a également promis de verser 295 millions de dollars, auxquels le gouvernement de l’Ontario ajoutera un investissement égal, pour aider l’usine d’assemblage de Ford à Oakville de concentrer ses activités sur la fabrication de VE, redonnant ainsi un nouveau souffle au secteur automobile canadien en déclin.

Toutefois, aussi concrets et ambitieux que ces engagements puissent paraître, dépenser des millions de dollars ne suffira ni à assurer la pérennité de l’industrie automobile canadienne ni à lui donner l’élan écologique dont elle a besoin pour faire face à la pénurie actuelle de VE et atteindre ses cibles d’électrification en transport.

Au cours des derniers mois, des débats autour d’une stratégie nationale sur les VZE se sont tenus entre des membres du Comité permanent de l’environnement et du développement durable de la Chambre des communes et de nombreux représentants de la société civile, dont l’Institut Pembina, qui plaident en faveur de politiques ambitieuses pour accélérer l’électrification. Un des instruments ayant émergé de ces échanges serait particulièrement intéressant pour accroître l’offre et l’achat de VZE : une norme VZE nationale.

Pourquoi les normes VZE sont-elles efficaces ?

Les normes VZE obligent les constructeurs automobiles à vendre annuellement une part croissante de véhicules zéro émission. Elles ont fait leurs preuves dans les principaux États fabriquant des VE, notamment en Chine, dans l’Union européenne et en Californie. Outre la Californie, dix autres États américains ont mis en place une norme VZE.

L’inclusion du Canada au sein de ce cercle fermé ferait progressivement basculer l’Amérique du Nord vers l’électrification, puisque les constructeurs automobiles ont besoin d’opérer dans un climat de certitude et qu’ils préfèrent fortement vendre les mêmes modèles de véhicules au Canada et aux États-Unis, selon le Conseil international pour le transport propre (ICCT).

Dans une entrevue diffusée sur la chaîne CBC à la fin de 2020, Jonathan Wilkinson, ministre fédéral de l’Environnement et du Changement climatique, a déclaré qu’il n’exclurait pas les normes relatives à l’offre de VZE, ajoutant qu’en raison d’un marché automobile intégré en Amérique du Nord, c’est « l’une des occasions que l’élection de [Joe] Biden a créées pour le Canada ».

Il est urgent d’adopter une norme VZE au Canada, un outil politique instauré avec succès au Québec et en Colombie-Britannique. En raison du manque d’un tel instrument, l’offre de VZE est restée à la fois insuffisante et inégalement répartie à travers le pays. À ce titre, une étude réalisée par Dunsky Energy Consulting indique que seulement 33 % des concessionnaires canadiens ont des véhicules électriques rechargeables en stock actuellement — un chiffre qui chute à moins de 20 % pour ceux qui sont situés dans une province autre que la Colombie-Britannique, l’Ontario et le Québec. C’est d’ailleurs au Québec que se concentre 57 % de l’offre canadienne de VE. En novembre dernier, dans le cadre de son Plan pour une économie verte, la province a démontré son leadership en matière de VZE une fois de plus en annonçant l’interdiction de vendre des véhicules à essence neufs d’ici 2035. À l’autre bout du pays, le plan de la Colombie-Britannique d’interdire la vente de voitures à essence d’ici 2040 correspond à celui du Canada ; en revanche, la province s’est dotée des outils politiques et réglementaires nécessaires pour y parvenir, dont une norme VZE.

Il est peu probable que le statu quo en matière de politiques publiques conduise à une électrification massive des véhicules. En effet, Transports Canada a fait remarquer que dans les conditions actuelles, les VZE représenteraient de 5 à 10 % des nouveaux véhicules légers vendus à partir de 2030, ce qui est bien inférieur à l’objectif de 30 % du pays. De même, un rapport commandé par Équiterre a révélé que, s’il n’y a pas de norme VZE (ou une politique similaire axée sur l’offre), les ventes de VE dépendront fortement des incitatifs à l’achat, une stratégie politique indispensable — et populaire jusqu’ici —, mais qui n’agit que du côté de la demande.

Classées par la Sustainable Transportation Action Research Team de l’Université Simon Fraser comme l’un des trois principaux types de « politiques nationales susceptibles d’influer fortement sur les ventes de VZE, tout en étant raisonnablement acceptables pour le public », les normes VZE présentent divers avantages comme l’envoi d’un « signal transformationnel fort » aux constructeurs et aux consommateurs, ainsi que leur rentabilité. La question de l’offre de VZE au Canada pourrait être résolue par l’adoption d’une norme VZE nationale, comme l’indique un rapport de Mobilité électrique Canada.

La nécessité d’une stratégie plus globale

Bien que la pandémie de COVID-19 ait fait brièvement chuter les ventes de voitures au début de 2020, les dernières statistiques montrent que l’industrie se relève, mais aussi que la préférence canadienne pour les véhicules plus gros et plus polluants est plus forte que jamais. Selon les discussions sur les VZE qui ont lieu à Ottawa, il y a un intérêt à établir une feuille de route pour intensifier l’adoption des VZE ; elle constituera un impératif environnemental et économique dans un avenir proche.

Déployer une série de mesures isolées et non coordonnées serait tout simplement insuffisant. Bien qu’une norme ne représente pas une solution miracle, son intégration au cœur d’une stratégie nationale plus globale en matière de VZE contribuerait à réduire les GES au Canada et à résoudre le problème de l’offre de VZE au pays. Si le Canada entend atteindre ses objectifs climatiques, il doit s’engager sur la voie de l’électrification. Il ne suffit pas de fixer des objectifs. Comme tout conducteur le sait, avoir une destination est une chose, mais détenir une carte pour y arriver en est une autre.

La recherche effectuée dans le cadre de cet article a été appuyée par Cedric Smith, analyste à l’Institut Pembina.

Photo : Une borne de recharge de véhicules électriques à Vancouver. Shutterstock / SHUBIN.INFO.

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Andréanne Brazeau
Andréanne Brazeau, analyste en mobilité chez Équiterre, mène des recherches sur diverses thématiques ayant un objectif commun : élaborer des solutions de politiques publiques qui permettent d’accélérer la décarbonisation des transports au Canada.

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