Depuis que la première dose de vaccin contre la COVID-19 a été administrée au Canada en décembre 2020, la vaccination est devenue le meilleur outil pour combattre la pandémie. Toutes les provinces et territoires y offrent maintenant un accès plus que suffisant, mais chacun a choisi une approche différente en lien avec le statut vaccinal.
Les provinces et les territoires ont également tous dû composer avec des citoyens qui refusent de se faire vacciner. Afin de motiver les récalcitrants et de protéger les plus vulnérables – incluant les non-vaccinés, et ce, contre leur gré – les gouvernements ont conséquemment restreint l’accès à certains endroits publics pour les personnes non vaccinées.
Comme ce fut le cas avec d’autres mesures de santé publique, l’index de sévérité du Centre d’excellence sur la fédération canadienne permet de différencier les approches préconisées par les provinces quant à l’utilisation des passeports vaccinaux et de la vaccination obligatoire. Nous pouvons ainsi comparer quand ces mesures ont été implantées, quelle fut leur portée, et à quelle vitesse les provinces sont en train de les lever.
Le passeport vaccinal
Le premier passeport vaccinal a été instauré au Québec le 1er septembre 2021. Il a tout de suite été obligatoire pour une série d’activités intérieures. En plus d’être la première province à mettre en place un tel passeport, le Québec est présentement celle où il est exigé de la manière la plus étendue, surtout en ce qui a trait aux commerces.
La plupart des provinces et territoires ont exigé la présentation du passeport dans les restaurants et les bars, les lieux culturels et sportifs ainsi que dans certains commerces de détail non essentiels. Le Québec est la seule province à avoir élargi son utilisation aux grandes surfaces telles Canadian Tire, Wal-Mart and Costco, même si ce fut pour une courte durée.
La plupart des autres provinces et territoires ont instauré leur passeport vaccinal à la mi-septembre et en octobre. La figure 1 montre précisément quand ces passeports ont été mis en place ainsi que la couverture vaccinale qui prévalait à ce moment.
Depuis, certaines provinces ont aboli leur passeport. L’Alberta avait un « programme d’exemption aux restrictions », le Restriction Exemption Program (REP), qui fonctionnait sur une base volontaire et qui permettait aux commerces participants d’opérer avec moins de contraintes. Le REP albertain a cependant été abandonné le 9 février dernier alors que la province mettait fin à plusieurs mesures.
Un programme fonctionnant sur une base volontaire a également été mis en place dans les Territoires-du-Nord-Ouest, alors que le Nunavut n’a tout simplement implanté aucune mesure s’apparentant à un passeport. La Saskatchewan, qui avait un passeport, a par ailleurs annoncé qu’elle allait elle aussi y mettre fin et cesser la protection légale qu’elle offrait aux commerces qui voudraient encore demander une preuve vaccinale.
À ce jour, de toutes les provinces ayant instauré un passeport vaccinal, seule la Colombie-Britannique et les provinces atlantiques n’ont pas encore annoncé de calendrier pour son abandon, ce que la Saskatchewan (14 février), le Manitoba (1er mars), l’Ontario (1er mars) et le Québec (14 mars) ont fait.
La vaccination obligatoire
Plus encore que pour les passeports vaccinaux, la situation dans les provinces et territoires varie grandement en ce qui a trait à la vaccination obligatoire. Alors que la plupart l’exigent ou imposent des tests fréquents pour les travailleurs en milieu hospitalier ou en soins de longue durée, les politiques mises en place pour les fonctionnaires et le personnel des écoles diffèrent beaucoup.
La Colombie-Britannique, le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve-et-Labrador, la Nouvelle-Écosse et le Yukon ont mis de l’avant les politiques de vaccination obligatoire les plus strictes au pays. Le dépistage régulier n’est en effet pas accepté comme alternative pour permettre aux non-vaccinés de conserver leur emploi. La vaccination est donc requise, sans quoi l’employé se retrouve en congé sans solde, et peut même perdre son emploi dans certain cas. De plus, comme le montre la figure 2, ces endroits ont instauré la vaccination obligatoire dans les quatre champs mesurés par l’index de sévérité (ou trois, pour la Colombie-Britannique).
Le curieux cas du Québec
Le Québec se démarque dans les données sur la vaccination obligatoire. Les Québécois ont été soumis à plusieurs des restrictions sanitaires les plus sévères durant la pandémie (voir la figure 3). La plus marquante a sans doute été le couvre-feu, que la province a été la seule à instaurer, et ce deux fois plutôt qu’une : d’abord, du 9 janvier au 28 mai 2021, puis une deuxième fois, du 31 décembre 2021 au 17 janvier 2022.
Le Québec a également été le seul endroit au pays où l’on a considéré la création d’une taxe spéciale pour les non-vaccinés, idée finalement abandonnée. Le gouvernement québécois a aussi envisagé de limiter l’accès des non-vaccinés aux soins de santé, une autre politique finalement écartée. Le Québec n’a donc pas craint d’adopter des mesures radicales pour contrer la propagation de la COVID-19, ou à tout le moins d’en étudier la possibilité.
Cependant, lorsqu’on se penche sur le cas de la vaccination obligatoire, le Québec se démarque plutôt par sa timidité. Alors que d’autres provinces ont été jusqu’à couvrir l’entièreté du service public, le gouvernement québécois a reculé sur la seule vaccination obligatoire annoncée, soit celle pour les travailleurs de la santé. Ces travailleurs non vaccinés doivent tout de même se soumettre à des tests fréquents et peuvent être mis en congé sans solde s’ils refusent. Selon des données datant du 8 décembre 2021, 458 travailleurs de la santé non vaccinés s’étaient retrouvés dans cette situation.
Le Québec a malgré tout l’un des plus hauts taux de vaccination au pays. Dans le cadre de son plan de relâchement des mesures, son gouvernement a aussi annoncé que le passeport vaccinal allait rester en place jusqu’au 14 mars, quoique son champ application sera réduit, notamment en ce qui a trait aux commerces. Enfin, les masques resteront obligatoires pour un certain temps au Québec, contrairement à la Saskatchewan et l’Alberta, qui ont décidé de mettre fin rapidement aux mesures sanitaires.
Le cas moins curieux de la Saskatchewan
Depuis le début de la pandémie, la Saskatchewan a eu certaines des mesures les moins sévères à travers le pays, comme le montre la figure 3.
Le discours tenu par le gouvernement de la province a en quelque sorte été un cas à part au Canada. Alors que la Saskatchewan était aux prises avec son plus haut nombre d’hospitalisations de toute la pandémie, le premier ministre Scott Moe a annoncé récemment son plan d’abolir toutes les mesures pour contrer la COVID-19, en commençant par le passeport vaccinal dès le 14 février 2022. M. Moe a également affirmé dans une lettre destinée aux camionneurs manifestant contre les mesures sanitaires et la vaccination obligatoire que « la vaccination ne réduit pas la transmission », ce qui est inexact. Le consensus des experts est plutôt que les vaccins diminuent à la fois la transmission et les cas sévères. Fait à noter, la Saskatchewan a présentement le plus bas taux de vaccination parmi les provinces, après l’Alberta.
Des sorties de crise divergentes
Alors que les provinces et territoires considèrent différentes avenues pour se sortir de la pandémie, nous assistons au déploiement de stratégies divergentes. Certaines provinces souhaitent lever toutes les mesures, incluant le passeport vaccinal et la vaccination obligatoire. D’autres, comme le Québec, ont annoncé des plans de réouverture tout en statuant que les masques étaient là pour rester et en conservant le passeport vaccinal un peu plus longtemps.
Une mosaïque d’approches différentes pourrait faire en sorte que certaines provinces émergent de la pandémie à une vitesse différente et avec des conséquences différentes pour leur population, leur économie et leur système de santé. L’objectif, lui, reste toujours le même : retrouver un peu de normalité. Quelle est la combinaison de mesures qui nous laissera retrouver cette normalité tout en protégeant nos systèmes de santé ? C’est la question fondamentale qui se pose à l’échelle du pays. Pour le moment, la réponse demeure ouverte.